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Métaphore : définition & exemples (figure de style)

Publié le 11/12/2016 (m.à.j* le 17/11/2023)
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Définition. La métaphore est une figure de style par laquelle on désigne un terme, un ensemble de termes ou une idée, par exemple le soleil couchant, par un autre terme ou un autre ensemble de termes qui signifie normalement autre chose, comme « l’or du soir » du célèbre poème de Victor Hugo, qui désigne le soleil couchant.

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Victor Hugo, Demain, dès l’aube…, 1856

Autres exemples :

  • On peut désigner une personne que l’on aime par le mot « trésor ». « Bonjour, mon trésor ! ». Ainsi, le nom de la personne que l’on aime est remplacé par un élément valorisant.
  • D’une personne féroce, on peut dire que c’est un tigre ou une tigresse.
  • D’un crétin, on peut dire que c’est un âne.
  • De la terre, on peut dire quelle est la « Grande bleue », en référence à sa couleur dominante depuis l’espace.
  • De l’argent, on peut dire « qu’il est un mauvais maître ».

Attentionla métaphore peut agir sur un nom (substantif), un adjectif qualificatif, un verbe ou un adverbe.

La métaphore : une analogie 

Une métaphore est donc une analogie. Cela signifie que l’on établit un rapport entre deux choses que l’on estime similaires. Une idée concrète, par exemple « une personne féroce », est placée dans un contexte abstrait, « elle est comme un animal, le tigre » : on doit imaginer que c’est un tigre. Le réel est en quelque sorte transformé en idée abstraite, en concept. On passe d’un sens propre à un sens figuré.

La métaphore se fonde souvent sur une impression ou interprétation très personnelle de celui qui la produit. Il faut donc que celui qui l’entende ou qui la lise revive cette impression. C’est en quelque sorte dans ce transfert d’impression que réside le sens de ce que veut exprimer l’interlocuteur.

Étymologie du mot « métaphore »

Vient du latin d’origine grecque metaphora, μεταφορά, « le changement de la lune » et, par extension, « transport du sens propre au sens figuré ».

Différence entre une métaphore et une comparaison

À l’inverse d’une métaphore, une comparaison lie les deux termes mis en relation par un terme comparatif : comme, tel, ainsi que, plus que, moins que, autant que… Exemples :

  • Ses cheveux sont plus blancs que neige !
  • La Terre est ronde comme une orange !

Ainsi, la métaphore élimine le mot qui marque la présence d’une comparaison : « a métaphore se distingue de la similitude ou comparaison par le fait qu’aucun élément formel de comparaison ne s’y trouve présent.» (Josette Rey-Debove, Lexique de sémiotique, 1979)

En suivant le grand grammairien Fontanier, on peut parler, sans la définir rigoureusement, de la métaphore comme une comparaison abrégée, ou comparaison réduite à un seul termeDans un tout autre contexte, mais toujours révélateur, Bossuet, lui, parlait de la métaphore en ces termes : « e s métaphores ne sont autre chose que des similitudes abrégées. » (Bossuet, Histoire des variations des églises protestantes, 6e avertissement, 1688)

 

Un rapport entre comparé et comparant

Dans une métaphore, deux éléments sont mis en relation : le comparé et le comparantPar exemple, si l’on dit qu’un misanthrope est un véritable ours, alors :

  • Le comparé : c’est le misanthrope.
  • Le comparant : c’est l’ours.

Notre premier exemple, « l’or du soir » désignant le soleil couchant, est un peu plus complexe. Pourquoi ? Parce que le comparé est absent. Il faut le deviner. On parle alors de métaphore in absentia.

  • Le comparé : le soleil couchant.
  • Le comparant : l’or du soir.

En langage technique, on parlera plutôt de thème pour désigner ce qui est comparé, et de phore pour désigner ce qui est comparant. La métaphore dispose donc d’un « phore » unique ; elle se distingue en cela, par exemple, de l’allégorie.

