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Le schéma narratif : définition et exemple

Publié le 05/03/2019 (m.à.j* le 28/12/2023)
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Le schéma narratif est un modèle qui permet de comprendre comment se déroule une intrigue. En d’autres termes, il présente les étapes de construction d’une histoire : le schéma narratif en montre les « fondations ». Le récit de nombre de contes, de nouvelles, voire de fables et de romans policiers, peut être déchiffré à l’aide du schéma narratif. C’est une aide pour comprendre une lecture. Mais attention : toutes les œuvres ne sont pas construites à l’aide d’un schéma narratif simple. Certains écrits se plaisent à mêler en effet plusieurs histoires, multiplient les digressions ou cassent le modèle de l’intrigue traditionnelle. Nous essaierons de mieux comprendre ce qu’est le schéma narratif à l’aide du conte de Charles Perrault, Cendrillon ou la Petite pantoufle de verre. 

 

La situation initiale : le début de l’histoire

L’auteur décrit le cadre de son récit (« Il était une fois ») :

  • où sommes-nous ?
  • à quelle époque ?
  • de qui allons nous parler, qui sont les personnages ?
  • que font-ils ? à quoi ressemble leur vie ?

C’est une situation d’équilibre, de normalité, de routine, bonne ou mauvaise. Les auteurs utilisent donc le plus souvent l’imparfait, temps de la description, de l’habitude, des actions longues.

Exemple de Cendrillon :

Le conte de Perrault commence par décrire la situation de Cendrillon, dont le père, faible de caractère, s’est remarié à une véritable marâtre qui la maltraite, et dont les deux filles se comportent à l’avenant.

Il était une fois un Gentilhomme qui épousa en secondes noces une femme, la plus hautaine et la plus fière qu’on eût jamais vue. Elle avait deux filles de son humeur, et qui lui ressemblaient en toutes choses. Le Mari avait de son côté une jeune fille, mais d’une douceur et d’une bonté sans exemple ; elle tenait cela de sa Mère, qui était la meilleure personne au monde. Les noces ne furent pas plus tôt faites, que la Belle-mère fit éclater sa mauvaise humeur ; elle ne put souffrir les bonnes qualités de cette jeune enfant, qui rendaient ses filles encore plus haïssables. Elle la chargea des plus viles occupations de la Maison : c’était elle qui nettoyait la vaisselle et les montées, qui frottait la chambre de Madame, et celles de Mesdemoiselles ses filles. Elle couchait tout au haut de la maison, dans un grenier, sur une méchante paillasse, pendant que ses sœurs étaient dans des chambres parquetées, où elles avaient des lits des plus à la mode, et des miroirs où elles se voyaient depuis les pieds jusqu’à la tête. La pauvre fille souffrait tout avec patience, et n’osait s’en plaindre à son père qui l’aurait grondée, parce que sa femme le gouvernait entièrement […].

 

L’élément perturbateur dans le schéma narratif

Un événement, inattendu pour le lecteur et les personnages, déclenche le début des péripéties. Un problème se présente aux personnages, qui doivent donc réagir. L’équilibre du début de l’histoire est donc rompu : la quête du ou des personnages principaux peut commencer.

Exemple de Cendrillon :

Il arriva que le fils du Roi donna un bal, et qu’il en pria toutes les personnes de qualités […]

L’élément perturbateur est le bal donné par le fils du Roi. L’annonce de l’organisation du bal est soudaine (« il arriva ») et Perrault commence à employer le passé simple (« il arriva », « il pria »). Les sœurs de Cendrillon vont se rendre au bal. Le problème est que Cendrillon aimerait elle aussi y aller, mais elle n’en pas les moyens et n’a pas d’habit. 

Enfin l’heureux jour arriva, on partit, et Cendrillon les suivit des yeux le plus longtemps qu’elle put ; lorsqu’elle ne les vit plus, elle se mit à pleurer.

 

Les péripéties ou les aventures

À cette étape du schéma narratif, l’auteur raconte les différentes actions qu’effectuent les personnages pour résoudre leur problème ou mener leur quête. L’intrigue est ainsi animée par des succès, des difficultés, des échecs ou des rebondissements. Des personnages secondaires, aux pouvoirs parfois surnaturels, peuvent alors survenir dans le récit.

