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La guerre de Sept Ans (1756 – 1763)

Publié le 31/05/2017
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📋 Sommaire

⏳ Temps de lecture : 15 minutes

De 1756 Ă  1763, la Guerre de sept ans a embrasĂ© l’Europe, l’AmĂ©rique du Nord et le sous-continent indien. Ce conflit opposa deux blocs :

  • Le premier Ă©tait composĂ© de la France, l’Autriche, la SuĂšde, la Russie et plus tard l’Espagne.
  • Le deuxiĂšme de la Prusse alliĂ©e Ă  la Grande-Bretagne.

Toutes les grandes puissances europĂ©ennes de l’époque Ă©taient ainsi engagĂ©es dans cette guerre. Chacun de ces pays avait ses propres objectifs, parfois sans aucun lien avec ceux de ses alliĂ©s, ce qui donna Ă  la guerre de Sept Ans son caractĂšre complexe. Cette guerre se termina sur un statu quo territorial en Europe mais accoucha d’un nouveau rapport de force entre ses États, consacrant la montĂ©e en puissance de l’Angleterre et l’entrĂ©e en scĂšne de la Russie Ă  l’Est du continent, de mĂȘme qu’un affaiblissement relatif de la France jusqu’alors considĂ©rĂ©e comme la premiĂšre puissance du continent.

 

L’Europe avant la guerre de Sept Ans : un fragile Ă©quilibre des forces

Carte de l'Europe guerre de Cent Ans
Carte de l’Europe en 1750 | Wikimedia Commons | La guerre de Sept Ans

L’ordre europĂ©en avec la guerre de Sept Ans

L’ordre europĂ©en de 1750 repose sur un Ă©quilibre des forces entre plusieurs puissances Ă  la lĂ©gitimitĂ© variable. La France des Bourbons et l’Autriche des Habsbourg sont ainsi des puissances Ă©tablies dont le rĂŽle majeur a notamment Ă©tĂ© consacrĂ© par les traitĂ©s d’Utrecht de 1713 et de Rastatt de 1714. La premiĂšre doit faire face Ă  la montĂ©e de la Grande-Bretagne, dĂ©sormais stable politiquement et dont la forte expansion coloniale menace ses possessions en AmĂ©rique du Nord. Ă€ l’inverse, l’Espagne, appauvrie et loin de sa gloire passĂ©e, est dĂ©sormais une puissance de second rang sur le continent  malgrĂ© son vaste empire colonial et une marine efficace. Ayant perdu ses possessions italiennes et nĂ©erlandaises, elle souffre dĂ©sormais d’une position excentrĂ©e.

 

La montée en puissance de la Russie

Au cours de la premiĂšre moitiĂ© du XVIIIe siĂšcle, de nouveaux États Ă©mergent et contestent l’ordre Ă©tabli. C’est d’abord le cas de la Russie qui, grĂące Ă  sa guerre contre la SuĂšde, de 1700 Ă  1721, remplace cette derniĂšre comme principale puissance de la mer Baltique. Dans les dĂ©cennies suivantes, c’est au dĂ©triment de l’Empire Ottoman que les souverains russes poursuivent leur expansion vers le Sud.

 

La montée en puissance de la Prusse

Toutefois, c’est avant tout la montĂ©e en puissance de la Prusse, au sein de l’espace germanique, qui perturbe l’équilibre sur lequel repose la paix de l’Europe. En effet, en 1740, profitant de la succession contestĂ©e de l’empereur Charles VI par sa fille Marie ThĂ©rĂšse, FrĂ©dĂ©ric II de Prusse attaque sa voisine par surprise. À l’issue d’un conflit de huit ans, il lui arrache la riche province de SilĂ©sie bien que l’impĂ©ratrice parvienne Ă  conserver sa couronne en envahissant son rival bavarois. Un nouvel affrontement entre l’Autriche et la Prusse apparaĂźt dĂšs lors plausible, d’autant que la premiĂšre se lance dans une frĂ©nĂ©sie de rĂ©formes afin de moderniser son administration et son armĂ©e.