 

Un trope

En rhétorique, la métaphore est qualifiée de trope. Un trope, c’est une figure qui altère ou détourne le sens propre d’un mot. Fontanier définit ainsi la métaphore : « un trope par lequel, en vertu d’une certaine ressemblance entre deux idées, on présente l’une de ces idées sous le signe propre de l’autre, ou parce qu’elle n’avait pas encore elle-même un signe qui lui fût proprement affecté, ou parce qu’on veut la rendre plus sensible ou plus agréable par ce signe d’emprunt. » (Les tropes de Dumarsais, p.165)

On trouve une définition de ce trope dès Aristote : « la métaphore est le transport à une chose d’un nom qui en désigne une autre, transport ou du genre à l’espèce, ou de l’espèce au genre, ou de l’espèce à l’espèce ou d’après le rapport d’analogie. » (La poétique, 1457 b 6-9)

 

Les différents types de métaphores

 

La métaphore in praesentia

Quand le terme comparé et le comparant sont tous les deux explicitement présents dans la phrase. Il existe différentes façons de les construire : 

  • Le terme comparé (icebergs) peut être apposé au comparant (les cathédrales sans religion…) : « Icebergs, Icebergs, cathédrales sans religion de l’hiver éternel ; » (Henri Michaux, Icebergs)
  • Le terme comparé (l’automne) peut être qualifié par un groupe de mots qui indique sa qualité ou son état (tisane froide) : « Tout l’automne à la fin n’est plus qu’une tisane froide. » (Francis Ponge, La fin de l’automne)
  • Le terme comparé (blés) peut être complété par le comparant, qui est donc un complément (l’océan) : « Et la profonde houle et l’océan des blés » (Charles Péguy, Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres)

 

La métaphore in absentia

Dans une métaphore in absentia, le comparé est absent. C’est notre exemple de « l’or du soir » pour désigner le soleil couchant.  L’effort d’interprétation demandé au lecteur est plus grand encore. Autre exemple : « chaque instant te dévore un morceau de délice. » (Baudelaire, L’Horloge). Le verbe « dévore » évoque ici une bête sauvage. L’instant, le temps, est une bête sauvage qui dévore les êtres et s’en délecte.

Avec les surréalistes, la métaphore in absentia se transforme parfois en énigme :

  • « L’étincelle, toujours resplendissante, sera glaciale » (Breton et Éluard, Dictionnaire abrégé du surréalisme, étincelle)
  • « […] cette minute où l’homme, pour concentrer sur lui toute la fierté des hommes, tout le désir des femmes, n’a qu’à tenir au bout de son épée la masse de bronze au croissant lumineux qui réellement tout à coup piétine (Breton, L’amour fou)
    • Breton parle ici d’un taureau.

 

La métaphore filée

C’est une métaphore qui s’étend à plusieurs éléments. Pour parler de métaphore filée, il faut rester dans le même champ lexicalPour reprendre l’exemple de la personne féroce : cet homme est un tigre, ses crocs étaient prêts à se planter partout, ses griffes rognaient les carcasses… En termes plus savants, on la définira ainsi :

Série de métaphores reliées entre elles par la syntaxe —elles font partie de la même phrase ou d’une même structure narrative ou descriptive— et par le sens : chacune exprime un aspect particulier d’un tout, chose ou concept, que représente la première métaphore de la série

Michel Riffaterre, « La métaphore filée dans la poésie surréaliste », Langue française, n° 3, 1969, pp. 46-60

Une célèbre métaphore filée se trouve à la fin de Germinal. Le travail des mineurs dans la mine est comparé à la germination des graines :

Maintenant, en plein ciel, le soleil d’avril rayonnait dans sa gloire, échauffant la terre qui enfantait. Du flanc nourricier jaillissait la vie, les bourgeons crevaient en feuilles vertes, les champs tressaillaient de la poussée des herbes. De toutes parts, des graines se gonflaient, s’allongeaient, gerçaient la plaine, travaillées d’un besoin de chaleur et de lumière.

