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Chleuasme : définiton, éthymologie, exemples, synonymes, contraires et traductions
Chleuasme

Publié le 04/12/2025
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Qu’est-ce que le chleuasme en rhétorique française ?

Le chleuasme désigne une figure de style rhétorique par laquelle une personne se déprécie volontairement dans l’intention cachée de susciter une réaction favorable. Vous utilisez probablement cette technique sans le savoir lorsque vous minimisez vos compétences avant une présentation importante. Cette autodépréciation stratégique vise à gagner la sympathie de votre auditoire ou à provoquer des compliments rassurants.

Cette figure appartient à la famille des procédés d’antiphrase. Elle transforme la fausse modestie en véritable outil de persuasion. Le chleuasme fonctionne sur un paradoxe simple : en vous rabaissant publiquement, vous espérez que vos interlocuteurs vous élèvent dans leur estime.

Ce qu’il faut retenir

  • Le chleuasme est une autodépréciation volontaire visant à susciter des compliments

  • Cette figure rhétorique provient du grec ancien signifiant ironie ou moquerie

  • Le chleuasme s’oppose à la vantardise et à l’éloge hyperbolique direct

  • Omniprésent sur les réseaux sociaux pour provoquer des réactions rassurantes

  • L’usage répétitif produit un effet de lassitude et nuit à la crédibilité

Origine et étymologie du terme

Le mot chleuasme provient directement du grec ancien χλευασμός (khleuasmós). Ce terme grec signifiait originellement ironie, moquerie ou sarcasme. Les rhéteurs grecs, notamment Démosthène, employaient déjà ce concept dans leurs traités de rhétorique antique. La racine verbale χλευάζω (khlevâzo) désignait l’action de railler, chahuter ou ironiser publiquement.

Cette figure traversa les siècles pour enrichir la rhétorique française. Elle conserva son essence manipulatrice tout en s’adaptant aux conventions sociales occidentales. Les traités de rhétorique française du XVIe siècle, comme celui d’Antoine Fouquelin, formalisèrent son usage dans notre langue. Le terme resta néanmoins assez technique, réservé aux spécialistes de la stylistique.

Comment reconnaître un chleuasme dans le discours ?

Les caractéristiques essentielles

Vous identifierez un chleuasme à trois éléments distincts. Premièrement, la présence d’une autodépréciation explicite. Deuxièmement, une intention cachée de manipulation bienveillante. Troisièmement, l’attente d’une réaction contradictoire de l’auditoire. Ces trois composantes doivent coexister simultanément pour qualifier authentiquement un chleuasme.

La tonalité employée joue un rôle déterminant dans l’efficacité du procédé. Une autodépréciation trop exagérée tombe dans l’hyperchleuasme et perd sa crédibilité. Une dépréciation trop subtile passe inaperçue et manque son objectif persuasif. L’équilibre reste donc primordial dans l’exécution de cette figure.

Exemples authentiques et originaux

✅ Je n’ai aucune compétence particulière sur ce dossier complexe, je vais simplement vous présenter quelques réflexions personnelles. (forme correcte)

Dans cet exemple, le locuteur maîtrise parfaitement son sujet mais feint l’incompétence. Cette stratégie vise à désarmer les critiques potentielles et à valoriser implicitement son expertise réelle. L’auditoire pensera naturellement que si une personne « incompétente » produit une analyse brillante, celle-ci doit être véritablement talentueuse.

✅ Mon travail sur ce projet n’est qu’une modeste contribution comparée aux véritables experts présents dans cette salle. (forme correcte)

Voltaire maîtrisait parfaitement cette figure dans son œuvre. Dans Candide, il écrit cette phrase ironique qui illustre magistralement le chleuasme littéraire :

Candide qui tremblait comme un philosophe.

L’association paradoxale entre la peur et la philosophie crée un effet comique tout en dévalorisant faussement le personnage. Cette dépréciation apparente cache une critique sociale plus profonde sur la condition humaine face à l’adversité.

⛔ Je reconnais honnêtement mes limites professionnelles sans arrière-pensée particulière. (forme incorrecte)

Cette phrase constitue une simple déclaration d’humilité sincère. Elle ne remplit pas les critères du chleuasme car l’intention manipulatrice fait défaut. La transparence affichée annule la dimension stratégique nécessaire à cette figure rhétorique.

Synonymes et termes apparentés

Le vocabulaire rhétorique français propose plusieurs termes équivalents au chleuasme. L’autocatégorème représente son synonyme absolu le plus reconnu dans les traités classiques. Ce terme grec composé d’autos (le même) et katêgoria (accusation) désigne exactement le même procédé d’autodépréciation stratégique.

La prospoièse constitue un autre synonyme parfait du chleuasme. Ces trois termes s’utilisent indifféremment dans les analyses stylistiques académiques. Les différences entre eux relèvent davantage de traditions terminologiques régionales que de nuances sémantiques réelles. Certains rhétoriciens préfèrent l’un ou l’autre selon leur formation universitaire spécifique.

L’hyperchleuasme forme une variante intensifiée du chleuasme classique. Dans cette figure dérivée, l’autodépréciation devient si exagérée qu’elle révèle involontairement une vérité cachée. L’auditoire prend alors au pied de la lettre ce qui devait sembler faussement modeste.