 

Un renversement d’alliance qui annonce la guerre de Sept Ans

La guerre de Sept Ans
Les alliances au cours de la guerre de Sept Ans. En bleu, Grande-Bretagne, Prusse et Portugal. En vert, France, Autriche, Espagne et Russie | Wikimedia Commons | La guerre de Sept Ans

Une alliance Autriche – Angleterre fragilisĂ©e

Au cours de cette la guerre de succession d’Autriche (1740-1748), la France avait combattu avec la Prusse tandis que l’Autriche avait bĂ©nĂ©ficiĂ© de l’aide de la Grande-Bretagne. Cette derniĂšre alliance reste toutefois fragile. En effet, les Britanniques ne sont intervenus que tardivement pour Ă©viter une victoire française en Allemagne, d’autant que le Hanovre, dont l’électeur Ă©tait aussi le roi d’Angleterre, pouvait ĂȘtre menacĂ©. En outre, Marie-ThĂ©rĂšse leur reproche de ne lui avoir apportĂ© qu’un soutien tiĂšde. Dans le mĂȘme temps, la France n’a plus guĂšre de contentieux avec la maison de Habsbourg, ce qui ouvre la voie Ă  une alliance entre les deux principales puissances catholiques du continent.

 

Vers le renversement d’alliance 

C’est le trĂšs francophile chancelier Wenzel von Kaunitz, l’ambassadeur autrichien Ă  Paris Starhemberg et le cardinal de Bernis qui opĂšrent ce rapprochement qui ne peut qu’inquiĂ©ter la Prusse. Celle-ci doit alors se mettre en quĂȘte de nouveaux alliĂ©s et se tourne naturellement vers l’Angleterre, principale rivale de la France et pays protestant dont le roi Georges II est l’oncle de FrĂ©dĂ©ric II. Les conditions sont alors rĂ©unies pour un retournement d’alliance, bien que celui-ci soit vu avec rĂ©ticences par de nombreux membres des cours de Vienne et Versailles.

 

Le renversement définitif

Les Ă©vĂ©nements s’accĂ©lĂšrent en 1756. En janvier, la Prusse et la Grande-Bretagne signent un accord. En mai, c’est au tour de la France et de l’Autriche d’officialiser leur alliance par le traitĂ© de Versailles. DĂ©sormais, les deux plus puissantes familles d’Europe entendent agir de concert, mĂȘme si l’accord qu’elles signent reste, pour l’heure, purement dĂ©fensif.

 

 

Le début de la guerre de Sept Ans

 

L’offensive prussienne

Le roi de Prusse n’a guĂšre de doute sur les intentions belliqueuses de l’Autriche, qui seules justifient son alliance avec la France. FrĂ©dĂ©ric II, sachant ses ressources limitĂ©es, opte pour une stratĂ©gie agressive visant Ă  rapidement envahir la BohĂȘme et au-delĂ , l’Autriche. Pour cela, il estime toutefois avoir besoin de neutraliser la Saxe, qui pourrait menacer son flanc durant son offensive contre les Habsbourg. Surtout, les ressources de cette rĂ©gion, l’une des plus riches d’Allemagne, doivent lui permettre de soutenir un conflit majeur contre l’alliance franco-autrichienne. L’armĂ©e prussienne prend dĂšs lors les devants. À la fin de l’étĂ© 1756, elle envahit la Saxe qui est incapable de lui rĂ©sister longtemps. Une armĂ©e autrichienne, dirigĂ©e par Browne, tente de secourir les Saxons mais elle est battue Ă  la bataille de Lobositz le 1er octobre. Toutefois, l’affrontement est indĂ©cis et les pertes prussiennes y sont lourdes. FrĂ©dĂ©ric II pressent dĂšs cet instant que le nouveau conflit sera bien plus difficile que la guerre de succession d’Autriche.

