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Oxymore : définition simple et exemples | Figure de style

Publié le 11/05/2017
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Définition : un oxymore (synonyme : alliance de mots) est une figure de style par laquelle on allie deux termes qui semblent se contredire. On rapproche de manière paradoxale des termes qui peuvent paraître contraires. En d’autres termes, dans l’oxymore, un même objet a des qualités contradictoires. Cette alliance de mots contraires n’est pas une alliance incompatible, elle crée un sens. Les termes contradictoires d’un oxymore doivent toujours appartenir à la même entité de mots (au même syntagme, cela ne peut pas être deux phrases séparées l’une de l’autre).

Deux exemples d’oxymore : obscure clarté, orgueilleuse faiblesse

Le dramaturge Corneille nous a donné le plus célèbre exemple d’oxymore :

  • Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
    Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles ; (Le Cid, IV, 3)

Dans cet exemple, l’oxymore se trouve dans obscure clarté. De prime abord, on considère que la clarté, ce qui est clair, ne peut pas être obscur. La plupart du temps, l’oxymore associe un nom avec un adjectif. Mais l’oxymore peut s’appliquer à d’autres groupes de mots : nom et complément du nom, nom et adverbe, etc.

Autre exemple. Racine a créé un autre oxymore célèbre :

  • Moi-même, je l’avoue avec quelque pudeur,
    Charmé de mon pouvoir et plein de ma grandeur,
    Ces noms de roi des rois et de chef de la Grèce
    Chatouillaient de mon coeur l’orgueilleuse faiblesse. (Racine, Iphigénie, I, 1)

L’oxymore se trouve bien sûr sur les termes orgueilleuse faiblesse. 

À lire en cliquant ici : la liste de toutes les figures de style essentielles de la langue française

À quoi servent les oxymores ?

Les oxymores sont des alliances surprenantes de mots. Les auteurs veulent ainsi stupéfier leurs lecteurs et les amener à reconsidérer leur perception habituelle des choses. Ainsi, on parle souvent d’un silence éloquentComment un silence peut-il être éloquent, c’est-à-dire comment peut-il « bien parler » ? On comprend pourtant tout de suite le sens de cet oxymore : parfois, un silence en dit bien plus qu’un long discours.

Reprenons notre exemple de « l’obscure clarté » de Corneille. C’est une réplique de Don Rodrigue, qui attend près de la mer, la nuit, l’attaque des Maures. Utiliser cet oxymore ne semble-t-il pas plus vrai, plus clair pour parler de la lumière produite par les étoiles dans la nuit, plutôt qu’écrire à la place « la faible clarté nocturne des étoiles qui nous laissait voir les voiles » ? Dans l’obscure clarté, cette clarté, malgré son obscurité, reste une clarté qui illumine la nuit. La clarté domine en quelque sorte l’obscurité. 

Devant un oxymore, il faut se demander quel est le terme qui domine.

Notre deuxième exemple, tiré d’Iphigénie, associe paradoxalement la faiblesse et l’orgueil. Comment peut-on être orgueilleux de sa propre faiblesse ? On attendrait plutôt honteuse faiblesse. Le contexte l’explique : Agamemnon, qui est le personnage qui dit cet oxymore, malgré un premier mouvement de répugnance, est finalement prêt à sacrifier sa propre fille Iphigénie pour vaincre les Troyens, par amour de son propre pouvoir et par amour de lui-même. Son orgueil est sa faiblesse, qui lui fait aimer le pouvoir, parce qu’il s’aime trop lui-même. L‘orgueilleuse faiblesse d’Agamemnon rend en définitive le personnage peu sympathique.  

Oxymore et antithèse

En quoi l’antithèse se distingue-t-elle de l’oxymore ? Une antithèse ne consiste pas à accoler deux termes contraires l’un à l’autre. Elle consiste plutôt à allier deux propositions ou deux groupes de mots contraires l’un de l’autre. On essaie ainsi de faire ressortir un contraste. Montesquieu nous donne ici un bon exemple par cette antithèse : « Non, j’ai pu vivre dans la servitude, mais j’ai toujours été libre. » (Montesquieu, Lettres Persanes)

Montesquieu fait ici contraster le fait que, même si son personnage a vécu dans un régime politique où la servitude règne, il a toujours été intérieurement libre. S’il avait usé d’un oxymore, il aurait pu écrire : « J’ai vécu dans une libre servitude. »

L’oxymore change le sens de la phrase de Montesquieu. La « libre servitude » est une notion plus ambiguë, elle peut aussi vouloir dire que l’on consent à sa servitude ou que l’on se sent libéré par sa servitude.

