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Les 14 principaux mouvements littéraires à connaître

Publié le 25/02/2019
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Cet article a pour vocation de vous présenter les principaux mouvements littéraires français. Ces étiquettes permettent de mieux comprendre les traits communs qui peuvent rassembler les auteurs d’une époque. Il ne faut toutefois pas enfermer les auteurs dans un mouvement. Enfin, il faut ajouter que nombre d’auteurs sont inclassables. Cet article sur les mouvements littéraires pourra aider les élèves préparant des examens comme le bac.

 

Définition de mouvement littéraire

Un mouvement littéraire est une dénomination qui rassemble des auteurs dont le style d’écriture et la vision de la littérature de nombreux traits communs. Parfois, ces auteurs forment de véritables écoles (comme le naturalisme) qui se donnent un projet.

 

L’humanisme

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L’École d’Athènes, Raphaël, 1511 | Wikimedia Commons

L’humanisme, terme du XIXe siècle, désigne un mouvement culturel européen, littéraire et philosophique, des XVe et XVIe siècles, période qui correspond à la Renaissance.

Les principales figures de l’humanisme comme mouvement littéraire sont, en France, Rabelais (vers 1494 – 1553), Marot (1496 – 1544), Montaigne (1533 – 1592) et les poètes de la Pléiade (voir ci-dessous). Le néerlandais Érasme (1467 – 1536) est cependant l’auteur qui incarne le plus, comme symbole, l’humanisme européen.

L’humanisme se caractérise avant tout par le statut qu’il confère aux sources antiques. Les grands auteurs de l’Antiquité grecque et latine (par exemple Platon, Aristote, Cicéron, Plutarque, Homère, Virgile, etc.) deviennent des modèles à imiter. L’étude de leurs textes n’avait pas disparu au Moyen Âge. Mais la redécouverte et l’appropriation de ces œuvres s’accélère.

Ce « retour » aux sources antiques est favorisé par les bouleversements que connaît l’Europe de la Renaissance, qui naît dans l’Italie du XIVe siècle. À côté des peintres qui s’inspirent de la mythologie antique, ou des érudits qui veulent renouveler le savoir, des auteurs italiens (Boccace, Dante, Pétrarque) ont initié, en littérature, ce mouvement d’imitation des « Anciens » (notamment Virgile ou Horace). Vers 1450 ensuite, l’Allemand Gutemberg (1400 – 1468) perfectionne l’imprimerie en inventant les caractères métalliques mobiles, ce qui permettra une beaucoup plus grande diffusion du livre et donc des savoirs. Enfin, la rétractation de l’Empire byzantin, héritier de l’Empire romain et porteur de sa culture greco-latine, puis sa chute finale à la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453, favorise le transfert des savoirs antiques vers l’Italie et donc vers l’Europe.

Les textes des Anciens sont connus, par les humanistes, en langue originale. Les lettrés apprennent le latin, la langue savante de l’époque, mais aussi le grec et l’hébreu. Ils traduisent les textes et veulent en retrouver la forme originelle. On revient directement à la source en écartant, parfois, les commentaires et les erreurs de traduction du Moyen Âge. Ce dernier est érigé en repoussoir. Le mythe du Moyen Âge, barbare, gothique, sombre, naît à cette époque.

Ce retour aux sources sert un idéal : la place centrale conférée à l’homme dans la réflexion savante. Humanisme vient du latin humanus « humain », et humanitas signifie « culture ». L’effervescence intellectuelle de l’âge humaniste se traduit par un optimiste général et une foi dans l’homme qui, par l’éducation, peut s’améliorer. On se soucie de son sort et de son bonheur. L’Anglais Thomas More (1478 – 1535) invente notamment L’Utopie (1516), un projet de cité idéale et bien réglée.

La « découverte » de l’Amérique nourrit le renouvellement intellectuel européen. Les lettrés de l’Europe se passionnent pour les récits de voyages des colons et explorateurs. La figure de l’Amérindien, le « bon sauvage », pousse une interrogation sur l’Autre, l’homme préservé des vices de la civilisation, et sur le Même, l’humanité qui nous lie à cette homme (Les Cannibales de Montaigne).

Cette interrogation est critique de la société : les Essais de Montaigne contiennent une dimension subversive. C’est aussi le cas chez Rabelais qui, dans Pantagruel (1532) et Gargantua (1534), moque la société de son temps. Dans son Discours sur la servitude volontaire (1576, posthume), Étienne de la Boétie (1530 – 1563), ami de Montaigne, formule l’une des premières grande critique moderne du pouvoir.

Enfin, l’Europe humaniste est une Europe chrétienne. La même démarche, appliquée aux textes des Anciens, est utilisée sur le texte biblique : on veut revenir au texte originel et se libérer des lectures traditionnelles. Cette tendance est contemporaine au développement de la réforme protestante duquel nombre d’humanistes se sentent proches. En France, Lefevres d’Étaples (1460 – 1536) traduit les Évangiles à partir de la Vulgate latine mais à l’aide de corrections grecques. En Allemagne, Martin Luther (1483 – 1546), réalise en 1522, à partir des textes originaux, la première traduction en allemand de la Bible.

Exemples d’œuvres : Éloge de la folie (Érasme, 1511), L’Utopie (More, 1516), L’Adolescence clémentine (Marot, 1532), L’Heptaméron (Marguerite de Navarre, 1539), Élégies et Sonnets (Louise Labé, 1555), Pantagruel (Rabelais, 1532), Gargantua (Rabelais, 1534), Tiers Livres (Rabelais, 1546), Quart Livre (Rabelais, 1548), Discours de la servitude volontaire (La Boétie, 1574), Essais (Montaigne, 1580-1595).

 

La Pléiade

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Portrait d’un poète, Palma le Vieux, 1516 | Google Arts & Culture

La Pléiade est un cercle de poètes français du XVIe siècle. Les poètes de la Pléiade sont Jean-Antoine de Baïf (1532 – 1589), Rémy Belleau (1528 – 1577), Joachim du Bellay (1522 – 1560), Étienne Jodelle (1532 – 1573), Pontus de Tyard (1521 – 1605), Jacques Pelletier du Mans (1517 – 1582 ou 83 (remplacé par Jean Dorat [1508 – 1588]) et Pierre de Ronsard (1524 – 1585), qui en est le « chef de file ».

