513 Vues
Enregistrer

Dystopie : qu’est-ce que c’est ? Définition

Publié le 27/06/2017
19 commentaires

Définition : une dystopie est une utopie fondée sur de mauvais principes : c’est un récit de fiction qui décrit une société détestable où le bonheur est impossible. Le contre-modèle de société que décrit une dystopie est souvent régi par un pouvoir dictatorial, totalitaire, ou par une idéologie néfaste qui empêche les citoyens d’y être libres. Une dystopie peut aussi se dérouler dans un monde post-apocalyptique, après qu’une catastrophe écologique a dégradé l’environnement ou l’humanité même. On pourra parler de contre-utopie, en revanche, pour désigner une utopie, fondée sur de bons principes, mais dont la réalité est finalement indésirable car effrayante.

Lorsqu’un auteur écrit une dystopie, il a bien sûr pour objectif de faire réfléchir le lecteur sur certaines menaces qui pèsent sur la société à l’époque où il vit.  Le héros d’une dystopie est alors celui qui refuse le système et qui se révolte contre lui. Mais rien ne garantit le succès de son entreprise. Ainsi, le héros de la plus célèbre des dystopies, 1984 de Georges Orwell, est écrasé par le système. 

Cet article contient des liens affiliés.

 

L’étymologie de dystopie

Dystopie est emprunté à l’anglais dystopia, lui-même formé à partir du préfixe grec dys– (qui indique une anomalie) et du grec topos (lieu).

 

10 exemples de dystopie : les classiques à lire

1. Le Talon de fer | Jack London | 1908

Avant même la révolution bolchevique de 1917, l’écrivain américain Jack London (1876 – 1916) imagine dans ce roman une société dans laquelle l’antagonisme de classe est tellement accentué, qu’une oligarchie capitaliste opprime la classe des travailleurs, suscitant les velléités révolutionnaires de ces derniers. Le roman se présente comme le manuscrit d’une révolutionnaire, découvert 700 ans après sa rédaction par un universitaire qui vit alors dans un monde socialiste. On suit alors la préparation d’un coup d’État des travailleurs pour faire advenir une révolution.

 

2. Nous | Eugène Zamiatine | 1920

Ce roman de l’écrivain russe Eugène Zamiatine (1884 – 1937), publié à Paris, se présente comme le journal d’un travailleur, « D-503 », qui vit dans « l’État unitaire », un État totalitaire dirigé par un Bienfaiteur. D-503 participe à la construction d’un vaisseau dont la raison d’être est de convertir les extraterrestres à un bonheur mathématiquement déterminé. Mais D-503 se rend compte qu’il préfère une vie précaire et libre… Ce livre est celui d’un déçu de la révolution bolchevique qui perçoit dès 1920 les linéaments du totalitarisme en germe dans l’URSS de Lénine (mort en 1924) et anticipe avec acuité la stalinisation à venir (3 ans après la révolution !).

 

3. Le Meilleur des mondes | Aldous Huxley | 1932

Brave New World (le titre du livre en anglais), de l’écrivain britannique Aldous Huxley (1894 – 1963) décrit un monde administré par un État mondial dans lequel tout est rationnellement contrôlé. L’homme est créé en laboratoire et la génétique est utilisée pour contrôler l’individu. Chacun appartient, selon ses capacités, à une caste particulière…Le Meilleur des mondes est, on le devine, un roman publié à une époque où l’eugénisme a encore pignon sur rue. Aldous Huxley choisit comme épigraphe cette citation de Nicolas Berdiaev, qui dit tout le projet du livre : «Les utopies apparaissent comme bien plus réalisables qu’on ne le croyait autrefois. Et nous nous trouvons actuellement devant une question bien autrement angoissante : comment éviter leur réalisation définitive?… Les utopies sont réalisables. La vie marche vers les utopies. Et peut-être un siècle nouveau commence-t-il, un siècle où les intellectuels et la classe cultivée rêveront aux moyens d’éviter les utopies et de retourner à une société non utopique moins « parfaite » et plus libre.»

 

4. La Kallocaïne | Karin Boye | 1940

Ce roman écrit par la poétesse et romancière suédoise, méconnue en France, Karin Boye (1900 – 1941) nous renvoie lui aussi dans un État mondial autoritaire dirigé par des bureaucrates au nom du bien commun. Dans cet État totalitaire, tout est réglementé : nulle place n’est laissée au libre arbitre. Le roman se présente sous la forme du journal d’un chimiste, acquis au pouvoir, dont l’invention, une drogue, permet de démasquer à coup sûr les dissidents.  Karin Boye a probablement été inspirée par son séjour à Berlin, au début du nazisme. On ne peut qu’être admiratif de l’incroyable talent de visionnaire de certains écrivains ! 

 

5. Ravage | René Barjavel | 1943

Le premier grand roman de l’écrivain français René Barjavel (1911 – 1985) est un roman d’un pessimisme profond. L’action se situe dans le Paris de 2052, dominé par les machines et la technologie, à un tel point que la population en est dépendante. Mais un jour, une panne d’électricité vient paralyser le monde. Un homme part alors pour la Provence pour créer une nouvelle société, libérée des machines, vivant du travail de la terre et centrée sur le personne d’un « patriarche »…Certains y ont vu une retranscription de l’idéologie vichyste. Figurait d’ailleurs en épigraphe de la première édition une citation du Voyage au bout de la nuitde Céline : « L’avenir, c’est pas une plaisanterie… » Mais il est à noter que la méfiance envers les machines et la technologie est une thématique partagée par des cercles plus larges que ceux des réactionnaires. 

