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Les Habsbourg : histoire complĂšte

Publié le 21/10/2016
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– Qui es-tu ? Qui demande Ă  entrer ici ?

– Je suis Sa MajestĂ© l’Empereur d’Autriche, Roi de Hongrie.

– Je ne le connais pas ? Qui demande Ă  entrer ici ?

– Je suis l’Empereur François-Joseph, roi apostolique de Hongrie, roi de BohĂȘme, roi de JĂ©rusalem, grand prince de Transylvanie, grand-duc de Toscane et de Cracovie, duc de Lorraine, de Salzbourg


– Je ne le connais pas. Qui demande Ă  entrer ici ?

– Je suis François-Joseph, un pauvre pĂ©cheur et j’implore la misĂ©ricorde de Dieu.

– Alors, tu peux entrer.

Ce dialogue rituel est rĂ©pĂ©tĂ© Ă  la mort de chaque souverain d’Autriche. Celui-ci est prononcĂ© Ă  Vienne le 30 novembre 1916, en pleine guerre, par le grand-maĂźtre de cour de la Hofburg et le pĂšre abbĂ© de l’Eglise des Capucins. C’est le jour des funĂ©railles de l’empereur François-Joseph (rĂšgne de 1848 Ă  1916), avant-dernier monarque rĂ©gnant de la dynastie des Habsbourg.

Son hĂ©ritier, Charles Ier (r. 1916-1918), pris dans les tourments de la PremiĂšre Guerre mondiale, ne rĂšgne mĂȘme pas deux ans. Il meurt en exil 4 ans plus tard Ă  MadĂšre, dans le dĂ©nuement total, laissant seule sa femme Zita, enceinte de leur huitiĂšme enfant. 

Triste fin pour une dynastie dont le territoires s’étendait du PĂ©rou Ă  la Hongrie aux heures de sa plus grande gloire. Pourtant, l’histoire des Habsbourg est indissociable de l’histoire de l’Europe. Qui ne connaĂźt pas aujourd’hui l’impĂ©ratrice Sissi ? D’autres noms portent la gloire des Habsbourg : Charles Quint, Philippe II et François-Joseph, bien sĂ»r.

Rien ne prĂ©disposait pour autant cette modeste maison Ă  devenir l’une des plus puissantes dynasties d’Europe. 

 

 

Les origines de la dynastie des Habsbourg entre Suisse et Alsace


habsbourg chĂąteau
Le chùteau de Habsbourg, en Suisse | Wikimédia Commons

La maison d’Autriche est originaire du sud de l’Allemagne mĂ©diĂ©vale, entre la Suisse alĂ©manique, le Bade-Wurtemberg et l’Alsace. Les Habsbourg tirent d’ailleurs leur nom d’un chĂąteau situĂ© en Suisse.

Des cĂ©lĂšbres ancĂȘtres de la dynastie, on connait surtout Gontran le Riche, un noble d’origine alsacienne du XĂšme siĂšcle ap. J.-C. Cette gĂ©nĂ©alogie apparaissait Ă  l’époque bien peu prestigieuse, en comparaison avec celle d’autres puissantes familles allemandes comme les Staufer ou les Wittelsbach


Une fois devenus empereurs, les Habsbourg tentĂšrent de se doter d’ancĂȘtres mythiques et glorieux. Ils prĂ©tendirent ainsi descendre de la gens iulia de la Rome antique, et donc de Jules CĂ©sar. Ils affirmĂšrent aussi descendre des Anicii, la famille du pape Saint GrĂ©goire le Grand (590-604), ou encore la dynastie mĂ©rovingienne.

Bien sĂ»r, rien ne permet de confirmer l’authenticitĂ© de ces prĂ©tentions. PlutĂŽt que de l’Histoire, elles relĂšvent plutĂŽt d’habiles opĂ©rations de propagande et de lĂ©gitimation de leurs prĂ©tentions futures Ă  gouverner le monde ! 

 

 

L’ascension de la famille


DĂšs le XIĂšme siĂšcle, les comtes de Habsbourg ont l’intelligence de lier leur sort Ă  celui d’une des plus grandes familles allemandes : celle des ducs de Souabe, les Hohenstaufen.

Preuve de leur engagement, les Habsbourg prĂȘtent main forte aux Hohenstaufen dans leurs nombreuses campagnes militaires en Allemagne, ou en Italie.

Ils rĂ©cupĂšrent en hĂ©ritage nombre de territoires dont les dynasties avaient Ă©tĂ© anĂ©anties par la politique des empereurs Hohenstaufen. Petit Ă  petit, les Habsbourg s’imposent comme des acteurs importants sur la scĂšne politique du Saint-Empire.

 

Le Saint-Empire romain germanique

habsbourg saint empire romain germanique

FondĂ© par Otton Ier le Grand en 962, le Saint-Empire romain germanique n’est ainsi dĂ©nommĂ© qu’au XVĂšme siĂšcle.

C’est au dĂ©part un Empire qui prĂ©tend prendre la succession de l’Empire romain. Le titre des dirigeants de ses dirigeants a variĂ© au cours des siĂšcle. Par souci de clartĂ©, on nomme en français son dirigeant empereur romain germanique ou empereur des Romains.

Jusqu’à sa mort, en 1806, le Saint-Empire ne parvint jamais Ă  constituer un État-nation comme la France ou le Royaume-Uni. C’était plutĂŽt un agrĂ©gat d’États qui jouissaient chacun de leur indĂ©pendance. À partir du 15Ăšme, les Habsbourg accaparent la dignitĂ© impĂ©riale et en fond un instrument de leur prestige et de leur influence.