 

Le début du conflit franco-anglais en Europe

Au mĂȘme moment, de l’autre cĂŽtĂ© de l’Atlantique, la Grande-Bretagne et la France se disputent la domination de l’AmĂ©rique du Nord, oĂč les combats, en rĂ©alitĂ©, ont commencĂ© dĂšs 1754. Le dĂ©but de la guerre de Sept Ans a pour effet de les lier au conflit en Europe. La stratĂ©gie de Louis XV, en effet, est d’y obtenir des gains territoriaux en profitant de la supĂ©rioritĂ© numĂ©rique de son armĂ©e, alors que la suprĂ©matie navale britannique rend difficile l’approvisionnement du Canada. Les territoires occupĂ©s pourraient ensuite ĂȘtre Ă©changĂ©s contre des colonies. La France cherche en particulier Ă  occuper le Hanovre. En 1757, l’armĂ©e française, aprĂšs la victoire de Hastenbeck, parvient Ă  imposer ses propres conditions au Hanovre, au Hesse et au Brunswick avec la convention de Klosterzeven. Toutefois, l’Angleterre refuse de ratifier ce traitĂ©, qui ne sera jamais appliquĂ©, et la guerre se poursuit donc.

 

L’enlisement de la guerre de Sept Ans en Europe orientale

guerre de cent ans frederic II
Représentation de Frédéric II, martial et triomphant, à la bataille de Zorndorf, Carl Röchling | Wikimedia Commons | La guerre de Sept Ans

Panique en Prusse

La Prusse doit attendre 1757 pour reprendre l’offensive, dirigĂ©e cette fois-ci contre les territoires des Habsbourg. FrĂ©dĂ©ric II vise en particulier la capitale de la BohĂȘme, Prague. Il assiĂšge la ville mais doit ensuite faire face Ă  une contre-attaque dirigĂ©e par le marĂ©chal autrichien Daun qui l’oblige Ă  accepter une bataille rangĂ©e. Contre toute attente, la bataille de Kolin, en juin 1757 se conclut par une nette victoire autrichienne et met fin Ă  la rĂ©putation d’invincibilitĂ© de la Prusse. DĂ©fait, le roi FrĂ©dĂ©ric doit se replier mais il n’est pas poursuivi par l’armĂ©e autrichienne du fait d’une prudence sans doute excessive de Daun.

Au mĂȘme moment, la Russie entre en guerre contre la Prusse, occupe la ville de Memel et bouscule un corps prussien Ă  la bataille de Gross-JĂ€gersdorf. Elle ne peut ensuite assiĂ©ger Könisberg et doit se replier et abandonner tous ses gains. Cependant, l’entrĂ©e en guerre de ce nouvel État, disposant d’une immense armĂ©e, constitue une lourde menace pour FrĂ©dĂ©ric II. En outre, profitant de son apparente faiblesse, la SuĂšde l’attaque Ă  son tour, en envoyant ses forces en PomĂ©ranie tandis que la France avance vers l’est.

 

La Prusse renverse la situation

A la fin de l’annĂ©e 1757, alors qu’il semble sur le point de perdre, le roi de Prusse renverse pourtant magistralement la situation. Le 5 novembre, il Ă©crase une armĂ©e française Ă  Rossbach, avant de battre les Autrichiens dirigĂ©s par le mĂ©diocre Charles Alexandre de Lorraine Ă  Leuthen. En utilisant ses lignes intĂ©rieures, il est parvenu Ă  rapidement dĂ©placer son armĂ©e d’un front Ă  l’autre tandis que sa tactique audacieuse de l’ordre oblique, visant Ă  percer les lignes adverses en un seul point, lui a permis de remporter des victoires sur des forces numĂ©riquement supĂ©rieures.

 

L’enlisement de la guerre de Sept Ans

En 1758, pourtant, le conflit s’enlise. Les Prussiens assiĂšgent la ville bohĂ©mienne d’OlmĂŒtz mais doivent se replier aprĂšs une dĂ©faite de l’un de leurs corps Ă  Domstadtl. En aoĂ»t, FrĂ©dĂ©ric II doit Ă  nouveau dĂ©placer son armĂ©e sur un autre front, afin de repousser les Russes qui ont occupĂ© la Prusse-Orientale au dĂ©but de l’annĂ©e. Il y parvient Ă  la bataille de Zorndorf, non sans subir de lourdes pertes. En revanche, en octobre, le roi de Prusse subit une dĂ©faite sĂ©vĂšre face aux Autrichiens de Daun Ă  Hochkirch. À la fin de l’annĂ©e, sa situation est donc loin de s’ĂȘtre amĂ©liorĂ©e. 