Ce cercle, nommé d’abord « La Brigade», a été baptisé du nom d’un groupe de poètes grecs de l’Alexandrie du IIIe siècle av.J.-C. Les Grecs nommaient pléiades, Πλι ́αδες, les filles d’Atlas transformées en une constellation de sept étoiles.

Les auteurs de la Pléiade, imprégnés de la culture humaniste, ne formaient pas une école ni un courant de pensée, mais partageaient une conviction : il faut « amplifier » la langue française, c’est-à-dire l’enrichir, lui inventer de nouvelles tournures, de nouveaux mots et créer des œuvres mémorables en imitant les auteurs grecs et latins de l’Antiquité. En effet, pour ces auteurs, la langue française est une langue digne, et c’est en cette langue qu’il faut écrire, et non pas dans les langues antiques, puisqu’on ne pourra jamais égaler les auteurs grecs et latins dans leurs langues.

En d’autres termes, les poètes de la Pléiade veulent rendre prestigieuse la langue française, c’est-à-dire la mettre sur un même pied d’égalité avec le latin ou même l’italien, dont la réputation a été élevée par Dante, Pétrarque et Boccace. Le français est d’ailleurs, depuis l’ordonnance de Villers-Côtterets, prise par François Ier (1515 – 1547) en 1539, la langue officielle des actes administratifs du royaume.

Ce projet est exposé dans le premier manifeste littéraire de la langue française, la Défense et Illustration de la langue française (1549) de du Bellay.

Pour ces auteurs humanistes, le Moyen Âge est un repoussoir. Les poètes de la Pléiade rejettent les formes poétiques médiévales (chansons, ballades, rondeaux). Inspirés par Horace ou Pindare, ils rénovent la poésie en reprenant les genres utilisés par les poètes antiques : l’églogue, l’élégie, l’épigramme, l’épître, la satire. Ils pratiques en outre l’ode, l’épopée (La Franciade de Ronsard, inachevée) et, surtout, le sonnet, venu d’Italie, et utilisé pour la première fois en France par Clément Marot (1496 – 1544, qui n’était pas un poète de la Pléiade), qu’ils allient à l’alexandrin.

Exemples d’œuvres : Défense et Illustration de la langue française (Du Bellay, 1549), Les Amours (Ronsard, 1552), Continuation des Amours (Ronsard, 1555), Les Antiquité de Rome, Les Regrets (Ronsard, 1558)

 

Le baroque (mouvement littéraire)

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Vanité, Pieter Claesz, 1630 | Google Arts & Culture

Le « Baroque », terme moderne d’histoire de l’art, est une tendance artistique européenne de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle qui a touché la peinture, l’architecture, la sculpture, la littérature, etc.

Les principaux auteurs représentants du baroque en France sont Agrippa d’Aubigné (1552 – 1630), Honoré d’Urfé (1567 – 1625), Théophile de Viau (1590 – 1626), Marc-Antoine de Saint-Amant (1594 – 1661), Vincent Voiture (1597 – 1648), le Pierre Corneille (1606 – 1684) de l’Illusion comique (1636, il devient plus tard un classique), Madeleine de Scudéry (1607 – 1701), Paul Scarron (1610 – 1660), Cyrano de Bergerac (1619 – 1655). À l’étranger, on trouve William Shakespeare (1564 – 1616), Pedro Calderón (1600 – 1681) ou Baltasar Gracián (1601 – 1658).

Ce courant artistique est d’abord une réponse de l’Europe catholique aux progrès de la Réforme. Le Baroque est le style de la Contre-réforme. À l’austérité du protestantisme, elle oppose la profusion, la richesse de l’ornementation, l’irrégularité des formes ou la multiplication des courbes. Cette exubérance touche notamment l’architecture (la basilique Saint-Pierre, l’église Sant’Ivo alla Sapienza ou l’église du Gesù à Rome) et la peinture (Caravage, Rubens, etc.). Elle doit susciter la ferveur religieuse et servir la propagation de la foi.

Cependant, le baroque ne se limite pas aux frontières du catholicisme et touche toute l’Europe. En effet, cette sensibilité, démonstrative et débordante, cherche en réalité à saisir l’image de la vie, mouvante et instable. Le baroque est le reflet d’un monde changeant, impossible à saisir, fait d’illusion : La Vie est un songe (La vida es sueño, 1635) selon le titre d’une célèbre pièce de théâtre de Calderon.

Le baroque est aussi le reflet d’un monde violent. La mort est omniprésente. Un des grand thème pictural du baroque, ce sont les vanités, allégorie de la mort et de la vacuité de la vie. L’antagonisme entre catholicisme et protestantisme provoque des conflits violents et très meurtriers. Agrippa d’Aubigné commence ainsi ses Tragiques (1616) par une allégorie crue et vive d’une France qui sort à peine des déchirements entre catholiques et Hugenots (protestants) :

Je veux peindre la France une mère affligée,
Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargée.
Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts
Des tétins nourriciers ; puis, à force de coups
D’ongles, de poings, de pieds, il brise le partage
Dont nature donnait à son besson l’usage ;

Sur un autre plan, le développement de la théorie héliocentrique par Nicolas Copernic (1473 – 1543) et Galilée (1564 – 1642) bouleverse la représentation que se faisait l’homme de l’univers. Il n’y est plus au centre, comme dans le discours chrétien.

Bref, le monde est désordre, mouvement, et les repères traditionnels sont perdus.

Comme mouvement littéraire en France, le baroque se caractérise par le goût pour l’emphase (hyperbole), pour les images (métaphore), l’imagination (personnification, voir les États et Empires de la Lune [1657] de Cyrano de Bergerac), la perte de soi dans l’illusion (la figure mythique de Narcisse) et par la complexité des intrigues (L’Illusion comique de Corneille), notamment dans les romans à clé (Artamène ou le Grand Cyrus [1649] de Madeleine de Scudéry, le roman le plus long de langue française). Le baroque aime le théâtre (Shakespeare, Calderon, Corneille) qui offre une grande liberté (contrairement à la rationalisation classique, voir ci-dessous).

Le baroque se subdivise en deux mouvements littéraires.

  • La préciosité d’abord, dont le style recherché et raffiné porte l’idéal héroïque et galant. Elle est représentée dans la poésie de Voiture ou dans les romans de Madelaine de Scudéry, notamment Clélie, l’histoire romaine (1660). Ce courant est moqué sous les classiques, notamment par Molière (1622 – 1673) dans Les Précieuses ridicules (1659).