 

Le rĂšgne fondateur de Rodolphe de Habsbourg

rodolphe de habsbourg
Rodolphe de Habsbourg, vue d’artiste, Ludwig Minnigerode | WikimĂ©dia Commons

L’histoire de la dynastie connaĂźt un tournant spectaculaire au XIIIĂšme siĂšcle sous le rĂšgne de Rodolphe de Habsbourg (r. 1273 – 1291).

C’est le premier membre de la famille Ă  devenir empereur des Romains en 1273.

Les princes Ă©lecteurs pensent avoir Ă©lu un souverain terne et sans envergure. S’il est alors l’un des plus puissants seigneurs d’Allemagne du sud, Rodolphe Ier fait manifestement pĂąle figure devant ses prĂ©dĂ©cesseurs Hohenstaufen, FrĂ©dĂ©ric Barberousse, Henri VI ou FrĂ©dĂ©ric II


Marchfeld habsbourg
Peinture reprĂ©sentant la rencontre entre Rodolphe Ier et Ladislas IV de Hongrie devant le cadavre d’Ottokar II de BohĂšme | WikimĂ©dia Commons

Rodolphe Ier déçoit rapidement ces espoirs et montre sa valeur. Il devient en effet le premier Habsbourg Ă  porter le titre de duc d’Autriche. L’extinction de la famille rĂ©gnante des Babenberg avait entraĂźnĂ© une pĂ©riode d’instabilitĂ© dans ce pays, au cours de laquelle de nombreux princes s’étaient disputĂ©s le prestigieux duchĂ©.

En 1278, Rodolphe s’impose dĂ©finitivement en Autriche. La mĂȘme annĂ©e, Ă  la bataille de Marchfeld, il vainc le roi de BohĂȘme Ottokar II avec l’aide du roi de Hongrie. Ce succĂšs dĂ©place Ă  l’est le centre de gravitĂ© de sa dynastie. Il jette ainsi les bases de la puissance future des Habsbourg dans les rĂ©gions danubiennes.

Rodolphe meurt nĂ©anmoins avant d’avoir pu ĂȘtre couronnĂ© Empereur par le Pape. 

 

 

Les Habsbourg Ă  la conquĂȘte de l’Europe


AccĂšs de FrĂ©dĂ©ric III Ă  l’Empire

frédéric III habsbourg

Il faut attendre 1440 pour qu’un Habsbourg devienne de nouveau empereur.  FrĂ©dĂ©ric III (r. 1457 – 1493), qui est le premier d’entre eux Ă  monter officiellement sur le trĂŽne.

Les Habsbourg monopoliseront la dignitĂ© impĂ©riale Ă  partir de ce rĂšgne – Ă  l’exception d’un bref intermĂšde au milieu du XVIIIĂšme siĂšcle – jusqu’à son abolition en 1806.

FrĂ©dĂ©ric III lui-mĂȘme n’impressionne pas. C’est un mĂ©diocre chef de guerre. Il est ainsi incapable de mater la rĂ©bellion hussite en BohĂȘme. Ses propres territoires sont mĂȘme envahis par le puissant roi de Hongrie, Matthias Corvin, au cours des annĂ©es 1480.

Il parvient malgrĂ© tout Ă  Ă©tendre ses domaines en Allemagne du sud grĂące Ă  des hĂ©ritages territoriaux. La famille acquiert le Tyrol, une rĂ©gion riche et stratĂ©gique. Sa politique matrimoniale est Ă©galement un succĂšs : il rĂ©ussit Ă  marier son fils Maximilien Ă  l’une des femmes les plus courtisĂ©es de son temps, Marie de Bourgogne, hĂ©ritiĂšre de l’une des plus puissantes familles d’Europe.

 

Maximilien et la puissance matrimoniale

maximilien habsbourg
Maximilien Ier par Albrecht DĂŒrer | WikimĂ©dia Commons

Maximilien Ier (1493 – 1519), empereur de 1493 Ă  1519, parachĂšve l’oeuvre de FrĂ©dĂ©ric III.

DĂšs 1477, il rĂ©cupĂšre le monumental hĂ©ritage bourguignon de sa femme : la Franche-ComtĂ©, la Belgique actuelle ainsi qu’une large partie des Pays-Bas. La Bourgogne est cependant annexĂ©e par la France. À 18 ans, Maximilien se retrouve Ă  la tĂȘte d’immenses territoires, riches et bien situĂ©s.

En 1490, les Hongrois se retirent de l’Autriche. AprĂšs avoir rĂ©affirmĂ© le pouvoir des Habsbourg sur ces terres, Maximilien lance une ambitieuse politique diplomatique dont le but est de contrecarrer l’action des rois de France, en Italie notamment.

Les opĂ©rations militaires n’ont que de modestes rĂ©sultats, mais Maximilien parvient Ă  dĂ©fendre son empire. Surtout, il a l’immense intelligence de se lier avec les souverains d’Espagne, Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon : en 1496, il marrie son fils Philippe le Beau avec leur fille Jeanne. En mĂȘme temps, la maison d’Autriche conserve des liens familiaux avec les souverains de BohĂȘme et de Hongrie. Cette alliance se rĂ©vĂ©lera capitale par la suite.

