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L’Empire ottoman des Tanzimat : déclin et modernisation (1839 – 1923)

Publié le 31/10/2016
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Selon une conception commune, la Turquie devrait son occidentalisation à l’œuvre réformatrice de Mustafa Kemal « Atatürk ». Le grand homme aurait eu l’intelligence de solder l’héritage de l’Empire ottoman afin de créer un Etat plus moderne conçu sur le modèle européen. À l’inverse, l’Empire ottoman aurait été un modèle d’archaïsme et de fanatisme religieux.

Cette vision peut être remise en cause. Atatürk lui-même doit beaucoup à l’effort de modernisation entrepris dès le XIXème siècle par les dirigeants de l’Empire ottoman sous la période des Tanzimat (« réorganisations ») de 1839 et 1876.

Les Tanzimat sont les diverses réformes faites par les souverains ottomans pour moderniser leur empire. 

Toutefois, les Tanzimat n’ont pas permis de résister à la pression croissante des puissances européennes et empêcher la chute de l’État ottoman.

Mais leur influence sur la Turquie contemporaine reste importante

 

Comprendre l’Empire ottoman pour comprendre la Turquie d’aujourd’hui ?

empire ottoman erdogan
Le président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan | Wikimédia Commons

Cette période de l’histoire de la Turquie nous donne des éléments de compréhension du destin de cette patrie singulière , en Orient et Occident. Aujourd’hui encore, le pays est marqué par des débats qui ont eu cours au XIXème siècle.

Après une période de démocratisation, la République, sous l’impulsion du président Erdogan, devient de plus en plus autoritaire et réprime l’opposition. La question des minorités, avec les Kurdes, fait toujours rage. Les relations avec les Arméniens ne sont toujours pas apaisées. Le parti AKP a lui-même essayé de mener un politique « néo-ottomane » pour rétablir la prépondérance turque dans la région. Et l’islam est pour l’AKP le ciment qui doit unifier la nation turque.

Autant de questions que l’on retrouve dans les débats autour de la réforme de l’Empire Ottoman.

 

Le contexte des Tanzimat : l’Empire Ottoman en retard sur l’Europe occidentale


Carte Empire ottoman apogée maroc
L’extension de l’Empire ottoman jusqu’à son apogée en 1683 | Wikimédia Commons

Selon certains historiens, l’Empire ottoman amorce un déclin relatif dès la fin du XVIe siècle. Il se montre moins offensif que par le passé. Malgré un retard technologique et économique de plus en plus visible sur l’Europe de l’Ouest, il reste pourtant une grande puissance redoutée par ses voisins au XVIIe siècle.

En 1683 encore, il assiège Vienne !

Après cette ultime tentative de s’étendre au coeur de l’Europe, les Ottomans entament leur repli. Ils accumulent les défaites, contre l’Autriche (à l’exception de la Guerre de 1735-1739), la Russie (malgré un sursaut en 1711 avec la reprise d’Azov) mais aussi contre la Perse (1730-1735).

 

L’Empire Ottoman dans une situation critique

Ottoman napoléon pyramides
Le Général Bonaparte et son état-major en Égypte, Jean-Léon Gérôme, 1867

Au début du XIXème siècle, la situation paraît critique. La campagne d’Égypte du général Bonaparte (1798) a mis en contact une partie de l’Empire ottoman avec la modernité occidentale.

S’il est depuis longtemps sensible à certaines influences européennes, l’État ottoman n’en demeure pas moins oriental et musulman. Ses références historiques, une large partie de son droit, sa culture littéraire – très influencée par la Perse – sont islamiques. Il a adopté avec retard de nombreuses innovations occidentales, comme l’imprimerie.

Comme une large partie de l’Europe centrale et orientale, l’Empire ottoman ne connaît aucune révolution industrielle dans la première moitié du XIXème siècle, au moment même où des pays comme la Grande-Bretagne, l’Allemagne ou la France se développent fortement. 