 

  • Le burlesque ensuite qui, en réaction à la préciosité, joue sur l’illusion produite par les apparences, évite l’étalement des grands sentiments et veut montrer la vie quotidienne, comme Scarron qui nous fait suivre un troupe de comédiens dans Le Roman comique (1651 – 1657).

Exemples d’œuvres : Hamlet (Shakespeare, 1600), L’Astrée (Urfé, 1607 – 1627), Don Quichotte (Cervantès, 1614), La Vie est un songe (Calderón, 1635), L’Illusion comique (Corneille, 1636), Le Roman comique (Scarron, 1651 et 1657), Clélie, histoire romaine (1654 – 1660), Histoire comique des États et Empires de la Lune (Bergerac, 1657).

 

Le classicisme

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Louis XIV parmi les attributs des arts et des sciences, Jean Garnier et Claude Lefebvre, 1670/1672 | Google Arts & Culture

Le « classicisme » est un terme moderne d’histoire de l’art qui s’applique en France, avant tout, à l’architecture et à la littérature produites pendant la présence au pouvoir de Richelieu comme principal ministre (1624 – 1642) sous le règne de Louis XIII (1610 – 1643), et sous le règne de Louis XIV (1643 – 1715).

Les classiques désignaient autrefois les grands écrivains de l’Antiquité. Mais les historiens ont qualifié de « classique » les auteurs d’un mouvement littéraire que l’on a érigé, d’une certaine façon, en nouveaux modèles. Ces auteurs qui, comme les humanistes, veulent imiter les chefs-d’œuvre de l’Antiquité, sont d’ailleurs bien plus célèbres que ceux du baroque : ce sont les célèbres Pierre Corneille (1606 – 1684), François de La Rochefoucauld (1613 – 1680), Jean de La Fontaine (1621 – 1695), Molière (1622 – 1673), Madame de Sévigné (1626 – 1696), Jacques Bénigne Bossuet (1627 – 1704), Madame de La Fayette (1634 – 1693), Jean Racine (1639 – 1699), Nicolas Boileau (1636 – 1711) ou Jean de La Bruyère (1645 – 1696) et Fénélon (1651 – 1715).

Ces écrivains ne se « savaient » pas classiques, mais ils ont constitué, dans les temps qui ont suivi, une espèce de canon.

La période de production de ces écrivains correspond au temps de la prépondérance de la France en Europe. C’est un moment de « gloire » et de référence dans l’histoire de France, du moins dans le « roman national », une sorte « d’âge d’or ». La maîtrise croissante par la royauté du pays se reflète dans la littérature. Après les troubles des guerres de Religion, on veut revenir, sous Henri IV, sous Louis XIII Richelieu et sous Louis XIV, à la paix intérieure, à l’ordre et à la stabilité.

Ainsi, l’écriture du mouvement littéraire classique, contrairement à l’écriture baroque, se caractérise par son goût pour la régularité. Elle suit des règles, elle aime l’ordre et la symétrie et cherche la perfection formelle. René Descartes (1596 – 1650), propose, dans Discours de la méthode (1637), une méthode, c’est-à-dire une manière rationnelle de conduire sa pensée, pour atteindre tous les savoirs.

Elle cherche par là à instruire l’homme par le beau, à le « réformer« , c’est-à-dire le purger de ses passions (la catharsis grecque) et le soumettre à la raison. Ainsi, chaque fable de La Fontaine se termine par une morale édifiante.

Ce classicisme s’est manifesté, au théâtre, par la fameuse règle des trois unités :

  • l’unité d’action : une seule intrigue (alors que le baroque préfère les intrigues complexes) ;
  • l’unité de temps : l’intrigue se déroule sur une journée ;
  • l’unité de lieu : l’intrigue ne se déroule qu’en un seul endroit.

Exemples d’œuvresLe Cid (Corneille, 1637), Sermon sur la mort (Bossuet, 1662), L’École des femmes (Molière, 1662), Maximes (La Rochefoucauld, 1664-1678), Dom Juan (Molière, 1665), Andromaque (Racine, 1667), Fables (La Fontaine, 1668-1693), Le Tartuffe (Molière, 1669), Britannicus (Racine, 1669), Pensées (Pascal, 1670), Art poétique (Boileau, 1674), Phèdre (Racine, 1678), La Princesse de Clèves (Madame de Lafayette, 1678), Caractères (La Bruyère, 1688), Lettres (Madame de Sévigné, 1696 pour les premières lettres), Les Aventures de Télémaque (Fénélon, 1699).

 

Les Lumières

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Voltaire | Google Arts & Culture

Les Lumières désignent un vaste mouvement culturel de l’Europe du XVIIIe siècle, « l’esprit d’un siècle », de la mort de Louis XIV (1715) à la Révolution française (1789). C’est le « siècle des Lumières« . 

Les principaux écrivains et philosophes des Lumières en France sont Marivaux (1688 – 1763) Montesquieu (1689 – 1755), Voltaire (1694 – 1778), Jean-Jacques Rousseau (1712 – 1778), Denis Diderot (1713 – 1784) et Beaumarchais (1732 – 1799). À l’étranger, on trouve bien sûr les Lumières écossaises (Enlightenment) représentées par David Hume (1711 – 1776) et Adam Smith (1723 – 1790), l’Aufklärung en Allemagne dont la grande figure est Emmanuel Kant (1724 – 1804),  Benjamin Franklin (1706 – 1790) ou Thomas Jefferson (1743 – 1826) aux États-Unis, Cesare Beccaria (1738 – 1794) en Italie, etc.

Les Lumières sont les héritières du classicisme du Grand Siècle, le XVIIe siècle, Le Siècle de Louis XIV (1751) dont le mythe est construit par Voltaire. À l’âge classique, la raison était consacrée et mise au service du perfectionnement moral. Les Lumières dirigent la raison, moteur de l’histoire, contre l’obscurantisme représenté par le pouvoir religieux (en France, par l’Église catholique). Voltaire concluait ainsi certaines de ces lettres par la célèbre formule « Écraser l’infâme« , l’infâme désignant les superstitions et le fanatisme. Le même Voltaire s’engage publiquement dans certaines controverses sur fond d’intolérance religieuse, comme l’affaire Calas (1761 – 1765), dans laquelle un protestant a été accusé d’avoir assassiné son fils converti au catholicisme. 

