Pourquoi les escargots étaient-ils représentés comme des guerriers au Moyen Âge ?

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Au détour d’un feuillet médiéval, l’œil est souvent attiré par ces drôles de créatures : des escargots en armure affrontant vaillants chevaliers. Cette surprenante iconographie, surtout présente dans les marges des manuscrits enluminés de la fin du XIIIᵉ siècle, questionne : pourquoi un mollusque, symbole de lenteur, se mue-t-il en adversaire redoutable ?

Une drôle de mode

Dans les ateliers de copistes, une fois le texte sacré achevé, les marges blanches s’animaient d’illustrations fantaisistes. À cette époque, exit le dragon cracheur de feu : place aux escargots guerriers. On en dénombre près de soixante-dix exemplaires dans une trentaine de manuscrits achevés entre 1290 et 1310, d’après les collections de la British Library. J’ai moi-même admiré l’un d’eux lors d’une visite à la Bibliothèque nationale de France : le chevalier, armure étincelante, lève sa lance face à un escargot dont la coquille est stylisée presque comme un bouclier — un contraste à la fois burlesque et fascinant.

Clin d’œil aux Lombards ?

Plusieurs pistes d’interprétation se dessinent. Pour Marian Bleeke, professeure d’art médiéval à l’université de Chicago, le duel escargot-chevalier symbolise un monde inversé, où les hiérarchies sociales vacillent et où le faible se rebelle contre le puissant (University of Chicago, Département des arts du Moyen Âge). Cette inversion pourrait renvoyer à la résurrection : la victoire de l’improbable, du renouveau.

Une autre hypothèse évoque un commentaire plus politique : le chevalier lâche qui affronte un adversaire insignifiant renvoie au stéréotype du guerrier sans honneur, parfois attribué aux Lombards, ces anciens rois d’Italie au VIIIᵉ siècle. Les moines scribes, souvent critiques envers les puissants, auraient ainsi fustigé la lâcheté des élites par ces escarmouches coquillées, glissant dans les marges un message à peine voilé.