Enfin, l’Empire ottoman est un empire multiethnique et multiconfessionnel : l’intégration des populations non-musulmanes deviendra un des grands défi à affronter pour les souverains de la « Sublime Porte » (un des surnoms de l’Empire ottoman).

 

 

La réforme de l’Empire Ottoman, malgré des conservatismes


empire ottoman chute fin tanzimat
Mahmoud II | Wikimédia Commons

Selim III (r. 1789 – 1807) réforme déjà, surtout l’armée.  

Mais c’est Mahmoud II (1808 – 1839) qui est le premier des sultans de l’ère des Tanzimat.

Pour son empire, le contexte est difficile. Son règne est marqué par de nombreux revers. La Grèce se révolte en 1821 puis conquiert son indépendance avec l’aide des puissances occidentales. L’Égypte, sous l’égide Mehmet Ali, devient de plus en plus autonome et défit Istanbul.  

Mahmoud II a conscience de la faiblesse de son État et il est bien décidé à le réformer. Dès 1826, il supprime avec violence le corps militaire des janissaires, un véritable État dans l’État qui menaçait régulièrement le pouvoir du monarque.

Ce n’est qu’un premier pas. 

Le lancement des Tanzimat dans l’Empire ottoman

abdulmecid sultan empire ottoman tanzimat
Abdülmecid Ier | Wikimédia Commons

Le mouvement des Tanzimat est officiellement lancé en 1839 par Mahmoud II, quelques mois avant sa mort. Son successeur Abdülmecid Ier (règne de 1839 à 1861) poursuit son œuvre modernisatrice.

 

L’édit de Gulhäne

Tout d’abord, il promulgue de l’édit de Gulhäne (Hatt-i Sharif) qui pose les fondements de la réforme de l’État ottoman. Cet édit prévoit une réforme de la conscription, l’introduction de nouvelles lois pénales en complément des règles juridiques islamiques, le développement d’une bureaucratie administrative moderne et la consécration de certains droits des sujets impériaux comme le droit de propriété.

Dans les années 1840, de nombreuses autres réformes sont mises en œuvre afin d’améliorer la formation des fonctionnaires et des officiers ottomans, de rationaliser le fonctionnement des ministères ou encore de centraliser l’administration de l’Etat.

Abdülmecid Ier tente, par ces réformes, de renforcer la cohésion de l’Empire en intégrant les populations non-musulmanes.

 

Des conservatismes hostiles aux Tanzimat

Mosquée bleue empire ottoman
La Mosquée bleue à Istabul | Wikimédia Commons

Ces mesures sont de nature à déstabiliser les parties les plus conservatrices de la société ottomanes attachées aux traditions religieuses et culturelles de l’Empire ottoman. Pour elles, l’islam doit rester le fondement de l’empire. Le sultan, c’est aussi le calife !

Ces mesures menacent également le millet, le système d’organisation et de protection des minorités religieuses dans cet État multiconfessionnel !

Le millet est un système mis en place par le pouvoir ottoman qui consistait  à diviser la population de l’Empire en diverses communautés, généralement sur une base religieuse. Chaque communauté était dirigée par un dignitaire, avait son système juridique et ses tribunaux ainsi que ses obligations fiscales propres. Les réformes des années 1860 conduisent à l’établissement d’assemblées laïques aux côtés de la hiérarchie religieuse.

Cette évolution inquiète les musulmans qui craignent de voir leur domination remise en cause. Dans le même temps, les peuples chrétiens des Balkans, à l’identité forte, accueillent favorablement certaines réformes. Mais ils se méfient de celles qui tendraient à centraliser le pouvoir impérial.

En définitive, entre 1860 et 1862, plusieurs règlements posent le nouveau régime des minorités, dont la dimension religieuse est atténuée. 

 

 

Les Tanzimat empêchés par les menaces extérieures


bataille de sinope empire ottoman guerre de crimee
La bataille navale de Sinope, au début de la guerre de Crimée. Une catastrophe pour l’Empire ottoman | Wikipédia Commons

Les Tanzimat avaient pour but de donner à l’Empire ottoman les moyens de redevenir une grande puissance.