 

Poursuite de la guerre de Sept Ans en Amérique

guerre de sept ans bataille de carillon montcalm
La victoire des troupes de Montcalm Ă  Carillon, Henry Alexander Ogden | Wikimedia Commons | La guerre de Sept Ans

Accalmie en Allemagne

AprĂšs Rossbach, l’armĂ©e française ne se bat plus contre la Prusse, mais se contente d’attaquer les forces hanovriennes, renforcĂ©es par un contingent britannique et des troupes prussiennes, en Allemagne de l’Ouest. Elle n’obtient toutefois que peu de succĂšs et est battue par Ferdinand de Brunswick-LĂŒnebourg Ă  Krefeld en juin 1758. Les Français parviennent cependant Ă  conserver des positions sur le Rhin.

 

Les victoires du marquis de Montcalm en Amérique

La situation en AmĂ©rique du Nord paraĂźt nettement plus prometteuse pour le royaume des Bourbons malgrĂ© son infĂ©rioritĂ© numĂ©rique face Ă  l’ennemi britannique. En 1756, l’armĂ©e française, dirigĂ©e par le marquis de Montcalm, anĂ©antit un corps britannique commandĂ© par le gĂ©nĂ©ral Braddock. L’annĂ©e suivante, il dĂ©clenche une offensive et prend le fort William-Henry, qui semble lui ouvrir la porte d’Albany (aujourd’hui situĂ©e dans l’État de New York). S’il ne peut lancer d’offensive faute d’hommes, Montcalm remporte un nouveau succĂšs en 1758 Ă  la bataille de fort Carillon oĂč il parvient Ă  repousser une armĂ©e anglaise cinq fois supĂ©rieure en nombre.

 

Un changement du rapport de force

Toutefois, l’avenir s’assombrit rapidement aprĂšs cette victoire. Le principal ministre français, le marquis de Choiseul, dĂ©cide de se concentrer sur l’Europe Ă  partir de 1758 d’autant que l’action de la Royal Navy entrave l’approvisionnement des colonies françaises d’AmĂ©rique. Au moment oĂč les Français se concentrent sur la possibilitĂ© d’une invasion de la Grande-Bretagne, dans un mouvement inverse, les Britanniques renforcent leurs propres positions en AmĂ©rique du Nord. Ce rapport de force sans cesse plus dĂ©favorable Ă  Montcalm l’empĂȘche de lancer une grande offensive contre les colonies britanniques et le contraint rapidement Ă  mener une guerre dĂ©fensive.

 

L’annĂ©e 1759, tournant de la guerre de Sept Ans

guerre de sept ans bataille des cardinaux ou baie de quiberon
Bataille des Cardinaux ou bataille de la baie de Quiberon, Richard Paton | Wikimedia Commons | La guerre de Sept Ans

Une Prusse acculée


À l’est, l’annĂ©e 1759 semble consacrer la dĂ©faite de la Prusse, de plus en plus acculĂ©e par ses adversaires. En aoĂ»t, elle subit un trĂšs lourd revers Ă  la bataille de Kunersdorf contre des Autrichiens et des Russes qui parviennent enfin Ă  coordonner leur action. En effet, l’armĂ©e qui inflige Ă  FrĂ©dĂ©ric la plus importante dĂ©faite de sa carriĂšre est constituĂ©e d’environ deux tiers de Russes et d’un tiers d’Autrichiens, et c’est le contingent de l’Empire Habsbourg, dirigĂ© par l’agressif Ernst von Laudon, qui procĂšde Ă  la manƓuvre dĂ©cisive entraĂźnant la dĂ©bandade prussienne.