Maximilien famille habsbourg
L’illustration frappante de la politique matrimoniale de Maximilien. Sont reprĂ©sentĂ©s : son fils, Philippe Ier de Castille, sa femme Marie de Bourgogne, ses petit-fils Ferdinand et Charles Quint, et Louis II de Hongrie (Ă©poux de sa petite-fille Marie) | WikimĂ©dia Commons

Par une politique prudente et patiente, les Habsbourg ont petit à petit constitué un territoire étendu qui, à la fin du XVe siÚcle, leur permet de figurer au premier rang des souverains européens tout en renforçant leur emprise sur le Saint-Empire.

Contrairement Ă  une lĂ©gende tenace, ils ont souvent dĂ» guerroyer pour ce faire. Mais il reste que leurs succĂšs doivent Ă©galement beaucoup Ă  une diplomatie et une politique matrimoniale trĂšs bien menĂ©es. C’est de cette Ă©poque que date le proverbe, attribuĂ© Ă  Matthias Corvin, pour railler son voisin peu belliqueux : 

« Bella gerant alii, tu felix Austria nube Â»

«  Les autres font la guerre, toi, heureuse Autriche, tu te maries ».

 

 

Les Habsbourg Ă  la conquĂȘte du monde


Charles quint habsbourg
Charles Quint par Rubens | Wikimédia Commons

Maximilien n’aura pas le temps de rĂ©colter les fruits de sa sage politique. Son fils, Philippe le Beau (1478 – 1506), mort avant son pĂšre, non plus. C’est au fils de ce dernier, l’empereur Charles Quint (1519 – 1558), qu’il appartient finalement de rĂ©gner sur le plus grand empire europĂ©en depuis Charlemagne.

 

L’hĂ©ritage de Charles Quint

Charles quint habsbourg carte
Les possessions européennes de Charles Quint | Wikimédia Commons

Charles Quint hĂ©rite des Pays-Bas bourguignons (1506), de l’Espagne et de ses territoires italiens (1516), de l’Autriche (1519) et devient empereur du Saint-Empire (1520). Mais son pouvoir ne s’arrĂȘte pas lĂ .

Son prodigieux empire s’agrandit encore au cours du siĂšcle grĂące Ă  l’expansion coloniale de la Castille en AmĂ©rique. S’appuyant sur ces nombreux territoires, Charles Quint mĂšne toute sa vie des guerres incessantes contre ses rivaux français, François Ier et Henri II et contre l’Empire ottoman qui occupe alors tout le quart sud-est de l’Europe.

 

Les ennemis de Charles Quint

Le protestantisme

Martin Luther Habsbourg
Martin Luther par Cranach | Wikimédia Commons

En 1517, Martin Luther publie ses 95 thĂšses. Un nouvel adversaire des Habsbourg apparaĂźt : le protestantisme. Celui-ci se diffuse rapidement dans le Saint-Empire puis sur le reste du continent.

Cette nouvelle confession menace l’unitĂ© de l’Empire des Habsbourg, d’autant qu’elle sert d’instrument Ă  la volontĂ© d’indĂ©pendance de certains princes allemands. À la fin des annĂ©es 1540, le conflit s’envenime, forçant Charles Quint Ă  intervenir militairement en Allemagne afin d’y supprimer une insurrection protestante.

DĂ©sormais, la maison d’Autriche s’identifiera de plus en plus Ă  la dĂ©fense de la religion catholique en Europe.

 

Les Ottomans

Soliman le magnifique bataille mohacs habsbourg
Miniature ottomane représentant la bataille de Mohacs | Wikimédia Commons

En parallĂšle, l’expansion ottomane en Europe centrale bĂ©nĂ©ficie de maniĂšre indirecte aux Habsbourg : en effet, Ă  la bataille de Mohacs en 1526, le roi Louis II de Hongrie est tuĂ© par Soliman le Magnifique, sans laisser d’hĂ©ritier.

Le frĂšre de Charles, Ferdinand Ier (1503 – 1564), revendique les couronnes de Hongrie et de BohĂȘme et parvient Ă  l’emporter face Ă  ses rivaux en 1529.

Certes, du fait de l’avancĂ©e ottomane, la majeure partie de la Hongrie lui Ă©chappe et ne sera pas conquise avant la fin du XVIIĂšme siĂšcle. L’armĂ©e turque, redoutable machine de guerre, assiĂšge mĂȘme Vienne en 1529 et la menace Ă  nouveau en 1532 !

Toutefois, en rĂ©gnant sur la BohĂȘme, la Hongrie royale, l’Autriche et le Tyrol, Ferdinand pose les bases d’un Empire Habsbourg au centre de l’Europe, un fait majeur dans l’histoire du continent europĂ©en.

 

Charles Quint abdique, les Habsbourg se divisent

Ferdinand Ier habsbourg
Ferdinand Ier | Wikimédia Commons

En 1556 et 1558, Charles Quint, usĂ© par la goutte et des conflits qui n’en finissent pas, abdique de tous les trĂŽnes qu’il occupait alors.

Ferdinand Ier (1520 – 1564), son frĂšre, conserve les territoires autrichiens, la BohĂȘme, la SilĂ©sie et la Hongrie royale. Il devient Ă©galement empereur romain germanique.

Le fils de Charles, Philippe II d’Espagne (1527 – 1598) rĂ©cupĂšre tous les autres domaines des Habsbourg : l’Espagne et ses colonies, mais aussi l’Italie du sud, Milan, la Franche-ComtĂ© et les Pays-Bas.