Mais l’Empire va se révéler incapable de résister aux visées expansionnistes de ses voisins. Pire encore, c’est précisément la pression exercée par ces voisins qui empêchent l’Empire de se réformer dans de bonnes conditions !

La Guerre de Crimée (1853-1856) est certes une défaite russe, mais les Turcs n’y jouent qu’un rôle secondaire. C’est l’intervention franco-britannique qui fait reculer l’armée russe. Or, ces deux États souhaitent aussi s’étendre dans la sphère d’influence ottomane… La France colonise alors l’Algérie et s’intéresse de plus en plus à l’Egypte.

Le mouvement de modernisation se poursuit néanmoins, sous l’influence de ministres réformateurs comme Mustafa Rechid Pacha ou Mehmet Emin Pacha. En 1856, un édit impérial garantit l’égalité de tous les sujets de l’Empire devant la loi, quelle que soit leur religion. Par ailleurs, l’État ottoman cherche à moderniser son économie. Il construit des des routes, des chemins de fer et autres infrastructures modernes.

 

La dépendance économique de l’Empire ottoman

Les dirigeants turcs sont donc contraints de faire appel à des capitaux et des savoir-faire étrangers. Leur dépendance vis-à-vis de l’Europe s’accroit. À partir des années 1860, les premières lignes ferroviaires sont ainsi construites et exploitées par des compagnies britanniques, françaises ou autrichiennes.

L’espace ottoman reste peu industrialisé. Ce n’est pas un nain démographique, mais ses territoires sont peu densément peuplés. En 1856, il ne compte que 35 millions d’habitants. Parmi eux, de nombreux membres de minorités ethniques ! Au même moment, la Russie, la grande ennemie, compte environ 70 millions d’habitants. Dans les pays occidentaux, France exceptée, la population augmente de manière spectaculaire.

Les Européens profitent de leurs investissement dans l’Empire pour se tailler des zones d’influence. La Grande-Bretagne a des intérêts en Irak, dans la péninsule arabique et en Égypte. La France avance ses pions au Levant (la Syrie et le Liban actuels), la Russie et l’Autriche dans les Balkans.

 

La Constitution de 1876 de l’Empire Ottoman


empire ottoman constitution 1876
Carte postale de 1895 saluant la Constitution ottomane du 23 décembre 1876, figurant le sultan Abdul-Hamid, les différents Millet de l’empire (Turcs avec les drapeaux rouges, Arabes avec les drapeaux verts, Arméniens, Rum grecs) et la Turquie (non voilée) se relevant de ses chaînes. L’ange symbolisant l’émancipation porte une écharpe avec les mentions « Liberté, Égalité, Fraternité » en turc et grec. | Wikipédia

C’est l’un des grands événements de l’ère des Tanzimat : la proclamation d’une nouvelle constitution en 1876. Cette réforme est faite sous l’impulsion d’un mouvement constitutionnel dirigé par Midhat Pacha, un haut dignitaire impérial.

Midhat Pacha souhaite diffuser un véritable patriotisme ottoman dans l’esprit des différents peuples de l’Empire. La loyauté à l’État ne reposerait plus sur la fidélité à la dynastie régnante ni sur sa légitimité religieuse. L’idéologie de l' »ottomanisme » mêle ainsi nationalisme, libéralisme politique et soutien au progrès technologique et économique.

parlement empire ottoman
Cérémonie d’ouverture de la première séance du Parlement de l’Empire ottoman | Wikimédia Commons

La Constitution prévoit l’instauration d’un Parlement bicaméral composé d’une chambre nommée par le sultan ainsi qu’une autre assemblée élue par les habitants des territoires ottomans. Le pouvoir du souverain est pour l’essentiel préservé.

Le texte garantis aussi de nombreux droits et libertés fondamentaux tels que l’égalité de tous devant la loi, l’indépendance de la justice ou encore le droit de chacun à une instruction élémentaire.