Les Lumières dirigent aussi leur effort contre l’arbitraire d’une royauté considérée comme tyrannique. Contre les abus du pouvoir, Montesquieu développe ainsi l’idée d’un équilibre des différents pouvoirs dans De l’Esprit des lois (1748). Le siècle est marqué par une forte anglomanie (en témoigne les Lettres philosophiques [1734] de Voltaire), c’est-à-dire une admiration systématique, voire excessive, d’une Angleterre parlementaire, érigée en modèle de libertés. On prône une limitation du pouvoir par les textes et les lois : en Italie, Beccaria fonde le droit pénal moderne avec Des Délits et et des Peines (1764), Rousseau propose ses projets de constitution à la Corse ou à la Pologne, etc.

Les Lumières sont subversives : elles veulent renverser une société figée et sûre d’elle-même. Ainsi, l’une des phrases les plus célèbres des Lumières, « Comment peut-on être persan ?« , qui se trouve dans les Lettres persanes (1721) de Montesquieu, moque l’intolérance des Parisiens et leur ethnocentrisme. Les dramaturges du siècles dénoncent, dans leurs pièces, une hiérarchie des classes figée (la société d’ordre) et appellent à une plus grande liberté d’expression. La critique sociale, encore timide chez Marivaux dans l’Île aux esclaves (1725)…

La différence des conditions n’est qu’une épreuve que les dieux font sur nous : je ne vous en dit pas davantage

devient plus franche chez Beaumarchais :

Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur.

La Mariage de Figaro, 1784

L’idéal des Lumières est l’autonomie, c’est-à-dire la capacité de l’homme à sortir par lui-même de l’enfance, à se donner sa propre loi. Il a été formulé par le philosophe allemand Kant dans Qu’est-ce que les Lumières (1784) :

Qu’est-ce que les Lumières ? La sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même responsable. Minorité, c’est-à-dire incapacité de se servir de son entendement (pouvoir de penser) sans la direction d’autrui, minorité dont il est lui-même responsable (faute) puisque la cause en réside non dans un défaut de l’entendement mais dans un manque de décision et de courage de s’en servir sans la direction d’autrui. Sapere aude ! (Ose penser) Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

L’œuvre qui incarne le mieux l’entreprise des Lumières est LEncyclopédie (1772) de Diderot et d’Alembert (1717 – 1783), ouvrage qui a pour vocation de rassembler toutes les connaissances humaines. Les écrivains des Lumières sont souvent polygraphes : ils s’intéressent et écrivent sur des sujets variés sans se soucier des divisions académiques. Ils peuvent être scientifiques comme historiens. Rousseau s’intéresse ainsi à la botanique, à la musique, en plus de la littérature et de la philosophie.

La civilisation de l’Europe Lumières (selon le titre d’un livre de l’historien Pierre Chaunu) est une civilisation des salons. Une certaine sociabilité s’y développe : la pensée s’y diffuse par la conversation, dans laquelle les femmes tiennent une grande place. Les Lumières se répandent aussi par les académies, les journaux, les traités, les lettres, etc. Voltaire produit plusieurs contes philosophiques, Zadig (1747) ou Candide (1759) qui diffusent largement des idées critiques d’autant qu’ils sont courts et faciles à lire. 

L’esprit de liberté du XVIIIe se manifeste aussi dans le roman libertin, courant, représenté par exemple par Pierre Choderlos de Laclos (1741 – 1803) ou par le Marquis de Sade (1740 – 1814), anticlérical et érotique, qui s’attaque aux convenances morales et lutte contre les croyances établies.

Exemples d’œuvresLes Lettres persanes (Montesquieu, 1721), L’Île aux esclaves (Marivaux, 1725) Lettres philosophiques (Voltaire, 1734), Zadig (1747), L’Esprit des lois (Montesquieu, 1748), Lettre sur les aveugles (Diderot, 1749), Encyclopédie (1772), Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (Rousseau, 1755), Candide (Voltaire, 1759), Du contrat social (Rousseau, 1762), Des Délits et des Peines (Beccaria, 1764), Dictionnaire philosophique (Voltaire, 1764), L’Ingénu (Voltaire, 1767), Les Liaisons dangereuses (Laclos, 1782), Le Mariage de Figaro (Beaumarchais, 1784), Qu’est-ce que les Lumières (Kant, 1784), Jacques le fataliste et son maître (Diderot, posthume, 1796), Le Neveu de Rameau (Diderot, posthume, 1891).

 

Le romantisme

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Le voyageur au-dessus de la mer de nuages, Caspar David Friedrich, 1817 | Wikimedia Commons

On désigne par romantisme le mouvement artistique qui émerge à la charnière entre le XVIIIe et le XIXe siècle.

Jean-Jacques Rousseau est le précurseur du romantisme en France. Après lui, les principaux représentants du romantisme en France sont : Madame de Staël (1766 – 1817), Benjamin Constant (1767 – 1830), François-René de Chateaubriand (1768 – 1848), Charles Nodier (1780 – 1844) Marceline Desbordes-Valmore (1786 – 1859), Alphonse de Lamartine (1790 – 1869), Alfred de Vigny (1797 – 1863), Alexandre Dumas (1802 – 1870), Victor Hugo (1802 – 1885), George Sand (1804 – 1876), Gérard de Nerval (1808 – 1855), Alfred de Musset (1810 – 1857). À l’étranger, les plus grands représentants du romantisme sont les Allemands Johann Wolfgang von Goethe (1749 – 1832), Friedrich von Schiller (1759 – 1805), Heinrich Heine (1797 – 1856), les Anglais Lord Byron (1788 – 1824) ou Mary Shelley (1797 – 1851), l’Écossais Walter Scott (1771 – 1832), etc.

Le terme « romantisme », d’origine anglaise, a été introduit en français par Madame de Staël, qui souhaitait ouvrir la France à la littérature allemande (De l’Allemagne, 1813). L’Allemagne produit alors ses classiques (Goethe, Schiller, Novalis, Lessing, etc.). Le romantisme a été particulièrement prégnant dans l’espace allemand et en Angleterre (dans la poésie de Byron, les romans historiques de Walter Scott ou gothiques d’Horace Walpole [1717 – 1797] ou de Shelley [Frankenstein]).

Le romantisme est une réaction au classicisme et au rationalisme du XVIIIe siècle, et une révolte contre la société. En effet, les romantiques sont des être désenchantés qui se sentent étouffés par les règles et convenances de la société. Chateaubriand, archétype de l’écrivain mélancolique, s’échappe ainsi en partant dans l’Amérique encore sauvage. Ce sont des enfants touchés par le « mal du siècle », analysé par Musset dans les Confessions d’un enfant du siècle (1836). Ces auteurs cherchent à échapper à la société par la puissance de la création littéraire.