DĂ©sormais, les intĂ©rĂȘts des deux branches de la maison d’Autriche divergent. Le branche allemande est notamment plus conciliante avec le protestantisme. Les Habsbourg d’Espagne sont en outre bien plus puissants que leurs cousins d’Europe centrale.

 

Philippe II : souverain le plus puissant d’Europe

Philippe II Espagne habsbourg
Philippe II d’Espagne | WikimĂ©dia Commons

Du dĂ©but de son rĂšgne en 1556 Ă  sa mort en 1598, Philippe II est le souverain le plus puissant d’Europe.

Il profite notamment des guerres de religion en France, aux Pays-Bas et en Angleterre pour se poser en champion du catholicisme sur le continent, au moment oĂč les Habsbourg d’Autriche se montrent plutĂŽt tiĂšdes en matiĂšre de religion. 

Ses armĂ©es parviennent Ă  reprendre le sud des Pays-Bas (mais pas le nord), occupent le Portugal en 1580 – Philippe ayant hĂ©ritĂ© du trĂŽne suite Ă  la mort du roi portugais – et interviennent en France Ă  plusieurs reprises pour empĂȘcher un succĂšs protestant.

Sa marine contribue puissamment Ă  la dĂ©faite de l’Empire ottoman Ă  LĂ©pante en 1571 mais elle est dĂ©faite au large de l’Angleterre en 1588 (Ă©pisode de la l’Invincible Armada). Enfin, l’empire colonial espagnol continue de s’étendre en AmĂ©rique ainsi qu’en Asie avec la colonisation des Philippines.

Bataille de Lépante Habsbourg
Fresque représentant la bataille de Lépante, Musée du Vatican | Wikimédia Commons

Si la fin de la vie de Philippe II est marquĂ©e par des revers en France ou en Angleterre, ils ne remettent guĂšre en cause la puissance hĂ©gĂ©monique de l’Espagne, crainte par l’ensemble des autres pays europĂ©ens.

Au mĂȘme moment, les Habsbourg d’Allemagne ont du mal Ă  dĂ©fendre leurs territoires face aux Ottomans. Leurs offensives pour reconquĂ©rir la Hongrie Ă©chouent. Leur pouvoir rĂ©el sur les États du Saint-Empire reste largement thĂ©orique : de nombreux princes allemands sont indĂ©pendants dans les faits.

Ferdinand et son fils, Maximilien II (1564 – 1576), font preuve de prudence. Ils mĂ©nagent volontiers les protestants et Ă©vitent soigneusement toute guerre de religion dans l’espace impĂ©rial. Cette politique prendra cependant fin au dĂ©but du XVIIĂšme siĂšcle, Ă  l’heure oĂč l’Église lance la contre-rĂ©forme catholique en Europe centrale. 

 

 

Décadence en Espagne, succÚs en Europe centrale


Au XVIIĂšme siĂšcle, la roue tourne pour les deux branches Habsbourg. Pour la branche espagnole, c’est la dĂ©cadence, pour la branche autrichienne, c’est l’ascension. 

 

La dĂ©cadence des Habsbourg d’Espagne

La guerre de Trente Ans (1618-1648) voit les Habsbourg espagnols voler au secours de leurs cousins allemands. Ce terrible conflit signe l’échec de la maison d’Autriche Ă  rĂ©tablir une autoritĂ© pleine et entiĂšre sur le Saint-Empire contre les princes protestants. Avec les traitĂ©s de Westphalie (1648), les princes allemands acquiĂšrent une pleine souverainetĂ© sous protection de la France. 

Pour les Habsbourg d’Espagne, c’est le chant du cygne. Ils sont affaiblis par leurs Ă©checs face aux Français, par l’indĂ©pendance du Portugal et par des crises Ă©conomiques Ă  rĂ©pĂ©tition qui secouent l’Espagne. Avec le traitĂ© des PyrĂ©nĂ©es de 1659, Habsbourg et CapĂ©tiens mettent fin Ă  leur conflit, mais c’est la France qui devient la puissance prĂ©pondĂ©rante sur le continent.

Charles II Habsbourg
Charles II | Wikimédia Commons

La deuxiĂšme partie du siĂšcle confirme le dĂ©clin de la branche espagnole. Charles II (1665-1700), dit l’EnsorcelĂ©, ne peut pas diriger le royaume. Fruit des nombreux mariages consanguins des Habsbourg, il est faible, chĂ©tif, attardĂ© et stĂ©rile. Une catastrophe. 

En quelques dĂ©cennies, la glorieuse monarchie espagnole devient un Etat de second rang. Elle est incapable de s’opposer aux visĂ©es hĂ©gĂ©moniques de Louis XIV. Le jeune roi s’impose alors avec fracas sur le théùtre europĂ©en avec la guerre de DĂ©volution de 1667-1668.

Plus grave encore : Charles II, stĂ©rile, n’a pas d’hĂ©ritier. Louis XIV veut placer sa famille Ă  la tĂȘte de son voisin ibĂ©rique. AprĂšs la guerre de succession d’Espagne (1701-1714), la maison d’Autriche perd dĂ©finitivement le pays, qui passe aux mains de la dynastie des Bourbons avec l’accession au trĂŽne de Philippe V.

