L’expression orale représente aujourd’hui un défi majeur pour près d’un jeune Français sur deux. Selon la récente enquête OpinionWay pour Eloquentia, 49% des jeunes éprouvent des difficultés significatives à prendre la parole en public. Un phénomène qui mérite une analyse approfondie de ses causes structurelles.
L’impact du numérique sur la communication verbale
La communication numérique a profondément transformé nos interactions sociales. Les jeunes privilégient désormais les échanges écrits via messageries instantanées et réseaux sociaux, réduisant considérablement les occasions de pratiquer l’expression orale spontanée. Cette évolution crée un paradoxe : hyperconnectés mais sous-entraînés à l’art de la conversation en face-à-face.
Les formats courts comme les stories ou les vidéos TikTok contribuent également à fragmenter l’expression et à réduire la capacité d’argumentation structurée sur la durée, essentielle dans un contexte professionnel ou académique.
Un système éducatif centré sur l’écrit
L’enquête révèle que 71% des jeunes estiment que l’école ne les prépare pas suffisamment à l’expression orale. Malgré quelques réformes récentes, le système éducatif français continue de privilégier largement l’écrit dans ses méthodes d’évaluation et d’apprentissage.
Les examens restent majoritairement écrits et les occasions de présenter oralement des travaux demeurent limitées dans de nombreux établissements. Cette lacune devient particulièrement problématique lorsque les jeunes se retrouvent confrontés aux exigences du monde professionnel.
L’anxiété sociale, un obstacle majeur
Le stress lié à la prise de parole touche une proportion importante des jeunes interrogés. Plus de 60% déclarent ressentir une anxiété significative à l’idée de s’exprimer devant un groupe. Cette peur du jugement social, amplifiée par la pression de performance omniprésente sur les réseaux sociaux, crée un cercle vicieux : moins on pratique l’oral, plus l’anxiété augmente.
Des inégalités sociales qui se manifestent dans la parole
L’enquête met également en lumière une dimension sociale importante : l’aisance à l’oral est inégalement distribuée selon les milieux socio-économiques. Les codes linguistiques, la richesse du vocabulaire et la confiance en soi varient considérablement selon l’environnement familial et culturel.
Les jeunes issus de milieux défavorisés se retrouvent souvent doublement pénalisés : moins exposés aux situations d’expression formelle et moins accompagnés dans le développement de ces compétences.
Vers des solutions durables
Face à ce constat, les experts recommandent une approche holistique intégrant l’apprentissage de l’expression orale dès le plus jeune âge, la formation continue des enseignants aux techniques d’animation de débats et discussions, et la multiplication des occasions de prise de parole dans un cadre bienveillant.
L’État a aussi instauré des programmes d’aide à la jeunesse, tel que le récent projet “Prenez la parole”.
La maîtrise de l’expression orale représente aujourd’hui un enjeu d’inclusion sociale et professionnelle majeur. Développer cette compétence chez les jeunes générations constitue un défi collectif pour l’éducation nationale, les familles et la société dans son ensemble.