L’entrée en vigueur de ce texte aurait dû être un tournant majeur dans l’histoire de l’Empire ottoman. Il se heurte cependant à l’autoritarisme du nouveau sultan, Abdülhamid II (1842 – 1918). Celui-ci allie une réelle volonté de modernisation économique à un conservatisme politique très marqué.

La Constitution est suspendue suite à la défaite ottomane contre la Russie en 1877-1878, le Parlement étant la principale cible des critiques du souverain ottoman.

Ce conflit a des conséquences catastrophiques pour l’Empire. Il perd la Roumanie, la Serbie, le Monténégro et, de fait, la Bosnie-Herzégovine occupée par l’Autriche ainsi qu’une large partie de la Bulgarie. Dans les Balkans, il ne conserve sous son contrôle direct qu’une bande de terre allant de la région d’Istanbul à l’Albanie.

 

La fin des Tanzimat


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Le sultan Abdülhamid II | Wikimédia Commons

Au moment où il accède au pouvoir en 1876, Abdülhamid II ne passe pas pour un réactionnaire borné. Cultivé et éduqué à l’occidentale, il semble s’inscrire dans la lignée des souverains modernisateurs des Tanzimat. Néanmoins, les menaces croissantes pesant sur son pays ne l’incitent guère à accepter de limiter son pouvoir, ni à se faire le champion d’une libéralisation politique. 

Sa paranoïa croissante marque son règne. Elle n’est pas dénuée de tout fondement : son oncle Abdülaziz avait été déposé et poussé au suicide par ses ministres.

Abdülhamid reste un souverain pieux. Alors que le caractère islamique de l’Empire s’accentue à mesure que les peuples chrétiens s’en émancipent, le souverain tente de donner une nouvelle force à son titre de calife. Il favorise alors le développement des idées « panislamistes ».

Toutefois, ce retour à la religion reste limité. En effet, le caractère laïque du droit issu des réformes antérieures n’est pas remis en cause.

Malgré son autoritarisme, Abdülhamid tente de moderniser l’économie de ses territoires. Il lance de grands projets d’infrastructures et améliore le système d’éducation et d’enseignement supérieur ottoman. Cet effort est symbolisé par l’ouverture de l’Université impériale d’Istanbul en 1900.

Ces projets demandent des capitaux. L’État ne cesse de s’endetter auprès des puissances européennes. Il devient de plus en plus dépendant. 

 

Le rapprochement entre l’Allemagne et l’Empire ottoman

ligne bagdad berlin empire ottoman
Le sceau de la ligne Berlin – Bagdad | Wikimédia Commons

Au cours de la décennie 1890, l’Empire ottoman s’éloigne de la France et la Grande-Bretagne pour se rapprocher de l’Empire allemand. Il devient une « presque colonie » de ce pays. Ce sont ainsi des experts allemands qui réforment les finances de l’État ottoman, des officiers prussiens qui forment leurs homologues ottomans, etc.

Ce sont également des entreprises allemandes qui contribuent le plus au développement du système ferroviaire ottoman.  En 1899, la Deutsch Bank signe un accord pour la construction de la fameuse ligne Berlin-Bagdad.

Renforcé par cette coopération, l’Empire ottoman remporte une victoire contre la Grèce en 1897, mais n’obtient que de maigres territoires en Thessalie. Au même moment, l’intervention de plusieurs puissances européennes force l’Empire à accorder son autonomie à la Crète.

 

Les massacres hamidiens, massacres de Chrétiens

massacres hamidiens chrétiens orient empire ottoman
Arméniens massacrés à Erzurum | Wikimédia Commons

Abdülhamid est un souverain cruel avec ses minorités. Des mesures répressives frappent des populations considérées comme des menaces pour l’unité de l’Empire. De 1894 et 1896 ont lieu les massacres hamidiens : entre 80 000 et 300 000 Arméniens sont tués. Les Assyriens, autre minorité chrétienne, sont aussi victimes de persécutions féroces.