Un débordement de sève coulait avec des voix chuchotantes, le bruit des germes s’épandait en un grand baiser. Encore, encore, de plus en plus distinctement, comme s’ils se fussent rapprochés du sol, les camarades tapaient. Aux rayons enflammés de l’astre, par cette matinée de jeunesse, c’était de cette rumeur que la campagne était grosse. Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre.

Dans le père Goriot, Balzac compare Paris à un océan :

Mais Paris est un véritable océan. Jetez-y la sonde, vous n’en connaîtrez jamais la profondeur. Parcourez-le, décrivez-le ! quelque soin que vous mettiez à le parcourir, à le décrire ; quelque nombreux et intéressés que soient les explorateurs de cette mer, il s’y rencontrera toujours un lieu vierge, un antre inconnu, des fleurs, des perles, des monstres, quelque chose d’inouï, oublié par les plongeurs littéraires.

 

La catachrèse

La catachrèse, c’est une métaphore si courante qu’on ne la perçoit plus comme telleExemples : les ailes d’un bâtiment, les pieds d’une table, les dents d’une scie, la plume d’un stylo, la feuille de papier, prendre une bain de soleil, habiter une cage à lapins…

Nous ne pouvons donc échapper aux métaphores. Elles nous sont essentielles. Comment nommer autrement « les pieds de la chaise » ? C’est un tourbillon duquel on ne sort pas, comme l’explique le philosophe Alain dans cet extrait :

Nous disons que les corps célestes obéissent à la loi de Newton; cela signifie qu’ils suivent des paroles comme les enfants sages. Mais ce n’est qu’une métaphore? Sans doute; mais la métaphore est enfermée dans le mot loi. L’algébriste veut échapper à la métaphore, et retrouve la fonction, autre métaphore. Les métaphores nous pressent, comme les ombres infernales autour d’Énée. Et ces pensées mortes doivent revivre en chaque enfant, comme le mythe du Léthé l’exprime, métaphore sur les métaphores. Et ceux qui méprisent les jeunes métaphores, nous les nommons pontifes, c’est-à-dire prêtres et ingénieurs par une double métaphore.

Propos, 1921, pp. 333-334

Exemples de métaphores

  • Tristes bars, boîtes de nuit où si vainement d’ordinaire les noctambules éperonnent la bête fourbue et rétive de l’espérance. (Claude Mauriac, Toutes les femmes sont fatales)
  • Terre arable du songe ! (Saint-John Perse, Anabase, X, fin)
  • Je parle un langage de décombres où voisinent les soleils et les plâtras. (Aragon, Traité du style)
  • Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage. (Baudelaire, L’Ennemi)
  • Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées (Baudelaire, LXXVI, Spleen)

On peut jouer avec les métaphores « consacrées ». Ici, l’auteur emploie le sens figuré puis le sens propre du mot trône, la métaphore du pouvoir, et ensuite l’objet en lui-même (c’est une forme de syllepse) : « Les Croisés entrèrent dans Constantinople, renversèrent le trône et montèrent dessus » (Jean-Charles, Hardi ! les cancres, p.27)

De même ici, avec la métaphore « arriver en coup de vent » : « Il s’engouffra dans la cuisine en même temps qu’une bouffée d’air gelé. Il arrivait toujours en coup de vent. » (Guèvremont, Le Survenant)

Métaphoriser

L’emploi du verbe « métaphoriser », au sens de « s’exprimer par le truchement de métaphores », peut être relevé par exemple chez Sainte-Beuve, mais il est très rare en général.

Ceux dont on a pu lire dans la matinée quelque parole ou acte mémorable, quelque dépêche mâle et simple, peut-on raisonnablement les entendre déclamer, rêver, rimer, métaphoriser, même en beaux vers, le soir?

Nouveaux lundis, t. 5, 1863

 

Conseils de lecture

Article écrit en partie à l’aide du Gradus