 

L’ascension des Habsbourg d’Autriche

Siège vienne habsbourg ottoman
Le siÚge de Vienne | Wikimédia Commons

Alors que la branche espagnole finit par disparaĂźtre, la branche allemande des Habsbourg monte en puissance.

AprĂšs l’échec de la guerre de Trente ans, Ferdinand III puis son successeur, LĂ©opold Ier (1640 – 1705), mobilisent les princes du Saint-Empire pour lutter contre l’hĂ©gĂ©monie française. Fort de ce soutien, l’Autriche participe activement aux guerres de Hollande (1672-1678), de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697) et de Succession d’Espagne, sous la direction du prince EugĂšne de Savoie.

Surtout, les Autrichiens parviennent Ă  mettre fin Ă  l’expansion des Ottomans en Europe. En 1683, le siĂšge de Vienne par les Turcs Ă©choue.

S’ils ne parviennent pas Ă  conserver l’Espagne dans leur giron, les Habsbourg gagnent nĂ©anmoins de nombreux territoires en Italie ainsi que les anciens Pays-Bas espagnols.

À l’est, les victoires contre les Ottomans leur permettent d’agrandir considĂ©rablement leur territoire. De 1664 Ă  1718, ils intĂšgrent ainsi la Hongrie centrale, la Transylvanie et le nord de la Serbie (qui sera ensuite majoritairement reprise par les Turcs).

 

 

La crĂ©ation d’un État Habsbourg


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Marie-ThĂ©rĂšse d’Autriche | WikimĂ©dia Commons

Le nouvel ensemble de territoires constituĂ©s par les Habsbourg en Europe centrale prĂ©sente toutefois des fragilitĂ©s.

Elles se rĂ©vĂšlent sous le rĂšgne de Charles VI (1711-1740), mĂ©cĂšne exceptionnel, mais piĂštre politique. Des dĂ©faites Ă  rĂ©pĂ©tition lui font perdre Belgrade face aux Ottomans et le sud de l’Italie, rĂ©cupĂ©rĂ© par les Bourbons d’Espagne. Il se montre surtout incapable de rĂ©former les institutions trĂšs hĂ©tĂ©rogĂšnes de ses territoires d’Europe centrale et d’y d’établir une administration moderne.

Celle qui lui succĂšde, Marie-ThĂ©rĂšse d’Autriche (1740 – 1780), paiera cher cet affaiblissement.

 

La perte de la Silésie

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L’attaque de l’armĂ©e prussienne Ă  la bataille de Hohenfriedberg | WikimĂ©dia Commons

En 1740, coup de tonnerre ! Le jeune FrĂ©dĂ©ric II (1712 – 1786) de Prusse fait valoir ses ambitions. La Prusse envahit par surprise la SilĂ©sie, au nord de l’Empire. La nouvelle souveraine, Marie-ThĂ©rĂšse d’Autriche, n’a guĂšre de forces Ă  lui opposer sauf des armĂ©es dangereusement affaiblies. La France s’en mĂȘle. Elle intervient en Allemagne avant de pousser jusqu’en BohĂȘme, tandis que la BaviĂšre revendique la dignitĂ© impĂ©riale.

AprĂšs plusieurs annĂ©es difficiles pour les Habsbourg, la Guerre de Succession d’Autriche prend fin en 1748. Marie-ThĂ©rĂšse a perdu la SilĂ©sie, mais elle a rĂ©ussi Ă  dĂ©fendre le reste de ses territoires tout en mettant fin aux prĂ©tentions bavaroises sur l’Empire.

 

Les réformes de Kaunitz

Kaunitz en 1762 | Wikimédia Commons
Kaunitz en 1762 | Wikimédia Commons

Marie-ThĂ©rĂšse est consciente des faiblesses de sa monarchie. Elle lance avec l’aide dĂ©cisive du chancelier Wenzel von Kaunitz (1711 – 1794) une ambitieuse politique de rĂ©formes pour renforcer son armĂ©e, rationaliser l’organisation de ses ministĂšres et Ă©tablir une administration plus solide dans ses territoires.

Cette politique cimente les territoires hĂ©tĂ©rogĂšnes des Habsbourg dans un ensemble qui servira de socle Ă  un empire unifiĂ© au XIXĂšme siĂšcle. Peu Ă  peu, ces territoires deviennent une entitĂ© autonome, sĂ©parĂ© d’un Saint–Empire dĂ©sormais vidĂ© de sa substance.

Ces rĂ©formes consolident la position de l’Autriche : au cours de la guerre de Sept Ans (1756-1763), Marie-ThĂ©rĂšse fait bonne figure face Ă  la Prusse, sans parvenir cependant Ă  reprendre la SilĂ©sie.

 

L’empereur Joseph, despote Ă©clairĂ©

Joseph II habsbourg
Joseph II à Rome | Wikimédia Commons

Le fils de Marie-ThĂ©rĂšse, Joseph II (1780 – 1790), devient empereur dĂšs 1765. Il lui faut nĂ©anmoins attendre la mort de sa mĂšre en 1780 pour pouvoir pleinement appliquer son propre programme de rĂ©forme.

TrĂšs influencĂ© par les LumiĂšres, il met en Ɠuvre une politique de modernisation radicale, fondĂ© sur une centralisation administrative, une plus grande tolĂ©rance religieuse et la lutte contre l’influence de l’Eglise catholique dans la vie sociale et Ă©conomique du pays.

