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La nuit du 4 août 1789 : abolition des privilèges et droits féodaux

Publié le 01/03/2018 (m.à.j* le 28/11/2022)
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La nuit du 4 août 1789, célèbre épisode de la Révolution française, est connue comme la date de « l’abolition des privilèges » en France, c’est-à-dire la fin du système « féodal » qui divisait la société en ordres. Les individus deviennent tous égaux en droits. Si l’image est à nuancer, les décrets nés des décisions prises cette nuit fondent la France moderne. La Révolution française, féconde en législation de court terme et en institutions provisoires, a donné là une de ses oeuvres les plus durables. Jamais un régime postérieur n’est revenu sur cet avènement. La nuit du 4 août est un symbole fort de l’esprit français de révolution. En effet, elle est marquée par une volonté de faire table rase du passé au profit d’une reconstruction rationnelle de la société et des institutions.

La nuit du mardi 4 août 1789 est la date la plus fameuse de notre histoire parlementaire : elle marque le moment où un ordre juridique et social façonné par les siècles, composé d’une hiérarchie d’ordres, de corps et de communautés séparés, et définis par des privilèges, s’est en quelque sorte évanoui, pour laisser la place à un univers social repensé comme un ensemble d’individus libres et égaux, soumis chacun à l’autorité universelle de la loi.

François Furet, Dictionnaire critique de la Révolution française

Avant la nuit du 4 août 1789 : la Grande Peur

La France de juillet 1789 fait face à une radicalité nouvelle. Elle se soulève à proportion de la diffusion de la nouvelle de la chute de la Bastille dans les campagnes. Le mécontentement latent, renforcé par des rumeurs de complots et de manipulations (selon lesquelles on voudrait empêcher l’avènement des temps nouveaux) , poussent les paysans à s’armer, dans certaines parties du royaume surtout (Hainaut, Bourgogne, Normandie, etc.).

Les paysans se dirigent souvent vers le château le plus proche pour y brûler le terrier, document possédé par un seigneur, qui tenait registre de l’ensemble de ses droits particuliers. Les propriétaires présents sont parfois molestés ; les pigeonniers, dont la construction était un droit féodal, sont détruits.

Les députés sont alors occupés à la rédaction d’une Constitution. Mais la nouvelle de ces désordres qui enflamment la France bouscule leur calendrier. En effet, il est impossible de laisser faire les paysans, même s’ils visent des propriétés seigneuriales, parfois occupées par des roturiers. La défense du droit de propriété est un principe cardinal. On ne veut pas aller vers le partage des terres.

Que faire face à l’agitation ?

Cependant, les députés se retrouvent face à un problème politique complexe. La guerre civile pourrait menacer : les milices bourgeoises, frappées par la peur de voir leurs propriétés attaquées, pourraient prendre l’initiative d’une répression.

Il est toutefois impossible de recourir à la force armée du Roi pour réprimer les soulèvements, au double risque d’une reprise en main du pouvoir par Louis XVI (dont le soutien n’est pas assuré) et d’une aliénation durable du soutien populaire. Il semble tout aussi impossible de mettre en oeuvre à court terme une politique sociale d’assistance aux pauvres.

Le 23 juillet, une motion est votée à l’Assemblée pour demander le calme et appeler au maintien de l’ordre. Elle reste sans effet. Les députés réagissent. Le 3 août par exemple, Salomon, député du Tiers état d’Orléans, dénonce les violences paysannes.

La nuit du 4 août 1789

nuit 4 aout abolition privileges

Face à l’urgence, une solution émerge : « séparer les propriétés féodales de la propriété tout court et reconvertir la part légitime des premières en bon argent bourgeois » (Furet).

La préparation par le club breton

La nuit du 4 août n’est pas un événement spontané. Son scénario est préparé.  La stratégie de l’abolition des privilèges est probablement décidée au sein du Club breton, un rassemblement de députés du Tiers état et de la noblesse libérale. Son fondateur, Le Chapelier, à la réputation de patriote, est alors président de l’Assemblée.