 


mais qui résiste

L’alliance a cependant subi de lourdes pertes (environ 15 000 tuĂ©s et blessĂ©s sur 60 000 hommes au total) elle aussi et se rĂ©vĂšle incapable de poursuivre son avantage tandis que dans les jours suivant la bataille, le roi de Prusse parvient Ă  progressivement rallier ses troupes, tout en obtenant des renforts venus d’autres fronts. Si les Prussiens ne peuvent dĂ©sormais plus songer Ă  une victoire dĂ©cisive dans le conflit, ils parviennent encore Ă  tenir leur territoire. En octobre 1759, ils dĂ©fendent ainsi avec succĂšs la forteresse de Kolberg en PomĂ©ranie contre une armĂ©e russe. Ils subissent toutefois un nouveau revers important contre l’Autriche Ă  Maxen, oĂč un corps d’armĂ©e prussien d’environ 15 000 hommes est capturĂ© par les forces de Laudon.

 

L’annus mirabilis pour la Grande-Bretagne

Sur le front ouest, les Prussiens sont soulagĂ©s par les succĂšs de Ferdinand de Brunswick contre les Français. AprĂšs avoir d’abord dĂ» reculer Ă  Bergen, son armĂ©e anglo-hanovrienne remporte un succĂšs dĂ©cisif Ă  Minden le 1er aoĂ»t. Ce succĂšs Ă©carte dĂ©finitivement toute menace sur le Hanovre et il conforte l’effort de guerre britannique. 1759, de fait, est surnommĂ©e l’annus mirabilis en Grande-Bretagne. En effet, celle-ci remporte Ă©galement deux victoires dĂ©cisives sur les mers Ă  la bataille de la baie de Quiberon, qui met fin Ă  toute possibilitĂ© pour la France d’intervenir militairement dans les Ăźles britanniques, et Ă  Lagos au large du Portugal.

 

La chute du Canada français

Surtout, 1759 est l’annĂ©e de la chute du Canada français. Face Ă  une armĂ©e dĂ©sormais trĂšs supĂ©rieure en nombre, le marquis de Montcalm ne peut plus dĂ©fendre la ville de QuĂ©bec qui tombe en septembre aprĂšs un siĂšge de plusieurs mois et d’une bataille de quelques heures au cours de laquelle le gĂ©nĂ©ral français et son homologue anglais, James Wolfe, sont tous les deux tuĂ©s. Peu de temps aprĂšs cette dĂ©faite dĂ©cisive, l’armĂ©e française perd Ă©galement la bataille de Niagara tandis qu’un dernier succĂšs Ă  Sainte-Foy en 1760 ne permet pas de reprendre la capitale du Canada français. À l’automne, les Britanniques envahissent MontrĂ©al sans rĂ©sistance. Le rĂȘve amĂ©ricain des Bourbons a vĂ©cu.

 

Match nul en Europe centrale

 

Attentisme russe

AprĂšs son retrait suite Ă  la bataille de Kunersdorf en 1759, l’armĂ©e russe se montre largement passive durant deux ans, Ă  l’exception d’une nouvelle tentative manquĂ©e de prendre Kolberg en 1760. Cela permet Ă  FrĂ©dĂ©ric II de se concentrer sur l’Autriche. Son armĂ©e subit pourtant une succession de revers durant de long mois : dĂ©faite du gĂ©nĂ©ral prussien FouquĂ© Ă  Landshut en juin, siĂšge manquĂ© de Dresde en juillet et perte de Glatz en SilĂ©sie peu de temps aprĂšs.

 

Victoire prusse Ă  la bataille de Torgau

FrĂ©dĂ©ric II va pourtant retourner la situation. Le 15 aoĂ»t, il remporte une franche victoire contre Laudon Ă  Liegnitz, tandis qu’une autre armĂ©e autrichienne, dirigĂ©e par Daun, campe inexplicablement sur ses positions et ne participe pas Ă  la bataille.

En octobre 1760, le roi de Prusse doit retourner vers sa capitale, Berlin, briĂšvement occupĂ©e par un corps austro-russe dirigĂ© par les gĂ©nĂ©raux Lacy et Tottleben, mais il se remet ensuite en marche vers la Saxe oĂč il remporte la victoire de Torgau le 3 novembre sur l’armĂ©e du marĂ©chal Daun.