Les auteurs de ce mouvement littéraire se tournent ainsi vers le moi, ils exaltent la sensibilité intérieure, suivant le mouvement initié par Rousseau dans la première grande autobiographie moderne, Les Confessions (1782). Le lyrisme, c’est-à-dire l’expression simple de la subjectivité, est alors en vogue : Lamartine exprime ses tristesses et bonheurs de jeune poète dans ses Méditations poétiques (1820). Marceline Desbordes-Valmore produit une poésie où transpire la spontanéité et la sincérité. Les romantiques laissent libre cours à leurs passions, au lieu de les réprimer ou de les contrôler. L’Adolphe (1816) de Constant, suit les longs épanchements d’un jeune homme affligé par un amour dont il ne veut plus.

Le Romantisme cherche l’évasion. Dans le passé d’abord : l’âge romantique est l’âge de l’émergence du roman historique (Scott en Écosse, les romans de Dumas en France, Cinq-Mars de Vigny en 1826, Notre-Dame de Paris de Victor Hugo en 1831). Le Moyen Âge, érigé en repoussoir par les humanistes, est revalorisé. Dans la nature ensuite, lieu de la solitude, loin des servitudes de la société (Les Rêveries du promeneur solitaire de Rousseau, 1782), et dont la puissance fascine. Dans la religion aussi, après un XVIIIe siècle et une Révolution française anticléricale : Le Génie du christianisme (1802) de Chateaubriand, publié en 1802, aura une influence énorme sur son siècle marqué par le retour à la foi. Dans le rêve et l’imagination enfin, dont témoigne le développement la littérature fantastique (chez Nodier ou Mérimée par exemple).

Cette évasion, se marie, paradoxalement, à l’engagement : les romantiques sont des créateurs qui croient en leur pouvoir de changer la société. Chateaubriand comme Hugo mèneront des carrières politiques avec plus ou moins de succès. 

Enfin, les auteurs romantiques s’émancipent de la bienséance et de la mesure des classiques. Hugo mélange les registres théâtraux ce qui donne lieu à une « bataille » esthétique, la fameuse bataille d’Hernani (1830), baptisée du nom de sa pièce.

Exemples d’œuvresRené (Chateaubriand, 1802), Faust I et Faust II (Goethe, 1808 et 1832) Childe Harold’s Pilgrimage (Byron, 1812 – 1818), Méditations poétiques (Lamartine, 1820), Hernani (Hugo, 1830), Notre-Dame de Paris (Hugo, 1831), Lorenzaccio (Musset, 1834), Les Nuits (Musset, 1835 – 1837), Confessions d’un enfant du siècle (Musset, 1836), La Vénus d’Ille (Mérimée, 1837), Mémoires d’outre-tombe (Chateaubriand, 1848), La Petite Fadette (Sand, 1849), Les Filles du feu (Nerval, 1854), Les Contemplations (Hugo, 1856), Les Destinées (Vigny, 1864), 

 

Le réalisme (mouvement littéraire)

Le réalisme est un mouvement littéraire du XIXe siècle, presque contemporain du romantisme.

Les principaux représentants du réalisme en France sont Stendhal (1783 – 1842), Balzac (1799 – 1850) et Flaubert (1821 – 1880). George Sand ou Victor Hugo (celui des Misérables par exemple) ont produit des romans réalistes.

Les écrivains réalistes cherchent à retranscrire dans leurs livres la vie réelle des êtres qui animent la société, les situations ordinaires qui rythment leurs vies. Ils ne s’interdisent pas d’écrire sur les « basses classes », les « classes populaires », ce que l’on désigne habituellement par le mot de « peuple ».

Au milieu du XIXe siècle, l’accélération de la révolution industrielle et l’émergence de la démocratie, avec les transformations sociales et intellectuelles qu’elles engendrent, recentrent l’attention sur la société. Ainsi, le réalisme veut « décrire la société dans son entier, telle qu’elle est » (Balzac, dans sa préface à Les Employés, 1838) avec un regard cliniquequasi objectif. Ils s’émancipent de la bienséance. À leurs lecteurs, les réalistes ne veulent pas cacher le destin de prostituées, de voyous, de criminels, d’ouvriers, de paysans de régions reculées et oubliées, de petits fonctionnaires ou de bourgeois dévoyés. Balzac encore, déclarait vouloir « faire concurrence à l’état civil». Son oeuvre, la Comédie humaine, brasse le destin de plus de 2000 personnages.

Le réalisme est d’ailleurs le courant qui a consacré le roman, support quasi exclusif de son projet, comme le principal genre littéraire.

Le réalisme est une réaction au romantisme, même si les deux courants se mêlent (Balzac lui-même écrit des romans fantastiques, comme La Peau de chagrin [1831]). Il est surtout une critique du lyrisme estimé excessif des romantiques. Madame Bovary (1857) est, par exemple, une moquerie cinglante des rêves romantiques de son héroïne, qui confond fiction et réalité.

Le réalisme produit une littérature qui est ancrée dans un contexte historique, une époque, et un milieu, comme l’est par exemple L’Éducation sentimentale (1869) dans les événements de la révolution 1848, dont Flaubert a fait un récit fameux.

Bien sûr, cette description de la société n’est pas neutre. Au contraire, derrière ce regard lucide porté sur les hommes se cache une critique de l’état des rapports sociaux, à travers le traitement de thèmes typiques : l’échec d’une ascension sociale, l’impossibilité de l’amour, l’affrontement des classes, etc. Les Misérables (1862) de Hugo est par exemple un plaidoyer indirect en faveur de l’amélioration du sort des plus pauvres.

Exemples d’œuvres : La Comédie humaine de Balzac (par exemple Eugénie Grandet [1834], Le Père Goriot [1835], Illusions perdues [1837]), Le Rouge et le Noir (Stendhal, 1830), Madame Bovary (Flaubert, 1857), Les Misérables (Hugo, 1862).

 

Le naturalisme

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Au Bal du Moulin de la Galette, Henri de Toulouse-Lautrec, 1892 | Wikimedia Commons

Le naturalisme est un mouvement littéraire du milieu du XIXe siècle.

La figure d’Émile Zola (1840 – 1902) domine le naturalisme, mais d’autres auteurs ont été influencés par son entreprise, notamment les frères Edmond (1822 – 1896) et Jules (1830 – 1870) de Goncourt ou Guy de Maupassant (1850 – 1893).