Les membres du Club breton décident d’adopter une double stratégie (Bertaud) : faire commencer la séance la nuit, pour dissuader certains députés potentiellement hostiles d’y assister, et faire plaider la cause par des députés de la noblesse, pour déconcerter les députés de cet ordre.

La séance

La séance débute donc la soirée du 4 août vers huit heures du soir. Les deux députés de la noblesse libérale devant intervenir sont le vicomte de Noailles, un cadet de famille sans fortune, et le duc d’Aiguillon, l’un des plus riches propriétaires du royaume.

Le premier plaide pour un rachat des droits féodaux, l’abolition des servitudes personnelles et des corvées seigneuriales sans indemnités. Le second propose une motion pour le rachat des redevances féodales pour une somme équivalente à trente fois leur revenu annuel (rachat au « denier trente »). Il faut donc prendre en compte la colère des paysans, pas les réprimer. Les députés de la noblesse sont placés devant un dilemme terrible : ou bien tout perdre, ou bien choisir la solution proposée par le duc d’Aiguillon et racheter leurs propriétés.

Malgré la préparation de la séance, l’enthousiasme emporte ses acteurs. Dans une formule frappante, Le Guen de Kerangal dit (citation rapportée par Bertaud) :

Qu’on nous apporte ces titres qui humilient l’espèce humaine en exigeant que des hommes soient attelés à une charrette comme les animaux du labourage. Qu’on nous apporte ces titres qui obligent les hommes à passer les nuits à battre les étangs pour empêcher les grenouilles de troubler le sommeil de leurs voluptueux seigneurs…

Le rejet profond de la division corporatiste de la société s’exprime pleinement. La « féodalité » est dénoncée comme « comme la plus grande malédiction du passé national, divisant les Français au lieu de les unir » (l’anglais désigne l’événement comme « Abolition of feudalism »).Le travail de sape la littérature des Lumières porte ses fruits.

Ce « grand moment d’enthousiasme effusif » (Wahnich) est très moderne : une assemblée souveraine prend conscience qu’elle peut changer le cours du destin de la nation.

On vote l’abandon des privilèges féodaux et le rachat des droits réels. Les députés, élus par des corps d’Ancien régime, sacrifient à la nation leurs privilèges dans une geste dramatique. La séance se termine à deux heures du matin, avec un résumé en seize points lu par Le Chapelier. Louis XVI, absent de l’événement, est proclamé « restaurateur de la liberté française ».

Les décrets du 4 août 1789 : abolition des privilèges et droit féodaux

Les jours suivant font l’objet de discussions quant à la mise en oeuvre de l’abolition des privilèges et droits féodaux. Un texte final du décret est rédigé le 11 août : le décret relatif à l’abolition des privilèges. Il annonce en son article premier que « L’Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal. »

Art. 1er L’Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal. Elle décrète que, dans les droits et les devoirs tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la main-morte réelle ou personnelle, et à la servitude personnelle, et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité ; et tous les autres sont déclarés rachetables, et le prix et le mode de rachat seront fixés par l’Assemblée nationale. Ceux desdits droits qui ne sont points supprimés par ce décret continueront néanmoins d’être perçus jusqu’au remboursement.

Art. 2. Le droit exclusif des fuies et colombiers est aboli. Les pigeons seront enfermés aux époques fixées par les communautés durant lequel temps, ils seront regardés comme gibier, et chacun aura le droit de les tuer sur son terrain.

Art. 3. Le droit exclusif de la chasse ou des garennes ouvertes est pareillement aboli, et tout propriétaire a le droit de détruire ou faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourront être faites relativement à la sûreté publique. Toute les capitaineries même royales, et toutes réserves de chasse, sous quelque dénomination que ce soit, sont pareillement abolies ; et il sera pourvu, par des moyens compatibles avec le respect dû aux propriétés et à la liberté, à la conservation des plaisirs personnels du Roi. M. le président est chargé de demander au Roi le rappel des galériens et des bannis pour simple fait de chasse, l’élargissement des prisonniers actuellement détenus, et l’abolition des procédures existantes à cet égard.