En 1784, Joseph II fait de l’allemand la langue administrative de son empire multinational. Parmi ses nombreuses rĂ©formes, il rĂ©duit le nombre de sĂ©minaires et supprime des congrĂ©gations religieuses. Il instaure le mariage civil, supprime les jurandes, abolit le servage. RĂ©forme audacieuse pour l’époque, il instaure un impĂŽt par tĂȘte payable par tous les propriĂ©taires, sans exception.

Toutefois, ses rĂ©formes mĂ©contentent la noblesse et de nombreux sujets attachĂ©s Ă  leurs traditions. En 1789, les Pays-Bas autrichiens (la Belgique actuelle) entrent en rĂ©volte contre leur souverain. L’agitation gagne la Hongrie. Lorsqu’il meurt en 1790, Joseph II a ainsi dĂ» abroger la plupart des mesures qu’il avait prises au cours de la dĂ©cennie prĂ©cĂ©dente.

 

 

Le temps des Habsbourg conservateurs


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Metternich | Wikimédia Commons

LĂ©opold II (1790 – 1792) fait le bilan de la parenthĂšse josĂ©phiste. Pragmatique, le nouveau monarque comprend la difficultĂ© Ă  appliquer des rĂ©formes radicales dans un ensemble aussi hĂ©tĂ©rogĂšne que l’Empire d’Autriche. Il choisit la voie d’un conservatisme mesurĂ© malgrĂ© ses propres sympathies pour les LumiĂšres.

Son fils, François Ier d’Autriche (1792 – 1835) se montre nettement plus hostile aux Ă©volutions politiques de son Ă©poque.  

Lorsque la France rĂ©volutionnaire dĂ©clare la guerre Ă  l’Autriche en 1792, les Habsbourg font face Ă  un ennemi mortel. Ils deviennent les champions de l’absolutisme et s’opposent avec acharnement aux idĂ©es nouvelles.

De 1792 Ă  1815, l’Autriche est presque constamment en guerre avec la France, au pĂ©ril de sa propre existence. Elle manque de peu le dĂ©pĂšcement aux traitĂ©s de Presbourg (1805) et Schönbrunn (1809). Pourtant, sous l’impulsion du chancelier Klemens von Metternich (1773 – 1859), elle participe activement aux campagnes de 1813-1815 qui provoquent la chute de l’Empereur français.

 

L’Europe du congrùs de Vienne

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La nouvelle Europe en 1815 | Wikimédia Commons

En reconnaissance de ce rĂŽle, c’est Vienne qui accueille, Ă  partir de 1814, le grand congrĂšs chargĂ© de poser les bases du nouvel ordre europĂ©en suite Ă  la fin du rĂ©gime napolĂ©onien : le CongrĂšs de Vienne.   

De 1815 Ă  1848, l’Empereur François et Metternich imposent un ordre trĂšs conservateur aussi bien Ă  l’intĂ©rieur des frontiĂšres de leur Empire que sur le continent europĂ©en. L’armĂ©e autrichienne intervient plusieurs fois en Italie pour y Ă©craser des rĂ©voltes libĂ©rales ou populaires. Dans les territoires autrichiens, la censure fait rage afin d’éviter toute agitation due aux idĂ©es politiques nouvelles. En effet, le dĂ©veloppement du libĂ©ralisme politique et des nationalismes menacent l’antique monarchie autrichienne et son État plurinational.

MalgrĂ© son conservatisme, François ne restaure pas le Saint-Empire supprimĂ© par NapolĂ©on en 1806. Il prĂ©fĂšre rĂ©gner en tant qu’Empereur d’Autriche. François reste toutefois le maĂźtre des affaires allemandes, en tant que prĂ©sident de la ConfĂ©dĂ©ration germanique. Il doit toutefois composer avec un Royaume de Prusse sorti renforcĂ© des guerres napolĂ©oniennes.

 

 

Le dernier monarque de la vieille Ă©cole : l’empereur François-Joseph


printemps des peuples habsbourg
Des hussards hongrois pendant la rĂ©volution de 1848. Ainsi dĂ©bute le rĂšgne de François-Joseph | WikimĂ©dia Commons

L’ordre conservateur imposĂ© par le pouvoir impĂ©rial se fissure avec le printemps des peuples de 1848. Des manifestations ont ainsi lieu Ă  Vienne et Ă  Prague. En Italie, en Pologne ce sont des rĂ©voltes. En Hongrie, c’est une rĂ©volution contre le pouvoir Habsbourg !

L’armĂ©e autrichienne doit intervenir pour restaurer l’autoritĂ© du souverain. Il faut attendre 1849 et l’aide d’un corps expĂ©ditionnaire russe pour faire cesser tous les troubles en Hongrie.

C’est dans ce contexte difficile que l’empereur François-Joseph Ier (1830 – 1916) accĂšde au pouvoir en 1848. Dans les annĂ©es 1850, une fois les rĂ©voltes populaires matĂ©es, le nouveau souverain mĂšne une politique « nĂ©o-absolutiste Â» et centralisatrice, faisant de son Empire un Etat unitaire administrĂ© par une puissante bureaucratie.

Cette pĂ©riode autoritaire est Ă©galement marquĂ©e par une vraie prospĂ©ritĂ© Ă©conomique mais elle s’achĂšve par une succession de dĂ©faites contre la France (1859) et la Prusse (1866) qui font perdre Ă  l’Autriche ses territoires italiens et son influence prĂ©pondĂ©rante en Allemagne.