Exemple de Cendrillon

La marraine, un personnage secondaire, qui n’était pas présent au début de l’histoire, apparaît, et aide Cendrillon :

Sa Marraine, qui la vit toute en pleurs, lui demande ce qu’elle avait. « Je voudrais bien…je voudrais bien… » Elle pleurait si fort qu’elle ne put achever. Sa Marraine, qui était Fée, lui dit : « Tu voudrais bien aller au Bal, n’est-ce pas ? – Hélas oui, dit Cendrillon en soupirant.- Hé bien, seras-tu bonne fille ? dit sa Marraine, je t’y ferai aller. »

Première aventure : la marraine change une citrouille que lui apporte Cendrillon en beau carrosse, des chevaux de souris, un rat en cocher, des lézards en laquais et transforme ses vilains habits en beaux vêtements. Pour compléter sa tenue, elle lui donne une paire de pantoufle de verre. Enfin, elle impose une condition : Cendrillon ne doit pas rester au bal au-delà de minuit.

Deuxième aventure : Cendrillon va au bal où elle impressionne le fils du roi et tous les convives par sa beauté. Ses sœurs ne la reconnaissent pas. Elle rentre avant minuit. Ses sœurs, une fois rentrée, content à Cendrillon la venue d’une grande princesse inconnue au bal. 

Troisième aventure : Cendrillon retourne au bal le lendemain et le prince en tombe amoureux. Cendrillon reste sans s’en rendre compte jusqu’au premier coup de minuit, elle part précipitamment et laisse dans sa fuite une pantoufle de verre que le prince ramasse.

Quatrième aventure : le prince annonce au royaume qu’il épousera celle dont le pied serait bien juste à la pantoufle.

 

La résolution ou le dénouement

Après avoir vécu plusieurs aventures, résisté à l’adversité, ou survécu plusieurs péripéties, le personnage ou les personnages principaux trouvent une solution à leur quête, ils arrivent à résoudre le problème principal.

Exemple de Cendrillon

La pantoufle de verre, essayée par toutes les filles du royaume, ne va qu’à Cendrillon :

On commença à l’essayer aux Princesses, ensuite aux Duchesses, et à toute la Cour, mais inutilement. On la porta chez les deux sœurs, qui firent tout leur possible pour faire entrer leur pied dans la pantoufle, mais elles ne purent en venir à bout. Cendrillon qui les regardait, et qui reconnut sa pantoufle, dit en riant : « Que je voie si elle ne me serait pas bonne ! » Ses soeurs se mirent à rire et à se moquer d’elle. Le Gentilhomme qui faisait l’essai de la pantoufle, ayant regardé attentivement Cendrillon, et la trouvant fort belle, dit que cela était juste, et qu’il avait ordre de l’essayer à toutes les filles. Il fit asseoir Cendrillon et approchant la pantoufle de son petit pied, vit qu’elle y entrait sans peine, et qu’elle y était juste comme de cire.

 

La situation finale : la fin de l’histoire (dernière étape du schéma narratif)

Le récit revient à une situation d’équilibre, fixe, comme l’était la situation initiale : l’histoire effectue donc un cercle. Cependant, la situation finale est souvent meilleure pour le ou les personnages principaux que la situation initiale. On peut désormais penser à l’avenir et à l’évolution des personnages. L’auteur peut terminer par une morale.

Exemple de Cendrillon

On mène Cendrillon chez le prince et ils se marient. Celle qui était donc un souillon devient princesse. Elle fait même loger ses deux sœurs au palais, et les marie à des grands seigneurs. Perrault termine son conte par deux morales.

Morale :

La beauté pour le sexe [les femmes] est un rare trésor,
De l’admirer jamais on ne se lasse ;
Mais ce qu’on nomme bonne grâce
Est sans prix, et vaut mieux encor.

C’est ce qu’à Cendrillon fit avoir sa Marraine,
En la dressant, en l’instruisant,
Tant et si bien qu’elle en fit une Reine :
(Car ainsi sur ce Conte on va moralisant.)

Belles, ce don vaut mieux que d’être bien coiffées,
Pour engager un cœur, pour en venir à bout,
La bonne grâce est le vrai don des Fées ;
Sans elle on ne peut rien, avec elle, on peut tout.

 

Autre morale :

C’est sans doute un grand avantage,
D’avoir de l’esprit, du courage,
De la naissance, du bon sens,
Et d’autres semblables talents,
Qu’on reçoit du Ciel en partage ;

Mais vous aurez beau les avoir,
Pour votre avancement ce seront choses vaines,
Si vous n’avez, pour les faire valoir,
Ou des parrains ou des marraines ;