Ce courant littéraire est une formalisation du réalisme, une version plus tranchée, plus sévère, poussée au bout de sa logique.

Alors qu’aucun écrivain majeur ne se réclamait du « réalisme », le naturalisme est un vrai mouvement avec un chef de file, Émile Zola dont les Rougon-Macquart est la grande oeuvre. Il invite régulièrement des écrivains dans sa propriété de Médan, dans les Yvelines (voir le recueil de six nouvelles, Les Soirées de Médan, publié 1880).

Influencé par Claude Bernard (1813 – 1878), fondateur de la médecine expérimentale, mais aussi par Hippolyte Taine (1828 – 1893), philosophe scientiste et positiviste, Zola veut en effet appliquer la méthode scientifique à la littérature. Il expose notamment son ambition dans la préface de Thérèse Raquin (1867), son premier roman, et livre au titre révélateur Le Roman expérimental (1893). Il veut décrire la nature à travers le roman, comme le fait la science avec son langage propre. L’écriture de Zola est en conséquence marquée par une profusion de détails scientifiques.

La société décrite par Zola est composée de personnages déterminés par deux types de lois dictant leur comportement : l’hérédité physique (leur nature) et le contexte économique et social. Le sous-titre des Rougon-Macquart énonce cette configuration : Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire. Ainsi, Zola suit le protocole d’expérimentation décrit par Claude Bernard : il part d’une situation initiale, et fait évoluer les personnages selon les lois de leur nature, en décrivant le processus étape par étape.

Le milieu dans lequel évoluent les personnages de Zola n’est pas un milieu neutre, mais un milieu qui a ses caractéristiques propres et ses déterminismes particuliers : il veut faire le roman du Second Empire, « il veut personnifier l’époque ». Aucun sujet n’est écarté au profit de la bienséance. Ainsi, les Rougon-Macquart passent-ils par le monde du prolétariat de la mine (Germinal, 1885), par celui de la prostitution (Nana, 1880) ou par celui des bistrots, dans lesquels l’alcoolisme fait des ravages (L’Assommoir, 1876). La dimension critique de ces tableaux est bien sûr primordiale (« Fermez les bistrots, ouvrez les écoles ! »).

Exemples d’œuvresLes Rougon-Macquart (Zola, par exemple l’Assommoir [1877], Au Bonheur des Dames [1883], Germinal [1885], La Bête humaine [1890]), Germinie Lacerteux (Frères Goncourt, 1865) Bel-Ami (Maupassant, 1885),

 

Le Parnasse

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Le Parnasse, Andrea Appiani, 1811 | Google Arts & Culture

Le Parnasse est un cercle de poètes (comme la Pléiade) du XIXe siècle qui a donné naissance à un mouvement littéraire. Ses principaux représentants sont Leconte de Lisle (1818 – 1894), le « chef de file », Théophile Gautier (1811 – 1872), Théodore de Banville (1823 – 1891) et José-Maria de Heredia (1842 – 1905).

Le terme parnasse vient du mont Parnasse, montagne grecque où séjourne Apollon et les neuf muses.

Ce courant s’est développé en réaction au lyrisme poétique des romantiques, jugé excessif et éculé. Les poètes parnassiens veulent ramener symboliquement la poésie sur le mont Parnasse duquel Lamartine, premier accusé, l’a descendue, c’est-à-dire rendre sa superbe à la poésie.

Aux épanchements des romantiques, ils opposent l’impersonnalité, l’objectivité, la suppression du « je » et la primauté de la description. C’est une poésie qui se veut neutre, et elle est en cela, comme le naturalisme, influencée par le modèle scientifique. En effet, pour les parnassiens, l’art n’a pas à être incarné, ni à être engagé, l’art se justifie par lui-même. Ils font ainsi de « l’art pour l’art« , comme théorisé par Gautier dans sa préface à Mademoiselle Maupin (1835).

La poésie parnassienne écarte donc la subjectivité pour se concentrer sur la forme et le style : la langue est une matière brute qui, comme la pierre du sculpteur, doit être ciselée par un travail acharné. Ils célèbrent là le beau et les belles actions (comme Heredia dans Les Trophées, 1893), en renouant, par exemple, avec les mythes de l’Antiquité (Les Poèmes antiques de Leconte de Lisle, 1852), ou par la célébration de la nature, de l’exotisme, etc.

Exemples d’œuvresÉmaux et Camées (Gautier, 1852), Poèmes antiques (Leconte de Lisle, 1852), Les Trophées (Heredia, 1893), 

 

Le symbolisme

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Les voix, Moreau, 1880 | Wikimedia Commons

Le symbolisme est un mouvement littéraire et pictural avant tout, s’étendant de la deuxième partie du XIXe siècle au début du XXe siècle. On date, par convention, sa naissance au manifeste littéraire publié par le poète Jean Moréas (1856 – 1910) dans le journal Le Figaro du 18 septembre 1886.

Cependant, le symbolisme se manifeste avant cette date. Charles Baudelaire (1821 – 1867), le précurseur du symbolisme, fait paraître pour la première fois les Fleurs du mal en 1857.

Après Baudelaire, les grands poètes que l’on rassemble sous la qualification de symboliste sont Stéphane Mallarmé (1842 – 1898), Paul Verlaine (1844 – 1896) et Arthur Rimbaud (1854 – 1891), auxquels on peut ajouter Gustave Khan (1859 – 1936), René Ghil (1862 – 1925), Émile Verhaeren (1855 – 1916), etc.

Les poètes de ce mouvement littéraire ne constituent toutefois pas une école. Verlaine, en réponse à une question du journaliste Jules Huret (1863 – 1915) sur la définition du symbolisme, répond en effet : « Symbolisme ? Connais pas ! Ce doit être un mot allemand ! ». Ces poètes partagent en revanche certaines sensibilités.

Les symbolistes sont, en quelque sorte, des poètes ésotériques. Au réalisme et sa maximalisation naturaliste, à la démarche des Balzac, Flaubert ou Zola de laisser un témoignage littéraire de la société telle qu’elle est, les symbolistes opposent une poésie mystique, une écriture qui, par l’intermédiaire du langage, essaie de transcrire le sens caché des choses, qui veut révéler l’énigme du monde.

On comprend ainsi pourquoi on parle de « symbolistes ». Le symbole est un signe qui renvoie à une autre réalité. Dans cette configuration symbolique, le poète est celui qui décrypte les « forêts de symboles » ou en créé de nouveaux. Ce sont les « correspondances » que cherche à relever Baudelaire dans sa poésie :

La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
– Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.

