1.1 analyse approfondie : “L’albatros” de Baudelaire
texte complet :
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait.Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
analyse détaillée des figures de style :
métaphores développées :
- “vastes oiseaux des mers” → métaphore simple désignant les albatros
- “rois de l’azur” → métaphore noble pour les albatros maîtres du ciel
- “prince des nuées” → métaphore royale pour désigner le poète
- “ses ailes de géant” → métaphore du génie poétique
allégorie centrale :
Tout le poème est une allégorie de la condition du poète dans la société. L’albatros représente le poète : majestueux dans son élément (le ciel/l’art) mais ridicule dans le monde prosaïque (le pont/la société).
antithèses et contrastes :
- “maladroits et honteux” vs “rois de l’azur” → chute de la noblesse
- “naguère si beau” vs “comique et laid” → transformation cruelle
- “prince des nuées” vs “exilé sur le sol” → opposition vertical/horizontal
comparaisons explicites :
- “Comme des avirons” → comparaison dégradante des ailes nobles
- “Le Poète est semblable au prince des nuées” → comparaison-révélation finale
personnifications :
- “Le navire glissant” → le navire devient acteur
- “gouffres amers” → la mer exprime un sentiment
- “qui hante la tempête” → la tempête devient lieu habitable
1.2 analyse approfondie : “Demain dès l’aube” de Victor Hugo
texte complet :
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
Les yeux fixés sur mes pas, sans rien voir en chemin,
Ni l’or du soir qui tombe ni la voile au lointain,J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Houx vert et bruyère en fleur.
analyse détaillée des figures de style :
périphrase et métonymie :
- “à l’heure où blanchit la campagne” → périphrase poétique pour “à l’aube”
- “l’or du soir” → métonymie pour les rayons dorés du soleil couchant
- “la voile au lointain” → métonymie pour le navire (la voile pour le tout)
anaphores et parallélismes :
- “J’irai… j’irai” → anaphore exprimant la détermination
- “Je ne…” → répétition de la négation (obsession du deuil)
- “Sans rien voir… sans entendre” → parallélisme des sens fermés
gradation descendante :
“Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste” → gradation physique et morale vers l’accablement
comparaison frappante :
“le jour pour moi sera comme la nuit” → comparaison exprimant l’aveuglement de la douleur
chute révélatrice :
La révélation finale “ta tombe” transforme rétrospectivement tout le poème : ce n’est pas un voyage d’amour mais de deuil.
1.3 analyse approfondie : “Le dormeur du val” de Rimbaud
texte complet :
C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme
Nature, berce-le chaudement : il a froid.Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Tranquille, il a deux trous rouges au côté droit.
analyse détaillée des figures de style :
métaphores de la nature :
- “trou de verdure” → métaphore familière pour le vallon
- “haillons d’argent” → métaphore précieuse pour les reflets de l’eau
- “qui mousse de rayons” → métaphore de l’effervescence lumineuse
- “son lit vert” → métaphore euphémisante pour le sol
personnifications apaisantes :
- “où chante une rivière” → la rivière devient musicienne
- “la montagne fière” → orgueil attribué au relief
- “la lumière pleut” → la lumière devient averse bienfaisante
euphémismes trompeurs :
- “dort” → euphémisme pour la mort (répété 3 fois)
- “fait un somme” → expression familière pour dramatiser le contraste
- “il a froid” → litote tragique
comparaison pathétique :
“Souriant comme sourirait un enfant malade” → comparaison qui renforce l’innocence et la vulnérabilité
apostrophe lyrique :
“Nature, berce-le chaudement” → appel maternel à la nature
révélation finale :
“deux trous rouges au côté droit” → euphémisme saisissant pour les blessures mortelles
1.4 exercices d’analyse de figures de style
exercice 1 : identification dans “Spleen” de Baudelaire
“Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis”
figures identifiées :
- comparaison : “pèse comme un couvercle” (oppression météorologique = oppression morale)
- personnification : “l’esprit gémissant” (l’esprit humain exprime sa souffrance)
- métaphore : “en proie aux longs ennuis” (ennuis = prédateurs)
- allitération : “ciel… couvercle” (répétition du son [k])
exercice 2 : analyse de “Chanson d’automne” de Verlaine
“Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.”
figures identifiées :
- métaphore filée : “sanglots… des violons” (sons = pleurs humains)
- personnification : “violons… de l’automne” (saison musicienne)
- métaphore : “blessent mon cœur” (émotion = blessure physique)
- allitération : “langueur… monotone” (répétition nasales [ɑ̃], [ɔ̃])
- rythme : vers courts imitant les sanglots