Art. 4. Toutes les justices seigneuriales sont supprimées sans aucune indemnité, et néanmoins les officiers de ces justices continueront leurs fonctions jusqu’à ce qu’il ait été pourvu par l’Assemblée nationale à l’établissement d’un nouvel ordre judiciaire.

Art. 5. Les dîmes de toute nature, et les redevances qui en tiennent lieu, sous quelques dénominations qu’elles soient, connues et perçues, même par abonnement, possédées par les corps séculiers et réguliers, par les bénéficiers, les fabriques, et tous les gens main-morte, même par l’ordre de Malte, et d’autres ordres religieux et militaires, même celles qui auraient été abandonnées à des laïques, en remplacement et pour option de portions congrues, sont abolies, sauf à aviser aux moyens de subvenir d’une autre manière à la dépense du culte divin, à l’entretien des ministres des autels, au soulagement des pauvres, aux réparations et reconstructions des églises et presbytères, et à tous les établissements, séminaires, écoles, collèges, hôpitaux, communautés et autres, à l’entretien desquels elles sont actuellement affectées. Et cependant, jusqu’à ce qu’il y ait été pourvu, et que les anciens possesseurs soient entrés en jouissance de leur remplacement, l’Assemblée nationale ordonne que lesdites dîmes continueront d’être perçues suivant les lois et en la manière accoutumée. Quant aux autres dîmes, de quelque nature qu’elles soient, elles seront rachetables de la manière qui sera réglée par l’Assemblée ; et jusqu’au règlement à faire à ce sujet, l’Assemblée nationale ordonne que la perception en sera aussi continuée.

Art. 6. Toutes les rentes foncières perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce qu’elles soient, quelle que soit leur origine, à quelques personnes qu’elles soient dues, gens de main-morte, domaines apanagistes, ordre de Malte, seront rachetables ; les champarts de toute espèce, et sous toutes dénominations le seront pareillement, au taux qui sera fixé par l’Assemblée. Défense seront faites de plus à l’avenir de créer aucune redevance non remboursable.

Art. 7. La vénalité des offices de judicature et de municipalité est supprimée dès cet instant. La justice sera rendue gratuitement. Et néanmoins les officiers pourvus de ces offices continueront d’exercer leurs fonctions et d’en percevoir les émoluments jusqu’à ce qu’il ait été pourvu par l’Assemblée aux moyens de leur procurer leur remboursement.

Art. 8. Les droits casuels des curés de campagne sont supprimés, et cesseront d’être payés aussitôt qu’il aura été pourvu à l’augmentation des portions congrues et à la pension des vicaires, et il sera fait un règlement pour fixer le sort des curés des villes.

Art. 9. Les privilèges pécuniaires, personnels ou réels, en matière de subsides, sont abolis à jamais. La perception se fera sur tous les citoyens et sur tous les biens, de la même manière et de la même forme ; et il va être avisé aux moyens d’effectuer le payement proportionnel de toutes les contributions, même pour les six derniers mois de l’année de l’imposition courante.

Art. 10. Une constitution nationale et la liberté publique étant plus avantageuses aux provinces que les privilèges dont quelques-unes jouissaient, et dont le sacrifice est nécessaire à l’union intime de toutes les parties de l’empire, il est déclaré que tous les privilèges particuliers de provinces, principautés, pays, cantons, villes et communautés d’habitants, soit pécuniaires, soit de toute autre nature, soient abolis sans retour, et demeureront confondus dans le droit commun de tous les Français.

Art. 11. Tous les citoyens, sans distinction de naissances, pourront être admis à tous les emplois et les dignités ecclésiastiques, civiles et militaires, et nulle profession utile n’emportera dérogeance.