Ces crimes de masse révèlent la paranoïa dans laquelle sombre alors le pouvoir ottoman et scandalisent la plupart des chancelleries occidentales.

 

 

La Révolution des Jeunes-Turcs dans l’Empire ottoman


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Prospectus Jeunes-Turcs | Wikimédia Commons

Au début du XXème siècle, la modernisation de l’Empire ottoman commence à porter ses fruits. L’administration est efficace, des infrastructures de qualité existent et l’économie est en croissance. Salonique, plus développée qu’Istanbul, ressemble à une vraie ville européenne.

L’industrie ottomane reste toutefois très embryonnaire. De nombreuses régions restent sous-développées. Au même moment, les rivaux européens de l’Empire connaissent une forte expansion économique. Il n’y a donc pas vraiment de rattrapage, d’autant plus que la dépendance ottomane vis-à-vis de l’Allemagne ne cesse de s’accroître.

 

L’avènement des Jeunes-Turcs

Cette situation, couplée à l’autoritarisme du sultan, mécontente les couches les plus occidentalisées de la société ottomane. En 1908, des officiers modernistes, membres du Comité Union et Progrès (CUP ou mouvement des « Jeunes-Turcs ») obligent Abdülhamid II à remettre en vigueur la Constitution de 1876.

Le souverain est déposé l’année suivante, remplacé par son frère Mehmet V (1809 – 1918). S’appuyant sur les milieux urbains éduqués et influencés par le positivisme, les Jeunes-Turcs mènent une politique progressiste favorable aux droits des femmes, à l’industrialisation, à la laïcisation des institutions et à la centralisation administrative. 

Cette politique heurte les milieux religieux et conservateurs de la société turque, tout en suscitant la méfiance des minorités, fragilisant le pouvoir unioniste.

Le CUP tient également un discours nationaliste fondé sur l’idéologie de l’ottomanisme. Il prône également un certain revanchisme à l’égard des pays des Balkans qui ont obtenu leur indépendance au XIXème siècle. A partir de 1909, la composante nationaliste du mouvement des Jeunes-Turcs tend d’ailleurs à se renforcer au détriment de sa frange libérale.

Toutefois, en 1912, le comité chute suite à une crise politique. Peu de temps après, la Première Guerre balkanique éclate entre l’Empire ottoman et ses voisins balkaniques (la Serbie, la Grèce, la Bulgarie, le Monténégro). Elle se révèle désastreuse pour le premier qui y perd presque tous ses territoires européens.

Cette nouvelle catastrophe permet aux nationalistes Jeunes-Turcs de reprendre le pouvoir par un coup d’Etat, en janvier 1913. Ils profitent de la Deuxième Guerre balkanique, la même année, pour reprendre Edirne et la Thrace orientale. Désormais, le pays est dirigé par un triumvirat composé des généraux Enver Pacha et Djemal Pacha ainsi que de Talaat Pacha, ministre de l’intérieur.

 

La chute de l’Empire Ottoman


L’humiliation des guerres balkaniques exacerbe encore le revanchisme du nouveau pouvoir ottoman, qui poursuit son rapprochement avec l’Allemagne. Enver Pacha est ainsi le principal artisan de l’entrée en guerre de l’Empire au côté des puissances centrales à la fin de l’année 1914.

L’armée turque, mal équipée et manquant d’hommes, subit de lourdes défaites contre la Russie dans le Caucase. En même temps, La Grande-Bretagne encourage les Arabes à se rebeller contre l’Empire. D’avril 1915 à janvier 1916, les Britanniques parviennent à débarquer et ouvrir un front dans la péninsule de Gallipoli, près du détroit des Dardanelles. Les Ottomans les repoussent, mais ils montrent aussi leur incapacité à empêcher un débarquement au coeur de leur territoire.