 

De l’Empire d’Autriche à l’Autriche-Hongrie

François Joseph Habsbourg
François-Joseph en 1905 | Wikimédia Commons

Suite Ă  ces graves revers, l’Empire autrichien se retrouve rĂ©duit Ă  ses territoires d’Europe centrale. Surtout, François-Joseph est dĂ©sormais convaincu de la nĂ©cessitĂ© de mettre fin Ă  sa politique absolutiste et d’obtenir un compromis avec la Hongrie, toujours en proie Ă  l’agitation nationaliste.

C’est chose faite en 1867 avec un accord qui prĂ©voit l’instauration d’une double monarchie austro-hongroise ainsi qu’une large autonomie accordĂ©e au Royaume de Hongrie. L’Empire d’Autriche devient l’Autriche-Hongrie. 

En revanche, les institutions impĂ©riales continuent Ă  prendre en charge les affaires communes : la diplomatie, la guerre ou encore l’administration de la Bosnie-HerzĂ©govine Ă  partir de son invasion en 1878. Le parlementarisme est instaurĂ© dans les deux parties de l’Etat des Habsbourg, sans que les prĂ©rogatives de l’Empereur en soient fondamentalement remises en cause.

habsbourg nationalités ethniques carte
Les diffĂ©rentes groupes ethniques en Autriche-Hongrie : les Allemands (rouge), les TchĂšques (bleu clair), les Polonais (mauve), les Slovaques (marron), les Hongrois (vert foncĂ©), les Ukrainiens (jaune), les Roumains (orange), les Croates et Serbes (beige) et les Italiens (vert clair), sans compter l’importante communautĂ© juive de l’Empire | WikimĂ©dia Commons

S’il stabilise la monarchie danubienne pour un temps, ce compromis déçoit toutefois les autres peuples de l’Empire qui espĂ©raient une fĂ©dĂ©ralisation de celui-ci. Il sĂšme ainsi les germes de conflits futurs, d’autant que l’élite hongroise se lance dans une politique controversĂ©e de « magyarisation Â» de leurs minoritĂ©s ethniques.

 

Le développement économique

Le long rĂšgne de François-Joseph ( presque 68 ans ! ) est celui de la fin des illusions impĂ©riales.

ExpulsĂ©e d’Italie, marginalisĂ©e en Allemagne aprĂšs l’unification du pays par la Prusse (1871), l’Autriche-Hongrie ne peut plus s’étendre que dans les Balkans. Elle apparaĂźt surclassĂ©e par le formidable dĂ©veloppement industriel de l’Empire allemand, ainsi qu’un Empire russe bien plus peuplĂ© qu’elle. De maniĂšre significative, l’Autriche n’a guĂšre d’ambition coloniale et sa marine reste relativement faible.  

François-Joseph est un homme attachĂ© aux traditions et peu intĂ©ressĂ© par les innovations du siĂšcle. La Cour des Habsbourg est toujours marquĂ©e par une solennitĂ© et une pompe d’un autre Ăąge, malgrĂ© les extravagances de l’impĂ©ratrice Sissi. 

Pour autant, le bilan du « dernier monarque de la vieille Ă©cole Â» est loin de se rĂ©sumer Ă  un dĂ©classement, ou Ă  une dĂ©cadence.

L’Autriche-Hongrie connaĂźt un dĂ©veloppement Ă©conomique important. Elle s’industrialise rapidement, surtout Ă  l’Ouest, grĂące Ă  une forte intĂ©gration commerciale des diffĂ©rents territoires. La sociĂ©tĂ© civile de l’Empire se rĂ©vĂšle dynamique, particuliĂšrement dans ses territoires occidentaux.

 

L’ñge d’or de Vienne

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Le Baiser de Klimt | Wikimédia Commons

Vienne connaĂźt un vĂ©ritable Ăąge d’or Ă©conomique et culturel vers la fin du rĂšgne de François-Joseph. Ville cosmopolite de plus de 2 millions d’habitants, elle est au cƓur de mouvements artistiques cĂ©lĂšbres tels le Jugendstil (art nouveau) ou la SĂ©cession viennoise, portĂ©e par des artistes de renom tels que Gustav Klimt ou Egon Schiele.

La scĂšne littĂ©raire de la capitale autrichienne se dĂ©veloppe Ă©galement sous l’impulsion de grands auteurs comme Karl Kraus ou Arthur Schnitzler. Si la prĂ©pondĂ©rance viennoise en Europe centrale est incontestable, d’autres villes connaissent aussi un essor important Ă  cette Ă©poque, comme Prague ou Budapest.

 

 

La chute des Habsbourg


Cette atmosphĂšre brillante disparaĂźt brutalement avec la Grande Guerre. 

 

Une armée faible

prisonniers guerre autriche hongrie habsbourg
Prisonniers de guerre austro-hongrois en Russie | Wikimédia Commons

C’est l’assassinat de l’hĂ©ritier au trĂŽne d’Autriche, l’archiduc François-Ferdinand (1863 – 1914), et de sa femme, le 28 juin 1914, par un nationaliste serbe, par Gavrilo Princip, qui cause l’enchaĂźnement fatal qui va entraĂźner l’Europe toute entiĂšre dans une guerre sanglante par un complexe jeu d’alliances : l’Autriche-Hongrie, alliĂ©e de l’Allemagne, finit par dĂ©clarer la guerre Ă  la Serbie, appuyĂ©e par la Russie, elle-mĂȘme alliĂ©e Ă  la France


La Grande Guerre sera fatale Ă  l’empire plurisĂ©culaire des Habsbourg. L’armĂ©e austro-hongroise est plus courageuse et motivĂ©e qu’on a pu le dire. Mais, mal Ă©quipĂ©e, mal commandĂ©e, elle devient rapidement dĂ©pendante de son homologue allemande. 