Antonymes et figures opposées

Le chleuasme s’oppose diamétralement à plusieurs figures rhétoriques valorisantes. La vantardise directe représente son contraire le plus évident. Là où le chleuasme cherche l’éloge par la dépréciation, la vantardise proclame ouvertement ses mérites sans détour stratégique.

L’éloge hyperbolique constitue également un antonyme fonctionnel du chleuasme. Cette figure amplifie exagérément les qualités d’une personne ou d’une chose. Elle fonctionne sur une dynamique inverse : l’exagération valorisante plutôt que la minimisation calculée. Les deux procédés manipulent néanmoins la perception de l’auditoire selon des stratégies opposées.

La sincérité brute sans artifice rhétorique forme l’antithèse philosophique du chleuasme. Certains courants de pensée rejettent toute forme de manipulation discursive, même bienveillante. Cette position éthique considère le chleuasme comme une forme de malhonnêteté conversationnelle, aussi subtile soit-elle dans ses intentions persuasives.

Traductions dans les langues étrangères

Langue Traduction Prononciation approximative
Anglais mock-modesty ou false modesty mok-modesti
Allemand Koketterie mit Bescheidenheit kokètri mit béchaïdènhaït
Espagnol falsa modestia retórica falsa modéstia rétórika
Italien falsa modestia falsa modéstia
Grec moderne χλευασμός (conservation du terme antique) khlèvasmós

Les langues anglo-saxonnes privilégient des expressions descriptives plutôt qu’un terme technique unique. L’anglais emploie couramment mock-modesty ou fishing for compliments dans le registre familier. Ces périphrases explicitent la stratégie manipulatrice sans recourir au vocabulaire rhétorique savant d’origine grecque.

Les langues germaniques adoptent généralement des constructions composées pour traduire ce concept. L’allemand combine souvent les notions de coquetterie et de modestie pour restituer la dimension stratégique du procédé. Cette approche linguistique reflète une tradition rhétorique moins latinisée que celle du français académique.

Utilisations pratiques dans la communication moderne

Le chleuasme reste omniprésent dans les interactions sociales contemporaines. Vous le rencontrez quotidiennement sans forcément identifier son mécanisme rhétorique sous-jacent. Les entretiens d’embauche constituent un terrain privilégié pour cette figure : minimiser stratégiquement une compétence permet d’évaluer les attentes de votre interlocuteur.

Les réseaux sociaux ont démultiplié l’usage du chleuasme dans les communications numériques. Une personne publiant une photo flatteuse avec la légende suivante pratique un chleuasme digital typique :

Désolée pour cette photo horrible prise sur le vif, je n’avais vraiment pas prévu d’être photographiée aujourd’hui.

Cette stratégie discursive vise évidemment à récolter des commentaires rassurants sur l’apparence physique. Le mécanisme psychologique exploite notre tendance naturelle à contredire une autodépréciation manifestement exagérée. Les algorithmes des plateformes sociales favorisent d’ailleurs ces publications génératrices d’interactions nombreuses.

Le monde politique utilise abondamment le chleuasme lors des campagnes électorales. Un candidat affirmant ses doutes sur sa légitimité avant une élection cherche paradoxalement à renforcer son image d’authenticité. Cette vulnérabilité affichée contraste avec l’arrogance perçue des adversaires politiques traditionnels.

Questions fréquemment posées sur le chleuasme

Le chleuasme est-il considéré comme de la manipulation ?

Le chleuasme constitue effectivement une forme de manipulation rhétorique, mais généralement bienveillante dans ses intentions. Cette technique persuasive exploite les mécanismes psychologiques de politesse sociale qui poussent naturellement à contredire une autodépréciation excessive. La dimension éthique dépend largement du contexte d’utilisation et des véritables intentions du locuteur envers son auditoire.

Peut-on confondre chleuasme et véritable manque de confiance ?

La distinction entre chleuasme stratégique et insécurité authentique repose sur l’intentionnalité cachée. Une personne véritablement peu confiante exprime ses doutes sans attendre de contradiction flatteuse. Le chleuasme implique au contraire une conscience de sa valeur réelle et une attente précise de réaction positive de l’entourage immédiat.

Comment réagir face à un chleuasme évident ?

Plusieurs stratégies conversationnelles s’offrent à vous selon le contexte relationnel. Vous pouvez jouer le jeu attendu en rassurant chaleureusement votre interlocuteur. Vous pouvez également déjouer la stratégie en acquiesçant ironiquement à l’autodépréciation formulée. Cette seconde option crée souvent un malaise temporaire mais révèle la nature manipulatrice du procédé employé.

Le chleuasme fonctionne-t-il dans toutes les cultures ?

L’efficacité du chleuasme varie considérablement selon les codes culturels de politesse sociale. Les cultures méditerranéennes et anglo-saxonnes y réagissent généralement positivement. Certaines cultures asiatiques privilégient une modestie sincère qui rend le chleuasme stratégique contre-productif. La dimension universelle de cette figure reste donc relative aux normes conversationnelles locales spécifiques.

Existe-t-il des risques à utiliser trop fréquemment le chleuasme ?

L’usage répétitif du chleuasme produit rapidement un effet de lassitude chez votre entourage. Vos interlocuteurs identifient progressivement le pattern manipulatoire et cessent d’y répondre favorablement. Cette saturation rhétorique nuit gravement à votre crédibilité communicationnelle globale. La parcimonie reste donc essentielle dans le déploiement stratégique de cette figure pour préserver son efficacité persuasive ponctuelle.

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