 

Le génocide des Arméniens de l’Empire ottoman (avril-juillet 1915)

génocide arménien empire ottoman
Cadavres d’Arméniens | Wikimédia Commons

Le pouvoir Jeune-Turc à l’agonie accuse alors les Arméniens d’avoir favorisé l’avancée des troupes russes dans les territoires orientaux de l’Empire et les soupçonne de vouloir faire sécession de l’Etat ottoman.

Les Arméniens sont condamnés à être déportés dans d’atroces conditions. Beaucoup d’entre eux sont victimes de massacres. Le bilan du génocide se situe probablement entre 800 000 et 1,5 millions de morts. En parallèle, d’autres minorités chrétiennes sont persécutées, tels les Assyriens ou les Grecs du Pont qui comptent plusieurs centaines de milliers de tués.

En 1917, malgré la sortie de la Russie du conflit, les Britanniques et leurs alliés arabes prennent Jérusalem et Bagdad. Loin de se débander, les maigres forces ottomanes continuent pourtant à résister au nord de l’Irak et en Syrie en 1918.

À l’automne, Damas, Homs et Alep finissent par tomber. A l’ouest, la défaite des Bulgares ouvre la route d’Istanbul aux armées franco-serbes. 

Le 30 octobre 1918, les Ottomans capitulent.

 

Mustafa Kemal achève l’Empire ottoman

empire ottoman ataturk

Le traité de Sèvres signé en 1920 prévoit la partition des restes de l’Empire ottoman.

Émerge alors la figure de Mustafa Kemal à la tête de forces nationalistes turques. Profitant de la lassitude des Occidentaux, il mène jusqu’en 1923 une guerre d’indépendance victorieuse. Il établit un nouvel Etat, la République de Turquie. Le dernier sultan ottoman, Mehmet VI doit quitter le pouvoir et s’exiler en 1922. Deux ans plus tard, le Califat est aboli.

L’Empire ottoman est mort.

 

 

Le bilan contrasté des Tanzimat de l’Empire Ottoman


La modernisation de l’Empire ottoman semble de prime abord être un échec.

De 1839 à 1922, l’Empire ottoman ne cesse de perdre des territoires au profit de ses ennemis successifs. L’effort de modernisation n’a pas permis à l’Empire de résister à la pression des puissances européennes ni de répondre à la question du nationalisme de ses minorités.

L’ottomanisme, présenté comme une solution à ce dernier problème, n’a jamais réussi à s’imposer comme une idéologie alternative crédible aux patriotismes ethniques et religieux. Enfin, soucieux de développer leurs territoires à n’importe quel prix, les sultans ottomans ont accumulé au cours des années une dette extérieure qui les a rendus de plus en plus dépendants des pays européens contre lesquels ils souhaitaient pourtant s’affirmer.

L’ère des réformes a pourtant eu un impact positif sur la société turque qu’il convient de souligner. L’ouverture à  l’Occident a permis un essor incontestable de la culture ottomane, avec l’émergence de nouvelles élites économiques, administratives et littéraires.

De nombreux intellectuels de cette époque comme Namik Kemal, Ziya Pacha ou Ahmet Midhat Effendi modernisent le turc tout en portant des idées politiques nouvelles. Les Jeunes-Turcs, mais aussi les membres de l’élite républicaine de l’Entre-deux-guerres, ont bien souvent été formés dans les écoles et universités établies sous le règne des sultans réformateurs. C’est le cas d’Atatürk lui-même, issu de l’Académie militaire turque crée en 1834.

En dépit de ces avancées bien réelles, la chute de l’Empire ottoman est restée un traumatisme profond dans la mémoire collective turque que le nationalisme kémaliste n’est pas parvenu à effacer. Le rôle des puissances occidentales dans ce processus alimente encore aujourd’hui une certaine méfiance de l’opinion publique de Turquie à l’égard des puissances étrangères.

 

 

Bibliographie


Histoire de l’Empire ottoman, sous la direction de Robert Mantran

Dictionnaire de l’Empire ottoman, François Georgeon

Le dernier siècle de l’empire ottoman, Frédéric Hitzel

Histoire de la Turquie contemporaine, Hamit Bozarslan