Art. 12. À l’avenir il ne sera envoyé en cour de Rome, en la vice-légation d’Avignon, en la nonciature de Lucerne, aucuns deniers pour annales ou pour quelque cause que ce soit ; mais les diocésains s’adresseront à leurs évêques pour toutes les provisions de bénéfices et dispenses, lesquelles seront accordées gratuitement, nonobstant toutes réserves, expectatives et partages de mois, toutes les églises de France devant jouir de la même liberté.

Art. 13. Les déports, droits de côte-morte, dépouilles, vacat, droits censaux, deniers de Saint-Pierre, et autres du même genre établis en faveur des évêques, archidiacres, archiprêtres, chapitres, curés primitifs et tous autres, sous quelque nom que ce soit, sont abolis, sauf à pourvoir, ainsi qu’il appartiendra, à la dotation des archidiaconés et des archiprêtres qui ne seraient pas suffisamment dotés.

Art. 14. La pluralité des bénéfices n’aura plus lieu à l’avenir, lorsque les revenus du bénéfice ou des bénéfices dont on sera titulaire excèderont le somme de 3 000 livres. Il ne sera pas permis non plus de posséder plusieurs pensions sur bénéfices, ou une pension et un bénéfice, si le produit des objets de ce genre que l’on possède déjà excède la même somme de 3 000 livres.

Art. 15. Sur le compte qui sera rendu à l’Assemblée nationale de l’état des pensions, grâces et traitements, qu’elle s’occupera, de concert avec le Roi, de la suppression de celles qui seraient excessives, sauf à déterminer à l’avenir une somme dont le Roi pourra disposer pour cet objet.

Art. 16. L’Assemblée nationale décrète qu’en mémoire des grandes et importantes délibérations qui viennent d’être prises pour le bonheur de la France, une médaille sera frappée, et qu’il sera chanté en actions de grâces un « Te deum » dans toutes les paroisses et églises du royaume.

Art. 17. L’Assemblée nationale proclame solennellement le Roi Louis XVI Restaurateur de la liberté française.

Art. 18. L’Assemblée nationale se rendra en corps auprès du Roi, pour présenter à Sa Majesté l’arrêté qu’elle vient de prendre, lui porter hommage de sa plus respectueuse reconnaissance, et la supplier de permettre que le « Te deum » soit chanté dans sa chapelle, et d’y assister elle-même. L’assemblée nationale s’occupera, immédiatement après la constitution, de la rédaction des lois nécessaires pour le développement des principes qu’elle a fixés par le présent arrêté, qui sera incessamment envoyé par MM. Les députés dans toutes les provinces, avec le décret du 10 de ce mois, pour y être imprimé, publié même au prône des paroisses, et affiché partout où besoin sera.

Les droits féodaux suivants sont donc abolis sans indemnités :

  • la main-morte réelle ou personnelle (art.1) ;
  • la servitude personnelle (art.1) ;
  • la possibilité de possession, exclusive, des fuies et colombiers (art.2) ;
  • la chasse ou des garennes (art.3) ;
  • les capitaineries même royales, et toutes réserves de chasse (art.3) ;
  • les justices seigneuriales (art.4) ;
  • Les dîmes de toute nature (art.5). La dîme était la ressource essentielle du clergé sous l’Ancien régime (mais elle n’était pas un « droit féodal »). Il prélevait 15 à 20% des récoltes. Mirabeau (absent le soir du 4 août) a argué du fait que la dîme n’était pas une propriété, mais une rémunération consentie en échange des services rendus par le clergé. Elle est donc abolie sans indemnités. Elles sont toutefois perçues jusqu’à ce que l’Assemblée trouve un autre moyen de pourvoir aux besoins de l’Église. Selon Furet, la spoliation des biens de l’Église est inscrite dans cette mesure qui mènera à une impasse ;
  • les droits casuels des curés de campagne (art.8) ;
  • tous les privilèges particuliers de provinces, principautés, pays, cantons, villes et communautés d’habitants (art. 10) ;
  • les déports, droits de côte-morte, dépouilles, vacat, droits censaux, deniers de Saint-Pierre, et autres du même genre établis en faveur des évêques, archidiacres, archiprêtres, chapitres, curés primitifs et tous autres (art. 13) ;
  • la pluralité des bénéfices (art. 14).