Cette bataille, l’une des plus sanglantes du XVIIIe siĂšcle, apparaĂźt alors comme une victoire Ă  la Pyrrhus : les Prussiens sont passĂ©s proches du dĂ©sastre et ont subi des pertes encore plus lourdes que les Autrichiens  qui se sont repliĂ©s en bon ordre. L’échec de ceux-ci, en rĂ©alitĂ©, est essentiellement dĂ» Ă  une blessure de Daun qui a dĂ©sorganisĂ© leur armĂ©e alors qu’elle Ă©tait proche de l’emporter.

 

Épuisement des forces

La bataille convainc toutefois Marie-ThĂ©rĂšse de l’impossibilitĂ© d’obtenir un succĂšs dĂ©cisif qui lui permettrait de reprendre la SilĂ©sie, sauf en cas d’intervention russe massive. En effet, Ă  la fin de l’annĂ©e 1760, les positions des deux belligĂ©rants n’ont pratiquement pas changĂ© tandis que la trĂ©sorerie autrichienne, dĂ©jĂ  mal en point, souffre d’une diminution de l’aide financiĂšre française. L’armĂ©e des Habsbourg, qui par ailleurs n’ose pas recourir Ă  la conscription, doit alors rĂ©duire la taille de ses unitĂ©s, au moment oĂč la Prusse, bien que trĂšs affaiblie, mobilise ses derniĂšres rĂ©serves.

Cette situation explique la relative inaction qui caractĂ©rise la majeure partie de l’annĂ©e 1761, au cours de laquelle les Autrichiens doivent se contenter de prendre la forteresse de Schweidnitz (SilĂ©sie) grĂące Ă  une opĂ©ration audacieuse du marĂ©chal von Laudon.

 

Offensive russe

La Russie, moins Ă©puisĂ©e par le conflit, semble alors en mesure de faire basculer le rapport de force Ă  l’avantage de son alliĂ©e. En effet, elle lance finalement une nouvelle offensive contre Kolberg en juillet 1761. Le siĂšge de la forteresse se prolonge et dure plus de cinq mois, tandis que les Russes sont considĂ©rablement gĂȘnĂ©s par l’action du gĂ©nĂ©ral Platen qui attaque leurs arriĂšres et remporte plusieurs succĂšs, notamment Ă  Göstin et Posen. Toutefois, il ne parvient pas Ă  libĂ©rer Kolberg et la garnison prussienne doit capituler le 16 dĂ©cembre. Si cette victoire doit permettre Ă  l’armĂ©e russe d’attaquer directement le Brandebourg, elle est obtenue trop tard pour qu’elle puisse le faire avant le printemps 1762.

 

De Pierre III et Catherine II

Or, la tsarine Elisabeth de Russie meurt peu de temps aprĂšs la fin du siĂšge de Kolberg. Son successeur Pierre III est un admirateur de FrĂ©dĂ©ric II. Prince d’origine allemande, il souhaite s’allier Ă  la Prusse afin d’affronter le Danemark, ce qui ne peut manquer d’alarmer Marie-ThĂ©rĂšse. Heureusement pour l’Autriche, Pierre III est dĂ©posĂ© et tuĂ© en juillet 1762 et Catherine II – pourtant elle-mĂȘme fille d’un gĂ©nĂ©ral prussien – qui lui succĂšde n’a aucunement l’intention d’honorer la nouvelle alliance de la Russie avec la Prusse. RestĂ©e largement inactive durant plusieurs annĂ©es, la SuĂšde met Ă©galement fin Ă  son intervention en Allemagne en 1762.

 

Rétablissement de la situation pour la Prusse

Ces Ă©vĂ©nements revigorent FrĂ©dĂ©ric II qui remporte la bataille de Burkersdorf (SilĂ©sie) contre le marĂ©chal Daun en juillet 1762, permettant la reprise de Schweidnitz peu de temps aprĂšs. Enfin, le 29 octobre de la mĂȘme annĂ©e, son frĂšre Henri de Prusse bat une autre armĂ©e autrichienne Ă  Freiberg en Saxe. À la fin de l’annĂ©e, la Prusse a ainsi repris presque tous les territoires qu’elle avait perdus depuis 1760 Ă  l’exception de Glatz. Elle ne peut toutefois dĂ©loger les Autrichiens du sud de la Saxe ou attaquer leur territoire.