 

6. 1984 | Georges Orwell | 1949

1984, de l’écrivain britannique Georges Orwell (1903 – 1950) est peut-être l’un des romans les plus influents du XXe siècle. Il sert toujours de référence aujourd’hui : quasi-Bible du totalitarisme, le grand public pense presque ce phénomène par lui. Certains éléments du roman sont entrés dans la langue de tous les jours : Big Brother, pour qualifier une institution qui porte atteinte aux libertés fondamentales ; la novlangue, langue inventée dont le vocabulaire est réduit au strict minium pour empêcher de penser la critique de l’État… Une lecture incontournable ! Du même auteur, on peut aussi lire La Ferme des animaux: « Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres. » On pourra aussi lire 2084 de Boualem Sansal, grand prix du roman de l’Académie français en 2015, dont le titre est bien sûr une référence au 1984 d’Orwell.

 

7. Fahrenheit 451 | Ray Bradbury | 1953

L’écrivain américain Ray Bradbury (1920 – 2012) décrit une société future dans laquelle la lecture est considérée comme une activité antisociale parce qu’elle fait réfléchir. Montag, le héros du livre, fait partie d’une brigade de pompiers chargée de brûler les livres (d’où le titre du livre, qui fait référence à la température d’auto-inflammation du papier de certains livres), ce qui ne peut manquer de faire penser aux autodafés nazis. Bradbury prévoit dans certains l’apparition de certains éléments de notre société d’aujourd’hui : les écouteurs qui nous baignent dans une ambiance sonore permanente, les murs écrans qui aspirent notre esprit, etc.

 

8. La Grève | Ayn Rand | 1957

Atlas Shrugged ( La Grève ou La Révolte d’Atlas en français), est un roman de la philosophe, romancière et scénariste américaine d’origine russe Ayn Rand (1905 – 1982). Presque inconnue en France, elle est pourtant l’un des auteurs les influents aux États-Unis. Une enquête de 1990 de la Libraire du Congrès américain et du Book of the Month Club dans laquelle on demandait aux lecteurs de juger les livres qui ont eu le plus d’influence dans leur vie plaçait La Grève au deuxième rang derrière la Bible.

Ayn Rand partage dans La Grève quelques éléments de sa philosophie libertarienne qui exalte la puissance héroïque de chaque individu. Elle y imagine un monde qui s’écroule alors que tous « les hommes de l’esprit » (artistes, entrepreneurs, scientifiques et autres travailleurs de talents) disparaissent.

À lire en cliquant ici : 160 classiques de la littérature française

 

9. L’Orange mécanique | Anthony Burgess | 1962

A Clockwork Orange, roman de l’écrivain britannique Anthony Burgess (1917 – 1993), se déroule dans un cadre qui semble toujours pertinent : une banlieue urbaine sordide, désolée, dans laquelle des adolescents – dont Alex, amoureux de musique classique et surtout de Beethoven -, sèment la violence. La culture d’Alex ne l’empêche pas d’être violent. Mais c’est un personnage qui dispose du choix de faire le mal. Or, lorsque l’on laisse la violence avoir cours, l’État peut faire le choix de ne plus laisser le choix et de glisser vers le totalitarisme, comme le montre la thérapie que subit Alex pour le guérir de la violence. Ce roman, connu grâce au célèbre film de Kubrick (1971), est un miroir des différentes facettes de l’auteur. Linguiste, Burgess fait s’exprimer ses personnages en nadsat, mélange de russe, anglais et de manouche. Compositeur, Burgess fait entrer la musique classique dans son roman. Mais aussi mari, qui s’est inspiré de l’agression et du viol de sa femme par des déserteurs américain en 1942 pour écrire son livre.

 

10. Ubik | Philip K. Dick | 1969

Ce roman d’anticipation à l’intrigue complexe de l’écrivain américain Philippe K. Dick (1928 – 1982) dénonce le pouvoir de la publicité et place le lecteur dans un monde illusoire où l’on peut douter de la réalité des faits. Ubik fait partie de la liste des 100 plus grands romans écrits en anglais depuis 1923, établie par le Time. C’est peut-être toute l’oeuvre de Philip K. Dick qui devrait figurer dans cette liste : Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (Do Android Dream of Electric Sheep ? , qui a donné le film Blade Runner en 1982), Le Maître du Haut Château (The Man in the High Castle, une dystopie et une uchronie dans un monde où l’Axe aurait gagné la Deuxième Guerre mondiale), Substance Mort (A Scanner Darkly) …

 

La dystopie aujourd’hui

La dystopie est un genre littéraire très dynamique qui éveille la créativité de nombreux auteurs, à l’image de la BD V pour Vendetta de Alan Moore et David Lloyd, du roman La Servante écarlate de Margaret Atwood, la série de livres Hunger Games de Suzanne Collins, ou 2084 de Boualem Sansal. 

À lire en cliquant ici : 160 classiques de la littérature française