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Pourquoi le drapeau français est-il bleu, blanc et rouge ?

Publié le 09/03/2018
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Le drapeau français, composé de trois bandes verticales, une bleue, une blanche et rouge, est l’emblème national de la France selon l’article 2 de la Constitution de 1958 : « L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge. »

Contrairement au coq ou à Marianne, autres symboles auxquels on associe la France, le drapeau est le seul emblème évoqué par la Constitution. Mais la France, pays millénaire, n’a pas toujours eu pour symbole ce drapeau. Quelle est donc son origine et pourquoi est-il bleu, blanc, rouge ?

Quelle est l’origine du drapeau français ?

drapeau francais bleu blanc rouge

Le drapeau français actuel date de la Révolution française. Mais son origine véritable reste incertaine. Au début de la Révolution, le drapeau n’a pas une importance telle qu’elle a été ensuite. En effet, l’appartenance au « parti patriote », les partisans de la Révolution, se manifeste par une cocarde.

Les membres de la Garde nationale, milice bourgeoise créée au début de la Révolution, arborent une cocarde bleu et rouge. Après la prise de la Bastille, La Fayette (1757 – 1834), alors héros très populaire et commandant de la Garde nationale, ou le maire de Paris, Bailly (1736 – 1793), aurait demandé à Louis XVI de porter, en plus de sa cocarde blanche, la cocarde bleu-rouge, lors de sa visite à l’Hôtel de ville de Paris le 17 juillet 1789. 

 

La signification des couleurs du drapeau français : bleu, blanc, rouge

Le blanc, au centre du drapeau, est bien, encore à l’époque de la Révolution française, la couleur symbolique du roi et de ses armées, et ce depuis au moins Henri IV (1589 – 1610). Les pavillons français arborent, par exemple, un pavillon blanc. La Révolution, en ses débuts, est toujours monarchie. La République n’est établie que le 21 septembre 1792.

Le bleu et le rouge sont traditionnellement associés à la ville de Paris. Cependant, l’historien Michel Pastoureau conteste cette association courante. Selon lui, le bleu et le rouge ne représentent plus Paris à l’époque de la Révolution française. Il faudrait alors chercher du côté des habitudes chromatiques des Bourbons qui, tout au long du XVIIe et XVIIIe siècle, portent, épisodiquement, des livrées bleu-blanc-rouge.

De manière plus significative, l’association bleu-blanc-rouge a donné ses couleurs au drapeau du jeune État américain, né le 3 septembre 1783. La monarchie française avait alors soutenu les insurgés américains et de nombreux Français, La Fayette notamment, ont participé aux combats contre les Anglais. Revenus du « Nouveau Monde » galvanisés par l’idée de liberté, ils portaient, comme signe de ralliement, avant la Révolution, des vêtements et des emblèmes bleu-blanc-rouge. Le modèle américain avant l’heure.

Le drapeau britannique est, lui aussi, bleu-blanc-rouge depuis le début du XVIIe siècle. Or, l’élite bourgeoise du XVIIIe siècle, et notamment certains penseurs des Lumières comme Voltaire (1694 – 1778), étaient frappés par une véritable « anglomanie« . Le modèle anglais permettait la critique de la « tyrannie » française.

Cependant, dans ses Mémoires, Bailly reproduit un arrêté du 13 juillet 1789 du comité des électeurs du Paris qui affirme en son article 10 que :

Comme il est nécessaire que chaque membre qui compose cette milice parisienne porte une marque distinctive, les couleurs de la ville ont été adoptées par l’assemblée générale ; en conséquence, chacun portera la cocarde bleue et rouge. […]

Le bleu et le rouge semblent bien être considérés comme les couleurs de la capitale à la Révolution.

 

L’origine marine du drapeau bleu-blanc-rouge : la loi du 15 février 1794 (27 pluviôse An II)

Un décret du 20 mars 1790 (cité par le site du Sénat) de l’Assemblée nationale prévoit que :

« lorsque les officiers municipaux seront en fonction, ils porteront pour marque distinctive une écharpe aux trois couleurs de la nation : bleu, rouge et blanc .

Le 24 octobre 1790, l’Assemblée constituante décide que les vaisseaux de guerre et les navires de commerce porteront un drapeau tricolore rouge du côté de la hampe, blanc au centre et bleu. Cependant, le drapeau utilisé par les régimes successifs pendant la Révolution varie. Il est par exemple blanc-rouge-bleu posé à la vertical pour la Fête de la Fédération (14 juillet 1790), ou rouge-blanc-bleu à la vertical pour l’exécution de Louis XVI (21 janvier 1793). 