 

Quand la guerre de Sept Ans devient un calvaire pour la France

 

Une armĂ©e française inefficace 

Si, en 1760 et 1761, la Prusse lutte pour sa survie en tant que puissance, elle peut toutefois compter sur une action efficace de ses alliĂ©s britannique et hanovrien qui tiennent en Ă©chec une armĂ©e française dĂ©cidĂ©ment inefficace et l’empĂȘche d’opĂ©rer la moindre jonction avec l’Autriche. Ferdinand de Brunswick continue en effet de remporter des victoires. Le 31 juillet 1760, il bat les Français Ă  Warburg. Avec le soutien d’un corps prussien, il rĂ©cidive Ă  Langensalza le 15 fĂ©vrier 1761 avant d’avancer sur Cassel. S’il ne peut alors prendre la ville, le duc de Brunswick remporte une victoire dĂ©cisive sur les armĂ©es des ducs de Soubise et de Broglie Ă  Vellinghausen en Westphalie. Cette terrible dĂ©faite met dĂ©finitivement fin aux espoirs français d’obtenir un succĂšs sur le front allemand et, Ă  la fin de l’annĂ©e 1762, Cassel finit Ă©galement par tomber.

 

La France battue en Inde

À plusieurs milliers de kilomĂštres du continent europĂ©en, en Asie, la France est Ă©galement battue en Inde. Elle perd en effet la bataille de Wandiwash en 1760 et la ville de PondichĂ©ry en 1761 ainsi que toutes ses autres possessions indiennes. Il faut alors noter que sur ce front trĂšs secondaire, les forces françaises sont encore plus limitĂ©es en nombre et mal approvisionnĂ©e qu’en AmĂ©rique du Nord. Leur isolement explique largement leur incapacitĂ© Ă  s’opposer Ă  la compagnie britannique des Indes orientales disposant de davantage de ressources et du soutien de la Royal Navy.

 

Désastre au Portugal

En dĂ©sespoir de cause, le pouvoir français parvient Ă  engager son alliĂ© espagnol dans le conflit. En 1762, les forces franco-espagnoles se lancent ainsi Ă  l’assaut du Portugal mais leur offensive se termine en vĂ©ritable dĂ©sastre. En effet, elles sont anĂ©anties au bout de quelques mois par une armĂ©e anglo-portugaise commandĂ©e par un gĂ©nĂ©ral allemand, le comte de Schaumbourg-Lippe. Cette nouvelle humiliation sonne le glas de l’effort militaire français lors de la Guerre de Sept Ans.

 

La fin de la guerre de Sept Ans : nouveau rapport de forces

 

La guerre de Sept Ans, deux conflits

Le terme de  « guerre de Sept Ans » dĂ©signe en rĂ©alitĂ© deux conflits, devenus de plus en plus distincts au cours des opĂ©rations militaires. D’une part, une lutte entre la Prusse et l’alliance austro-russe (renforcĂ©e de maniĂšre accessoire par la SuĂšde) pour la suprĂ©matie en Europe centrale. D’autre part, un affrontement impitoyable Ă  l’échelle mondiale entre la France et la Grande-Bretagne, celle-ci s’appuyant largement sur les forces de l’électorat du Hanovre et ses alliĂ©s allemands en Europe.

 

En Europe centrale, une guerre de Sept Ans sans grand impact territorial

Le premier conflit de la guerre de Sept Ans se solde finalement par un match nul. En 1763, alors que des nĂ©gociations se tiennent entre les belligĂ©rants, la Prusse occupe presque tous les territoires qu’elle tenait Ă  la fin de 1756, comprenant notamment le nord de la Saxe et la SilĂ©sie Ă  l’exception de Glatz. Elle est toutefois Ă©puisĂ©e et dĂ©vastĂ©e tandis qu’en face, l’Autriche, en difficultĂ© financiĂšre, est toutefois solidement retranchĂ©e en Saxe du sud (y compris la capitale de l’État, Dresde) et en BohĂȘme. Cette situation pousse au statu quo ante bellum. Marie-ThĂ©rĂšse d’Autriche essaie un temps de conserver le contrĂŽle de Glatz mais elle n’insiste pas devant le refus prussien. Au traitĂ© d’Hubertsbourg (1763), elle n’obtient que deux concessions de la part de FrĂ©dĂ©ric II : le repli prussien de la Saxe occupĂ©e en 1756 et la promesse (finalement tenue) du roi de Prusse de voter pour son fils Joseph lors de la prochaine Ă©lection impĂ©riale.

