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Pourquoi dit-on « les Poilus » (14 – 18) ?

Publié le 27/10/2018
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Le « poilu » est un surnom désignant le soldat français de la Première Guerre mondiale (1914 – 1918). Il a été peu utilisé pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ce surnom était surtout employé à « l’arrière », à l’intérieur, par les civils. La figure du « poilu » s’est s’installée d’ailleurs rapidement dans l’usage, comme en témoigne l’organisation pendant le conflit des « journées du Poilu ».

Comme pour tous les surnoms, son origine est incertaine. On explique traditionnellement la naissance ce surnom par la mauvaise hygiène des soldats qui combattaient dans des conditions très difficiles dans les tranchées. Ils n’auraient pas eu la possibilité de se raser régulièrement. Leur barbe poussant, ils auraient hérité du surnom de « poilus ». Cette explication n’est pas satisfaisante, car les soldats emportaient leur nécessaire de toilette et se rasaient régulièrement. Les « Poilus » vient plus probablement de l’acception, aujourd’hui sortie d’usage, de l’adjectif au sens de « viril » ou « courageux ». Bien qu’il ne soit relevée qu’à partir de la 9e édition du Dictionnaire de l’Académie française, ce sens associé à « poilu »  peut être repéré, par exemple, dans Le Père Goriot (1835) de Balzac :

Bien, mon petit aiglon ! Vous gouvernerez les hommes ; vous êtes fort, carré, poilu ; vous avez mon estime

Ou dans le Journal de Léon Bloy :

Léon Bloy (…) cherche quelqu’un d’assez poilu pour éditer une brochure de 150 à 200 pages intitulée: Je m’accuse… (relevé par le TLFi)

« Poil » a en outre la valeur métonymique de « tempérament », que l’on retrouve dans l’expression « de mauvais poil ».

Au reste, l’origine du terme ne semblait pas bien claire à certains écrivains du temps. Ainsi, Henry Bordeaux (1870 – 1963) écrivait-il, dans Le Fort de Vaux (1916) :

Pourquoi diable, à l’intérieur, les appelle-t-on les Poilus ? Ici, le mot ne plaît à personne. On est poilu quand on ne peut pas être autrement, dans les mauvais jours, les jours cruels et tragiques, qui deviennent ensuite les grands jours. Mais, dès la relève, on ne demande qu’à reprendre sa bonne figure habituelle.

Ce surnom n’était en tout cas pas heureux selon l’écrivain. Maurice Barrès (1862 – 1923) écrivait lui aussi dans L’Écho de France du 23 décembre 1915 :

Voila de ce fait le mot « Poilu » installé sur tous nos murs, en grands caractères, presque officiellement. J’ai dit, l’autre jour, que je trouvais quelque chose de déplaisant à cette consécration d’un mot qui ne me semble pas respecter assez ceux qu’il désigne. Poilu ! Le vocable a quelque chose d’animal. C’est vrai que j’avais demandé : « À quand une Journée du Poilu ? ». Mais ce qu’un écrivain peut se permettre dans une conversation familière avec ses lecteurs n’est plus de même convenance si c’est le Parlement qui l’emploie. Pour une solennité, le mot manque de dignité ; il respire une jovialité qui est peu de saison et nous entraîne trop du côté de la farce… Le pittoresque est-il donc indispensable ? […]

Voir ici : quiz sur la Première Guerre mondiale