« Les couleurs nationales » sont définitivement adoptées pour le pavillon national par la loi du 27 pluviôse an II (15 février 1794) :

Art. Ie Le pavillon décrété par l’Assemblée nationale constituante est supprimé.

II. Le pavillon national sera formé des trois couleurs nationales, disposées en trois bandes égales, posées verticalement, de manière que le bleu soit attaché à la gaule du pavillon, le blanc au milieu, et le rouge flottant dans les airs.

III. Les pavillons de beaupré et le pavillon ordinaire de poupe seront disposés de la même manière, en observant les proportions des grandeurs établies par l’usage.

IV. La flamme sera pareillement formée des trois couleurs, dont un cinquième bleu, un cinquième blanc et les trois cinquième rouges.

V. Le pavillon national sera arboré sur tous les vaisseaux de la République le premier jour de prairial ; le ministre de la marine donnera en conséquences tous les ordres nécessaires.

Selon la légende, le peintre Jacques-Louis David (1748 – 1825), aurait choisi l’ordre des couleurs. 

Les proportions précisées aux articles II et IV sont toujours en vigueur dans la marine. Son utilisation n’est courante dans l’armée de terre qu’à partir du premier Empire. Le drapeau français qui émerge alors est étrange et peu symétrique. En effet, les bandes sont posées verticalement, alors qu’il est de forme rectangulaire à l’horizontale.  Simple, tricolore, il peut être vu de loin et il est facile à reproduire.

 

Chute et rétablissement du drapeau français

La Restauration (1814 puis 1815 après l’épisode des Cent-Jours) établit un drapeau blanc qui prend une importance qu’il n’avait pas pendant l’Ancien régime. Cependant, la chute de Charles X (1824 – 1830) entraîne avec elle celle du drapeau blanc. L’avènement de Louis-Philippe Ier (1830 – 1848), roi des Français, dont le pouvoir est légitimé par la Nation, entraîne l’adoption du drapeau tricolore. L’article 67 de la Charte constitutionnelle du 14 août 1830 dit :

La France reprend ses couleurs. À l’avenir, il ne sera plus porté d’autre cocarde que la cocarde tricolore.

 

Lamartine refuse le drapeau rouge en 1848

Le 22 février 1848, une nouvelle révolution a éclaté à Paris. Elle a mené à la chute de Louis-Philippe Ier et de son régime. La République fut proclamée le 24 février par le poète et révolutionnaire Lamartine (1790 – 1869). Les révolutionnaires radicaux souhaitaient alors remplacer le drapeau bleu-blanc-rouge, rétabli par la monarchie de Juillet, par le drapeau rouge, tâché du sang des « martyrs » du Champ-de-Mars du 17 juillet 1791. Lamartine s’y est opposé et refusa de signer un décret dans ce sens. Le 25 février, il donna un discours resté célèbre à l’Hôtel de ville de Paris pour justifier son choix :

Voilà ce qu’a vu le soleil d’hier, citoyens ! Et que verrait le soleil d’aujourd’hui ? Il verrait un autre peuple, d’autant plus furieux qu’il a moins d’ennemis à combattre, se défier des mêmes hommes qu’il a élevés hier au-dessus de lui, les contraindre dans leur liberté, les avilir dans leur dignité, les méconnaître dans leur autorité, qui n’est que la vôtre ; substituer une révolution de vengeances et de supplices à une révolution d’unanimité et de fraternité, et commander à son gouvernement d’arborer, en signe de concorde, l’étendard de combat à mort entre les citoyens d’une même patrie !

Ce drapeau rouge, qu’on a pu élever quelquefois quand le sang coulait comme un épouvantail contre des ennemis, qu’on doit abattre aussitôt après le combat en signification de réconciliation et de paix. J’aimerais mieux le drapeau noir qu’on fait flotter quelquefois dans une ville assiégée, comme un linceul, pour désigner à la bombe les édifices neutres consacrés à l’humanité et dont le boulet et la bombe mêmes des ennemis doivent s’écarter. Voulez-vous donc que le drapeau de votre République soit plus menaçant et plus sinistre que celui d’une ville bombardée

Citoyens, vous pouvez faire violence au gouvernement, vous pouvez lui commander de changer le drapeau de la nation et le nom de la France. Si vous êtes assez mal inspirés et assez obstinés dans votre erreur pour lui imposer une République de parti et un pavillon de terreur, le gouvernement, je le sais, est aussi décidé que moi-même à mourir plutôt que de se déshonorer en vous obéissant. Quant à moi, jamais ma main ne signera ce décret. Je repousserai jusqu’à la mort ce drapeau de sang, et vous devez le répudier plus que moi, car le drapeau rouge que vous rapportez n’a jamais fait que le tour du Champ-de-Mars, traîné dans le sang du peuple en 91 et en 93, et le drapeau tricolore a fait le tour du monde, avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie.