Sont rachetables :

  • les droits et les devoirs tant féodaux que censuels autre que ceux qui tiennent à la main-morte réelle ou personnelle, et à la servitude personnelle, et ceux qui les représentent (art.1) ;
  • les autres dîmes que celles spécifiées au début de l’article 5 (art. 5) ;
  • les rentes foncières perpétuelles (art.6) ;
  • les champarts, c’est-à-dire un taxe paysanne payée à un seigneur, sous forme de récoltes (art.6).

La vénalité des offices, supprimée par l’article 7, n’est pas, comme la dîme, un droit féodal, mais un expédient efficace instauré au XVIIe siècle pour remplir les caisses de la monarchie. Cette dernière s’était révélée incapable de la supprimer par la suite, comme en témoigne le rétablissement par Louis XVI en 1774 de la vénalité des charges de judicature supprimée par Maupeou trois ans plus tôt. Toutefois, l’Assemblée, soucieuse de protéger la propriété, les déclare rachetables.

L’égal accès de tous les citoyens aux emplois affirmé à l’article 11 est affirmé par la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen (26 août 1789) en son article 6 :

[…] Tous les citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.

Même les faveurs du roi seront surveillées (art.15).

Grand absent de ces décrets, le monde du travail, qui fera l’objet de la loi Le Chapelier en 1791.

La formule monarchienne demandée par Lally-Tollendal, selon laquelle Louis XVI est déclaré « restaurateur de la liberté française » est insérée dans l’article 17. Pour Furet, cette affirmation traduit une « tentative, provisoirement réussie, de séparer la personne et l’institution royales de la liquidation du régime féodal ». Dans les faits, Louis XVI est plutôt hostile à ces bouleversements. Dans ses remarques rédigées par Necker sur l’énumération des droits abolis sans indemnités (18 septembre), il veut notamment sauver le droit de cens et celui de « lods et ventes » qui protègent la petite propriété contre les plus riches. Mais ses considérations ne sont pas écoutées : elles sont hors de l’esprit du temps.

Voir ici : l’instauration du divorce par la Révolution

Les conséquences de la nuit 4 août 1789

Selon Bertaud, la nuit du 4 août marque la fin d’un monde :

Plus de privilège de naissance, plus de privilège de fonctions, égalité de tous devant la loi, égalité de tous pour l’accès à toutes les fonctions selon le talent et le mérite.

On assiste à l’émergence d’un individualisme de propriétaires, critiqué par les historiens socialistes comme la succession de l’inégalité aristocratique à l’inégalité bourgeoise. En réalité, selon Furet, « l’argent est à l’époque le grand égalisateur des conditions, l’instrument de destruction des privilèges et de l’ancienne société à ordres ». La propriété est par définition universelle.

Plus largement, la nuit du 4 août est une étape fondamentale de la création d’une nation de Français libres et égaux que viendra consacrer la Déclaration des droits de l’Homme du 26 août. Contrairement à la société ancienne qui était une collection et un enchevêtrement de privilèges de droits particuliers qui divisaient les hommes entre eux et les régions entre elles, la société nouvelle va se construire sur le fondement d’une universalité de la loi soutenue par des citoyens égaux, Français avant d’être d’une communauté particulière. 

L’entrée en vigueur de l’abolition des privilèges se révèlera particulièrement difficile à mettre en oeuvre et fera l’objet d’autres décrets pour en préciser les modalités. Finalement, si les offices sont bien remboursées, les droits seigneuriaux rachetables ne le seront jamais du fait de résistances, notamment celle de la paysannerie qui s’estime flouée. La République finira par abolir sans indemnités tous les droits seigneuriaux. Le décret du 17 juillet 1793, pris sous la République jacobine, supprime sans indemnités les droits reposant sur la terre.

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