Étymologie d’oxymore

Oxymore vient du grec oxumôron, ὀξύμωρος, « fin sous une apparence de niaiserie », « ingénieuse alliance de mots contradictoires », composé d’oxy (aigu, spirituel, effilé) et de môros (épais, sot, mou). Le terme oxymore est donc lui-même un oxymore.

Exemples d’oxymores

  • Un silence assourdissant.
  • Un mort-vivant.
  • Festina lente (« Hâte-toi lentement ! »).
  • (Argan) Par ma foi, voilà un beau jeune vieillard pour quatre-vingt-dix ans ! (Molière, Le Malade imaginaire, III, 10)
  • Le nom du conte de Voltaire Micromegas associe micro (petit en grec) et megas (grand en grec).
  • Dans l’exemple suivant, Voltaire utilise bien sûr l’oxymore boucherie héroïque pour tourner en dérision le meilleur des mondes où la guerre fauche nombre de vies : La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d’hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu’il put pendant cette boucherie héroïque. (Voltaire, Candide)
  • Hugo a écrit ce sublime oxymore à propos de la mort de Gavroche : « Cette petite grande âme venait de s’envoler. » (Victor Hugo, Les Misérables)
  • Hugo se moque ici de l’être humain qui se glorifie d’une histoire faite de guerres et de meurtres :
    Je sais que c’est la coutume
    D’adorer ces nains géants
    Qui, parce qu’ils sont écume,

    Se supposent océans ; (Victor Hugo, Les Contemplations, XVIII)
  • L’oxymore « Soleil noir », employé ici par Nerval, est un lieu commun du langage poétique :

Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé,
Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Etoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie. (Nerval, El Desdichado)

  • Le simple oxymore sublime horreur ramasse le portrait fait par Balzac du colonel Chabert, entre horreur et sublimation :

Les bords du chapeau qui couvrait le front du vieillard projetaient un sillon noir sur le haut du visage. Cet effet bizarre, quoique naturel, faisait ressortir, par la brusquerie du contraste, les rides blanches, les sinuosités froides, le sentiment décoloré de cette physionomie cadavéreuse. Enfin l’absence de tout mouvement dans le corps, de toute chaleur dans le regard, s’accordait avec une certaine expression de démence triste, avec les dégradants symptômes par lesquels se caractérise l’idiotisme, pour faire de cette figure je ne sais quoi de funeste qu’aucune parole humaine ne pourrait exprimer. Mais un observateur, et surtout un avoué, aurait trouvé de plus en cet homme foudroyé les signes d’une douleur profonde, les indices d’une misère qui avait dégradé ce visage, comme les gouttes d’eau tombées du ciel sur un beau marbre l’ont à la longue défiguré. Un médecin, un auteur, un magistrat eussent pressenti tout un drame à l’aspect de cette sublime horreur dont le moindre mérite était de ressembler à ces fantaisies que les peintres s’amusent à dessiner au bas de leurs pierres lithographiques en causant avec leurs amis.

Balzac, Le Colonel Chabert

  • Rimbaud utilise aussi de nombreuses fois l’oxymore pour mieux appuyer le récit de ses illuminations : 

Élan insensé et infini aux splendeurs invisibles, aux délices insensibles, – et ses secrets affolants pour chaque vice – et sa gaîté effrayante pour la foule – (Rimbaud, Illuminations, Solde)

  • On retrouve aussi de nombreux oxymores chez Baudelaire :

Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

L’invitation au voyage

Tout l’hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacé.

Chant d’automne

 

Exemples d’oxymores en politique 

Ce célèbre slogan de campagne permet de rassurer l’électorat : la force d’un programme ambitieux (le socialisme, l’appropriation collective des moyens de productions, qui supposait des réformes importantes voire…une révolution économique) tout en s’enracinant dans les traditions du pays (la notion communiquée par tranquille), loin de tout renversement. C’est en quelque sorte un changement dans la continuité. Parfois, le vocabulaire politique utilise l’oxymore pour faire passer une message idéologique (bon ou mauvais) : le commerce équitable, une guerre propre, la discrimination positive, etc.