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Aristocratie : définition et origine du mot

Publié le 30/06/2022
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L’aristocratie est une forme de répartition du pouvoir dans une entité politique. Dans une aristocratie, le pouvoir est détenu par une minorité de membres en raison de leur supériorité, réelle ou supposée. « Aristocratie » vient en effet du grec aristokratia, ἀριστοκρατία, « gouvernement des plus puissants » ou « gouvernement idéal des meilleurs », composé de aristos, ἄριστος, « meilleur », et du suffixe kratia, κρατίᾱ, dérivé de kratos, κράτος, « pouvoir, commandement ». Ainsi, un État aristocratique, ou une quelconque autre entité aristocratique, aura à sa tête des individus considérés comme les meilleurs, soit parce qu’ils ont plus de vertu (il faut alors définir la vertu), soit parce qu’ils sont les plus riches (en supposant que la richesse fait de meilleurs représentants / sans ce présupposé, on parlerait alors plutôt de ploutocratie), soit parce qu’ils ont été élus (on peut alors parler d’aristocratie élective), soit par la naissance (parce qu’ils sont, par exemple, les descendants de ceux qui ont conquis le pays qu’ils dominent, et qu’ils seraient donc génétiquement supérieurs au peuple conquis), etc. On considère en général que les aristocrates forment une classe sociale relativement distincte (quand on est aristocrate, on le reste, sauf dans le cas de l’aristocratie élective). Par extension, « l’aristocratie » désigne cette classe sociale dominante. Cette domination exercée par les aristocrates leur vaut en général des privilèges, ou une situation sociale privilégiée.

La notion d’« aristocratie » a fait l’objet de nombreuses conceptualisations par des philosophes. Un exposé complexe de cette notion pensée comme un régime politique a par exemple été donnée par le philosophe grec Aristote (384 – 322 av. J.-C.). Il fait de nombreuses mentions de l’aristocratie dans Les Politiques (traduction de Pierre Pellegrin), et dit notamment dans le livre IV, 7 qu’elle est le « le gouvernement des meilleurs absolument selon la vertu » (et non pas des meilleurs dans une perspective particulière), la vertu étant considérée comme l’excellence individuelle. Il dit un peu plus loin qu’elle semble consister dans « le fait de partager les honneurs suivant la vertu » (partager les magistratures, les charges, selon la vertu). Aristote semble penser que l’aristocratie « vraie » serait un régime dans lequel l’association politique serait excellente car menée par des citoyens excellents en tant qu’individus, sans pour autant penser qu’elle puisse exister.

Entre autres exemples dans la philosophie moderne, Hobbes (1588 – 1679) définit l’aristocratie comme un régime (commonwealth) dans lequel le souverain est une communauté représentant une partie de la population uniquement (« when an Assembly of a Part onely, then it is called an ARISTOCRACY » Leviathan, XIX). Montesquieu (1689 – 1755) le suit est considère qu’il y aristocratie quand « la souveraine puissance est entre les mains d’un certain nombre de personnes » (De l’esprit des lois, II, 3). Ces quelques personnes, les nobles, font les lois et les font exécuter, et le reste du peuple est sujet de ces lois, comme le serait l’ensemble du peuple à l’égard d’un monarque. Les nobles assemblés vivent une démocratie, tandis que le peuple n’est rien, il est dans l’anéantissement politique (il ne prend aucune part à la souveraineté). Rousseau (1712 – 1778) distingue quant à lui dans Du contrat social (III, 5) trois sortes d’aristocratie : la naturelle, qui ne convient qu’aux peuples simples, l’élective, l’aristocratie proprement dite, et l’héréditaire, « le pire de tous les gouvernements ». L’élection a à ses yeux l’avantage de permettre l’arrivée au pouvoir de meilleurs magistrats (ceux que l’on nommerait aujourd’hui représentants), qui sont en petit nombre et qui peuvent facilement discuter en assemblées.

En un mot, c’est l’ordre le meilleur et le plus naturel que les plus sages gouvernent la multitude, quand on est sûr qu’ils la gouverneront pour son profit et non pour le leur ; il ne faut point multiplier en vain les ressorts, ni faire avec vingt mille hommes ce que cent hommes choisis peuvent faire encore mieux

Au-delà de ces analyses, le terme « aristocratie » renvoie en France à un groupe historiquement déterminé, la noblesse, et plus spécifiquement la noblesse d’Ancien Régime, c’est-à-dire celle formée avant la Révolution de 1789 (et, parmi elle, la noblesse la plus ancienne). La noblesse constituait un ordre social, relativement hermétique (on pouvait en effet être anobli), constitué, à l’origine par ceux à qui il appartenait d’exercer le métier des armes et certaines charges de haut rang, dans le clergé notamment, en échange de privilèges, dont la liste a été mouvante, mais dont les plus symboliques étaient l’exemption du paiement de certains impôts (comme la taille), ou le droit de chasse. Au-delà des titres, être noble, c’est-à-dire un « gentilhomme », c’était vivre noblement, ce qui consistait avant tout à ne pas travailler. Si la noblesse ne dominait pas sans conteste l’État royal, qui faisait aussi appel à des roturiers, sa surreprésentation dans les élites a fait que le terme « aristocrates » servait à désigner la noblesse, surtout à la veille de la Révolution :

Aujourd’hui le tiers est tout, la noblesse est un mot. Mais sous ce mot s’est glissée une nouvelle et intolérable aristocratie ; et le peuple a toute raison de ne point vouloir d’aristocrates.

Sieyès, Qu’est-ce que le Tiers État ?

Il y a existé en Europe des États dont on pouvait dire qu’ils étaient plus strictement dominé par une aristocratie, comme la République de Venise, qui avait à sa tête des patriciens (des familles nobles), qui avaient la charge d’élire à partir de leurs rangs un dirigeant à vie, le doge.

Aujourd’hui, l’emploi du terme, en dehors du cadre de l’étude de l’histoire, est plutôt rare, même métaphoriquement (on parle par exemple assez peu d’ « aristocratie de l’esprit »). On parle plutôt « des élites » ou du « système ».