Les forces austro-hongroises peuvent pourtant se prĂ©valoir de quelques beaux succĂšs, souvent obtenus grĂące Ă  l’aide de l’armĂ©e allemande : la dĂ©fense de l’Isonzo en Italie, l’offensive de Galicie de 1915, l’invasion de la Roumanie en 1916 (dirigĂ©e par le gĂ©nĂ©ral allemand von Mackensen) et la bataille de Caporetto en 1917.

 

La décomposition

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Couronnement de Charles Ier comme roi de Hongrie | Wikimédia Commons

1918, c’est l’annĂ©e terrible. L’Autriche-Hongrie glisse sur la pente fatale de la dĂ©composition. L’Empire ploie sous les nationalismes ethniques, encouragĂ©s par les puissances ennemis. En octobre, les multiples minoritĂ©s de l’Empire proclament leur indĂ©pendance. De nombreux soldats de l’armĂ©e impĂ©riale dĂ©sertent pour aller dĂ©fendre leurs patries respectives, menacĂ©es par une offensive franco-serbe dans les Balkans.

Les troupes italiennes, aidĂ©es par ses alliĂ©es, Ă©crasent l’armĂ©e autrichienne Ă  la bataille Vittorio Veneto. En mars 1919, Charles Ier (1887 – 1922), le “dernier des Habsbourg”, doit fuir son pays.

En 1920, le TraitĂ© de Trianon consacre la fin dĂ©finitive de l’Autriche-Hongrie et du rĂšgne des Habsbourg en Europe centrale.

 

L’hĂ©ritage de la monarchie danubienne


L’empire des Habsbourg a longtemps eu mauvaise presse.

Il a ainsi Ă©tĂ© accusĂ© d’ĂȘtre une Â« prison des peuples Â» ayant entravĂ© les aspirations nationales et dĂ©mocratiques des diffĂ©rents peuples qui y habitaient.

Cette mauvaise rĂ©putation est aujourd’hui remise en cause. De nombreux historiens (François Fetjö, Jean-Paul Bled, etc.) estiment ainsi que la chute de la double monarchie a pĂ©nalisĂ© le dĂ©veloppement Ă©conomique de l’Europe centrale en y crĂ©ant de nouvelles frontiĂšres, et a favorisĂ© l’expansion de l’Allemagne nazie puis celle de l’Union soviĂ©tique dans cette rĂ©gion.

En outre, ils relĂšvent un effort limitĂ© mais rĂ©el de dĂ©mocratisation des institutions impĂ©riales, avec le dĂ©veloppement du parlementarisme et d’élections locales sous le rĂšgne de François-Joseph. Les consĂ©quences de cette dĂ©mocratisation n’ont pas toutes Ă©tĂ© heureuses : en atteste l’élection Ă  rĂ©pĂ©tition de l’antisĂ©mite Karl Lueger comme maire de Vienne entre 1895 et 1909.

 

La mĂ©moire de l’Empire des Habsbourg aujourd’hui

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Stefan Zweig | Source

L’Europe centrale et les Balkans ont souffert des guerres du XXĂšme siĂšcle et de multiples nettoyages ethniques. Ces souffrances ont contribuĂ© Ă  rĂ©habiliter la mĂ©moire de l’empire multinational des Habsbourg, en discrĂ©ditant le nationalisme ethnique qui avait provoquĂ© sa chute.

Si elle n’a guĂšre de relai politique, il existe dans la rĂ©gion une nostalgie de l’ùre impĂ©riale et de ses fastes. Elle renvoie Ă  une Ă©poque oĂč l’Europe centrale, largement unifiĂ©e, connaissait un rayonnement Ă©conomique et culturel qui suscitait l’admiration de nombreux observateurs Ă©trangers.

L’universitaire et Ă©crivain italien Claudio Magris a, par ailleurs, notĂ© une forte influence de la mĂ©moire de l’empire Habsbourg sur l’idĂ©al europĂ©en, lui-mĂȘme fondĂ© sur la volontĂ© d’un dĂ©passement des nationalismes.

Stefan Zweig, dans Le monde d’hier, dit toute sa douleur d’avoir perdu sa Vienne cosmopolite.

Quant Ă  Joseph Roth, inconsolable de la perte de sa patrie, il Ă©crivait en prĂ©face de son plus cĂ©lĂšbre roman, La Marche de Radetzky (1932) :

Une volontĂ© cruelle de l’Histoire a rĂ©duit en morceaux ma vieille patrie, la Monarchie austro-hongroise. Je l’ai aimĂ©e, cette patrie, qui me permettait d’ĂȘtre en mĂȘme temps un patriote et un citoyen du monde, un Autrichien et un Allemand parmi tous les peuples autrichiens. J’ai aimĂ© les vertus et les avantages de cette patrie, et j’aime encore aujourd’hui, alors qu’elle est dĂ©funte et perdue, ses erreurs et ses faiblesses. Elle en avait beaucoup. Elle les a expiĂ©es par sa mort. 

 

 

Bibliographie