Le symbolisme découle du Parnasse mais essaie d’échapper à ses « froides » descriptions et à son prisme scientifique. Plutôt que de décrire, les auteurs symbolistes veulent suggérer. Ils cherchent la musicalité de la langue, qu’ils atteignent notamment grâce à l’emploi du vers libre.

Exemples d’œuvres : Les Fleurs du Mal (Baudelaire, 1857), Poèmes saturniens (Verlaine, 1866), Complaintes (Laforgue, 1885), Tête d’Or (Claudel, 1889), Poésies (Mallarmé, 1899).

 

Le Dada ou dadaïsme

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Fontaine, Marcel Duchamp, 1917 | Google Arts & Culture

Le Dada, ou dadaïsme, est un mouvement artistique, qui s’est manifesté en littérature, en peinture et dans les arts plastiques. Il naît en 1916 à Zurich.

Le principal animateur du dadaïsme est l’écrivain franco-roumain Tristan Tzara (1896 – 1963). Son mouvement agrège autour de lui les principaux auteurs de ce que l’on nommera ensuite le surréalisme (Breton avant tout, voir ci-dessous), et attire des artistes comme Francis Picabia (1879 – 1953), Jean Arp (1886 – 1966), Man Ray (1890 – 1976) ou Marcel Duchamp (1887 – 1955).

Le dadaïsme est né comme une révolte contre la civilisation, la raison et les prétentions humanistes d’une Europe occupée à s’anéantir au cours de la Première Guerre mondiale (1914 – 1918). Tristan Tzara veut détruire l’héritage de l’art conventionnel, et lui oppose un art comique plein de dérision, qui cherche le scandale et les protestations.

L’œuvre d’art ne doit pas être la beauté en elle-même, car elle est morte.

Manifeste de 1918

Le nom Dada aurait d’ailleurs été choisi au hasard, parce qu’il n’évoquait rien d’autre que quelque chose d’enfantin et naïf.

Tzara produit ainsi des poèmes volontairement dénués de sens, dans lequel un langage libéré s’épanouit. Il cherche les associations spontanées et l’expression de l’inconscient, inspiration qui est prolongée par les auteurs surréalistes. Il utilise en outra la technique du « collage », expliquée dans ce poème :

Pour faire un poème dadaïste
Prenez un journal.
Prenez des ciseaux.
Choisissez dans ce journal un article ayant la longueur que vous comptez donner à votre poème.
Découpez l’article.
Découpez ensuite avec soin chacun des mots qui forment cet article et mettez-les dans un sac.
Agitez doucement.
Sortez ensuite chaque coupure l’une après l’autre.
Copiez les consciencieusement dans l’ordre où elles ont quitté le sac.
Le poème vous ressemblera.
Et vous voilà un écrivain infiniment original et d’une sensibilité charmante, encore qu’incomprise du vulgaire.

Pour faire un poème dadaïste

Cependant, le dadaïsme souffre, après la guerre de dissensions, et son projet, nihiliste d’un certain point de vue, lasse certains de ses porteurs, qui veulent passer à une étape de création.

Exemples d’œuvres : Les Sept Manifestes Dada (Tzara, 1916 – 1924)

 

Le surréalisme (mouvement littéraire)

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Les Muses inquiétantes, Giorgio de Chirico, 1960 | Google Arts & Cultures

Le surréalisme est un mouvement artistique né dans les années 1920, et dont l’existence se prolonge tout au long de la vie de son principal animateur, André Breton (1986 – 1966).

Le terme de « surréalisme » naît sous la plume de Guillaume Apollinaire (1880 – 1916), qui est l’inspirateur du mouvement. De nombreux auteurs sont passés par ce mouvement littéraire, sans avoir été surréaliste toute leur vie : Louis Aragon (1897 – 1982), Paul Éluard (1895 – 1952), Philippe Soupault (1897 – 1990), René Char (1907 – 1988), Jacques Prévert (1900 – 1977), Robert Desnos (1900 – 1945), Francis Ponge (1899 – 1988), etc. Le mouvement connaît une grande fertilité dans les arts plastiques, grâce à Giorgio De Chirico (1888 – 1978), Salvador Dalí (1904 – 1989), Joan Miró (1893 – 1983), etc.

Ce mouvement naît d’une rupture de Breton avec la dadaïsme. Dans son Manifeste du surréalisme de 1924, il décrit ainsi le surréalisme :

Surréalisme, n. m. Automatisme psychique pur, par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.

– Encycl. Philos. Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées jusqu’à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les autres mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie.

Inspirés par l’œuvre de Sigmund Freud (1856 – 1936), le fondateur de la psychanalyse, traumatisés par les horreurs de la Première Guerre mondiale, qui a ruiné les certitudes de l’Europe sur elle-même, discrédité l’humanisme et traumatisé toute une génération, les surréalistes cherchent à libérer la société et l’art, du rationalisme et des carcans de la bourgeoisie, par la « toute-puissance du rêve » (l’ouvrage le plus célèbre de Freud est l’Interprétation des rêves, publié 1900).

Le surréalisme est ainsi, comme le dadaïsme dont il provient, un mouvement de révolte. Ainsi, selon Breton :

« Transformer le monde », a dit Marx ; « Change la vie », a dit Rimbaud : ces deux mots d’ordre pour nous n’en font qu’un.

Position politique du surréalisme, 1935

Mais contrairement au dadaïsme, le surréalisme ne veut pas être un simple nihilisme. Il veut être positif, c’est-à-dire créatif. Les surréalistes s’efforcent de libérer le langage, et donc les mots, de l’empire de la raison, pour qu’il exprime quelque chose de nouveau, la pensée pure, l’inconscient, témoignant de l’existence d’une réalité cachée, mais supérieure.

Les surréalistes pratiquent la technique de l’écriture automatique. L’écrivain, au lieu de penser son texte, s’abandonne à son inconscient et laisse s’enchaîner les phrases sans qu’il en contrôle la cohérence. Le recueil Les Champs magnétiques (1919), de Breton et de Soupault est un recueil de poèmes « d’écriture automatique ».

Prévert et le peintre Yves Tanguy (1900 – 1955) invente, eux, le cadavre exquis, définit comme un :

Jeu de papier plié qui consiste à faire composer une phrase ou un dessin par plusieurs personnes, sans qu’aucune d’elles puisse tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes. L’exemple, devenu classique, qui a donné son nom au jeu, tient dans la première phrase obtenue de cette manière : Le cadavre-exquis-boira-le-vin-nouveau.