Pour Lamartine, le drapeau rouge est un drapeau de guerre civile et de discorde, alors que le drapeau bleu-blanc-rouge est associé à la démarche universaliste et libératrice de la Révolution de 1789. 

 

Dernière menace sur le drapeau français : le drapeau blanc 

Le drapeau tricolore fut menacé une dernière fois après la chute du Second Empire. Le nouveau gouvernement républicain, après 1871, était dirigé par monarchistes. Le comte de Chambord (1820 – 1883), le petit-fils de Charles X, était alors appelé à monter sur le trône. Mais les monarchistes se montrèrent incapables de rétablir le règne des Bourbons La IIIe République, devenue véritablement républicaine après l’échec des monarchistes, fit un usage important du drapeau tricolore, symbole du régime nouveau. Il fut placé, de manière révélatrice, aux frontons des mairies et des écoles. 

 

Le drapeau français aujourd’hui

Le drapeau tricolore fut modifié sous Valéry Giscard d’Estaing (1974 – 1981). En effet, le bleu et le rouge sont éclaircis. Lors des interventions télévisées du chef de l’État, la bande blanche, inesthétique lorsqu’elle entoure le visage du président, est raccourcie. 

Le drapeau français est, tout comme l’hymne national, protégé par la loi. Le délit d’outrage au drapeau et à l’hymne national est défini à l’article 433-5-1 du Code pénal, créé par la loi du 18 mars 2003 :

Le fait, au cours d’une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques, d’outrager publiquement l’hymne national ou le drapeau tricolore est puni de 7 500 euros d’amende.

Lorsqu’il est commis en réunion, cet outrage est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

La création de ce délit fit suite à la « rencontre de la réconciliation » opposant la France à l’Algérie au football au Stade de France de Saint-Denis le 6 octobre 2001, au cours de laquelle la Marseillaise avait été copieusement sifflée par de nombreux supporteurs.

Un décret du 21 juillet 2010 punit de 1500€ d’amende le fait de porter outrage au drapeau tricolore. Il fait suite à la publication d’une photo diffusée dans le cadre d’un concours organisé par la Fnac qui montrait un homme s’essuyant les fesses avec le drapeau.

 

Une utilisation renouvelée ?  

Les attentats de l’année de 2015 ont pu redonner au drapeau français (ainsi qu’à d’autres emblèmes) une vigueur symbolique perdue. En effet, le drapeau tricolore et les « couleurs nationales » ont agrémenté les manifestations, dessins, balcons, etc., et semblent avoir fait l’objet d’une réappropriation par les Français, comme moyen d’expression de leur résistance. Le président de la République François Hollande (2012 – 2017) a invité les Français au cours de la cérémonie d’hommage aux victimes de l’attentat du 13 novembre 2015 à pavoiser leur domicile du drapeau national. En outre, les couleurs de la France ont été projetées sur de nombreux monuments du monde, en signe de solidarité.

 

L’influence internationale du drapeau français

Le modèle du drapeau français a inspiré celui d’autres pays. En effet, l’Italie, envahie par les armées révolutionnaires, a adopté alors, dans les « Républiques soeurs » (République transpadane, République cisalpine puis premier royaume d’Italie), un drapeau tricolore vert-blanc-rouge. Il est fait drapeau national au moment de l’unité (1861), symbole de modernité et d’unité retrouvée.

En Europe, la Belgique a un drapeau à trois couleurs posées verticalement, noir-jaune-rouge, depuis son indépendance (1830). L’Irlande, pour se distinguer du Royaume-Uni, a un drapeau tricolore vert-blanc-orange. La Roumanie, anciennement francophile, a un drapeau bleu-jaune-rouge (tout comme la Moldavie roumanophone), similaire à celui de l’Andorre, qui arbore un blason en son centre. 

Hors de l’Europe, on trouve surtout des drapeaux verticaux tricolores dans les États nés de l’ancien empire colonial français (Cameroun, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Sénégal et Tchad), mais aussi en Afghanistan et au Mexique.