Nicolas Boileau (1636 – 1711), figure de proue des Anciens, dont le nom est resté célèbre mais dont l’oeuvre n’est plus très lue, est peut-être le styliste par excellence de la langue française. Théoricien du classicisme, défenseur du pouvoir de la raison (même s’il ne peut être réduit à cela), il donne dans son Art poétique ses leçons pour bien écrire en français. Ce sont d’excellents préceptes si l’on veut se lancer dans une carrière d’écrivain. On y trouve ces célèbres vers :
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Un extrait drôle et magnifique, à lire, à relire et à mémoriser ! VOIR ICI : 160 classiques de la littérature française
Nicolas Boileau : « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement »

Il est
certains esprits dont les sombres pensées
Sont d’un nuage épais toujours
embarrassées ;
Le jour de la raison ne le saurait
percer.
Avant donc que d’écrire apprenez à
penser.
Selon que notre idée est plus ou
moins obscure,
L’expression la suit, ou moins nette,
ou plus pure.
Ce que l’on conçoit bien
s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire
arrivent aisément.
Surtout, qu’en vos écrits la langue
révérée
Dans vos plus grands excès
vous soit toujours sacrée.
En vain vous me frappez d’un son
mélodieux,
Si le terme est impropre, ou le tour
vicieux ;
Mon esprit n’admet pour un pompeux
barbarisme,
Ni d’un vers ampoulé l’orgueilleux
solécisme.
Sans la langue, en un mot, l’auteur
le plus divin
Est toujours, quoi qu’il fasse, un
méchant écrivain.
Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous
presse,
Et ne vous piquez point d’une
folle vitesse ;
Un style si rapide, et qui court en
rimant,
Marque moins trop d’esprit, que peu
de jugement.
J’aime mieux un ruisseau qui sur la
molle arène
Dans un pré plein de fleurs lentement
se promène,
Qu’un torrent débordé qui, d’un cours
orageux,
Roule, plein de gravier, sur un
terrain fangeux.
Hâtez-vous lentement ; et,
sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier
remettez votre ouvrage :
Polissez-le sans cesse et le
repolissez ;
Ajoutez quelquefois, et
souvent effacez.
C’est
peu qu’en un ouvrage où les fautes fourmillent,
Des traits d’esprit semés de temps en
temps pétillent.
Il faut que chaque chose y soit mise
en son lieu ;
Que le début, la fin répondent au
milieu ;
Que d’un art délicat les pièces
assorties
N’y forment qu’un seul tout de
diverses parties ;
Que jamais du sujet le discours
s’écartant
N’aille chercher trop loin quelque
mot éclatant.
Craignez-vous pour vos vers la censure publique
?
Soyez-vous à vous-même un
sévère critique.
L’ignorance toujours est prête à
s’admirer.
Faites-vous des amis prompts
à vous censurer ;
Qu’ils soient de vos écrits les
confidents sincères,
Et de tous vos défauts les zélés
adversaires.
Dépouillez devant eux l’arrogance
d’auteur ;
Mais sachez de l’ami
discerner le flatteur :
Tel vous semble applaudir, qui vous
raille et vous joue.
Aimez qu’on vous conseille et non pas
qu’on vous loue.
Un
flatteur aussitôt cherche à se récrier :
Chaque vers qu’il entend le fait
extasier.
Tout est charmant, divin : aucun mot
ne le blesse ;
Il trépigne de joie, il pleure de
tendresse ;
Il vous comble partout d’éloges
fastueux :
La vérité n’a point cet air
impétueux.
Un sage ami, toujours rigoureux,
inflexible,
Sur vos fautes jamais ne vous
laisse paisible :
Il ne pardonne point les endroits
négligés,
Il renvoie en leur lieu les vers mal
arrangés,
Il réprime des mots l’ambitieuse
emphase ;
Ici le sens le choque, et plus loin
c’est la phrase.
Votre construction semble un peu
s’obscurcir ;
Ce terme est équivoque, il le faut
éclaircir.
C’est ainsi que vous parle un ami
véritable.
Boileau, Art poétique, Chant I, v. 147-207
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