Breton, Dictionnaire abrégé du surréalisme, 1938

Le roman surréaliste, par exemple Le Paysan de Paris (1926) ou Nadja (1928), essaie de mêler les genres littéraires et veut échapper la l’intrigue chronologie traditionnelle.

Les auteurs surréalistes veulent, comme les romantiques, être des créateurs qui contribuent à transformer la société. Expression de cet engagement, Breton, Éluard et Aragon adhèrent au parti communiste en 1927.

Exemples d’œuvres : Les Champs magnétiques (Breton et Soupault, 1919), Manifeste du surréalisme (Breton, 1924), Le Paysan de Paris (Aragon, 1926), Capitale de la douleur (Éluard, 1926), Nadja (Breton, 1928), Corps et biens (Desnos, 1930), Le Marteau sans maître (Char, 1934), L’Amour fou (Breton, 1937).

 

L’absurde et le théâtre de l’absurde

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Café-Concert, Édouard Manet, 1878 | Wikimedia Commons

La réflexion sur l’absurde, du latin absurdus (qui semble signifie « dissonant », qui choque la raison), est ancienne. Toutefois, le mouvement littéraire que l’on nomme « absurde » naît au XXe siècle et se développe après la Deuxième Guerre mondiale (1939 – 1945).

Albert Camus (1913 – 1960) est le principal théoricien de l’absurde. Le théâtre de l’absurde est lui représenté en France par deux grands dramaturges, l’Irlandais d’expression française Samuel Beckett (1906 – 1989) et Eugène Ionesco (1909 – 1994). On peut aussi citer Arthur Adamov (1908 – 1970), ou Jean Genet (1910 – 1986) qui peut s’en approcher par sa critique de la société occidentale. L’Anglais Harold Pinter (1930 – 2008) est le plus grand représentant de l’absurde en dehors de la France.

L’absurde, c’est le fait que les individus de la société occidentale ne perçoivent plus de sens à leur vie et la voient donc comme vaine. Nous sommes seuls à naviguer comme des étrangers dans un monde désenchanté (le monde de Bardamu, personnage de Céline dans Voyage au bout de la Nuit [1932]) qui semble incompréhensible, comme le Meursault de Camus (dans l’Étranger, 1942). Se pose alors la question du suicide, qui est traitée philosophiquement dans un autre livre du « cycle de l’absurde » de Camus, Le Mythe de Sisyphe (1942).

Ce problème, ou cette sensibilité absurde donne naissance à un courant théâtral qui met en scène cette condition tragique de l’homme moderne. Ionesco et Beckett produisent des pièces sans intrigue, dans lesquelles les personnages, qui cherchent à échapper à l’ennui et à la répétition, sont des ombres à la psychologie à peine esquissées (deux clochards dans En attendant Godot [1953]). Le déroulement temporel est inconnu et les dialogues sont disloqués en des séquences inintelligibles et irrationnelles. La Cantatrice chauve 1950), qui ne compte pas de personnage de cantatrice chauve, est une sous-titrée « anti-pièce« .

Le non-sens des dialogues, soit erratiques (Pinter utilise de multiplie par exemple les séquences silence) soit abondants et confus, laisse donc toute la place à la mise en scène qui prend une importance jusqu’à la jamais occupée, par la multiplication des didascalies, par la place centrale donnée par à un élément du décor (Les Chaises, 1951).

Contrairement aux classiques, ces dramaturges ne cherchent pas la vraisemblance, mais à maintenir une distance avec le spectateur, qui assiste à une pièce qui le déroute par la mise en scène de l’insignifiance.

Le théâtre de l’absurde peut toutefois être engagé. Ionesco, dans Rhinocéros (1959), transforme progressivement ses personnages, acquis au totalitarisme, en rhinocéros dont la pensée a été abolie.

Exemples d’œuvres : Le Mythe de Sisyphe (Camus, 1942), L’Étranger (Camus, 1942), Caligula (Camus, 1945), La Cantatrice chauve (Ionesco, 1950), En attendant Godot (Beckett, 1953), Le Ping-pong (Adamov, 1955), Fin de partie (Beckett, 1957), Rhinocéros (Ionesco, 1960).

 

Le Nouveau Roman

Photo de Philippe Mignot

Le Nouveau Roman est un mouvement littéraire qui vit dans les années 1950 et 1960.

Ce qualificatif rassemble les œuvres de divers auteurs ayant écrits pour les éditions de Minuit : Nathalie Sarraute (1900 – 1999), Alain Robbe-Grillet (1922 – 2008), Michel Butor (1926 – 2016) et Claude Simon (1913 – 2005), auxquels on peut ajouter Claude Ollier (1922 – 2014), Robert Pinget (1919 – 1997), Jean Ricardou (1932 – 2016) et l’œuvre romanesque de Samuel Beckett.

Ces auteurs, dont l’idée est surtout exposée dans trois ouvrages (L’Ère du soupçon de Sarraute en 1956, Pour un nouveau roman de Robbe-Grillet en 1963 et Essais sur le roman de Butor en 1964), cherchent à déconstruire le roman traditionnel. Ils lui substituent des œuvres dans lesquelles l’identité des personnages est réduite au maximum (des ombres, des consciences, ils ne sont parfois que des pronoms), et dans lesquelles l’intrigue est morcelée entre un passé et un présent qui se mêlent. C’est par là un approfondissent les inspirations de grands auteurs de la première partie du XXe siècle : le Français Marcel Proust (1871 – 1922), l’Irlandais James Joyce (1882 – 1941) et l’Américain William Faulkner (1897 – 1962).

Le Nouveau Roman s’écarte de l’engagement de Jean-Paul Sartre (1905 – 1980) et de Camus, et refuse d’être le porteur d’une idéologie ou d’une vision du monde. Au-delà du roman d’individus qui font le monde, il décrit, par une écriture dépouillée et froide, les objets qui nous entourent (comme les Gommes [1953] de Robbe-Grillet ou plus tard, Les Choses [1965] de Georges Perec), à l’âge de la société de consommation.

Selon le mot de Jean Ricardou, le nouveau roman est « l’aventure d’une écriture ».

Exemples d’œuvres: Les Gommes (Robbe-Grillet, 1953), La Modification (Butor, 1957), Moderato Cantabile (Duras, 1958), Le Planétarium (Sarraute, 1959), La Route des Flandres (Simon, 1960).