Une victoire de la Prusse ? 

Ce conflit en Europe centrale est gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©e comme une victoire prussienne, la Prusse parvenant Ă  conserver la SilĂ©sie et Ă©tant dĂ©finitivement reconnue comme une grande puissance europĂ©enne. Le pays termine pourtant le conflit trĂšs affaibli et dĂ©vastĂ©, avec d’importantes pertes dĂ©mographiques. Cette situation, et la bonne tenue de l’armĂ©e autrichienne au cours du conflit, semble influer sur le comportement du roi FrĂ©dĂ©ric aprĂšs la guerre. Si le roi de Prusse conserve des vellĂ©itĂ©s expansionnistes, comme en atteste le partage de la Pologne en 1772, il ne se risquera plus jamais Ă  tenter une bataille rangĂ©e contre l’Autriche, ni Ă  un conflit contre la Russie.

De son cĂŽtĂ©, malgrĂ© ses difficultĂ©s Ă  partir de la fin de 1760, l’Empire Habsbourg termine la guerre en meilleur Ă©tat que son rival du Nord mais Marie-ThĂ©rĂšse prend conscience de la nĂ©cessitĂ© de poursuivre son effort de modernisation administrative et militaire qui n’a pas pleinement portĂ© ses fruits.

Si la Russie n’a rien gagnĂ© en termes de territoire, son intervention remarquĂ©e en Allemagne lui confĂšre dĂ©finitivement un statut de grande puissance europĂ©enne, que Catherine consolidera d’ailleurs considĂ©rablement.

 

La guerre de Sept Ans : l’autonomie de l’ordre est-europĂ©en

Enfin, d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, la guerre de Sept Ans consacre l’apparition d’un ordre est-europĂ©en autonome, reposant sur ces trois États qui peuvent dĂ©sormais agir sans le soutien des pays occidentaux. La premiĂšre victime de ce nouveau systĂšme diplomatique sera la Pologne Ă  partir des annĂ©es 1770.

 

À l’Ouest, victoire anglaise dĂ©cisive

Quant Ă  l’affrontement franco-anglais, il se termine par une victoire sans appel de ces derniers. Au traitĂ© de Paris, signĂ© le 10 fĂ©vrier 1763, la France perd l’ensemble de ses possessions canadiennes et cĂšde Ă©galement la Louisiane orientale (Ă  l’est du Mississipi) et plusieurs Ăźles des CaraĂŻbes Ă  la Grande-Bretagne. En rĂ©alitĂ©, dĂšs 1762, elle avait Ă©galement cĂ©dĂ© la Louisiane Ă  l’Espagne afin de l’attirer dans le conflit. Une intervention qui au demeurant s’était rĂ©vĂ©lĂ©e dĂ©sastreuse
Les Britanniques obtiennent aussi la Floride, au dĂ©triment de l’Espagne, mais rendent Ă  la France ses possessions indiennes occupĂ©es pendant la guerre.

Au-delĂ  des pertes territoriales, le prestige de la monarchie française est sĂ©rieusement atteint lors de ce conflit. Vaincue en AmĂ©rique et en Inde, son armĂ©e a Ă©galement subi une succession de dĂ©faites embarrassantes contre le Hanovre, il est vrai appuyĂ© par des troupes britanniques et parfois prussiennes, en Allemagne. Alors que l’Autriche comptait sur la France dans sa lutte contre la Prusse, elle a rapidement dĂ» se tourner vers la Russie dont l’intervention s’est rĂ©vĂ©lĂ©e plus efficace. Enfin, le traitĂ© de Paris met de facto fin Ă  l’expansion coloniale du royaume de France, au moment mĂȘme oĂč la Grande-Bretagne se lance Ă  la conquĂȘte de la majeure partie de l’Inde.

 

 

Conseils de lecture

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