1. Buddy Bolden (1877 – 1931)
Sa vie est mal connue. Né à la Nouvelle-Orléans en 1877, il a peut-être commencé à travailler comme barbier. Aucun enregistrement de ses œuvres n’a été conservé.
Il crée en quelque sorte le stéréotype du jazzman, le héros torturé. En effet, à l’âge de 30 ans, la folie le frappe. Il terminera ses jours dans un asile. C’est aussi le premier à jouer dans un groupe classique de jazz : cornet, trombone, clarinettes, guitare et basse.
Surnommé “King Bolden”, il était connu pour sa puissance sonore légendaire – on disait qu’on pouvait l’entendre jouer à des kilomètres de distance. Son style improvisé et expressif a jeté les bases de ce qui allait devenir le jazz de la Nouvelle-Orléans. Bien qu’aucun enregistrement n’existe, son influence perdure à travers les témoignages de musiciens qui l’ont côtoyé et à travers la mythologie du jazz.
2. Jelly Roll Morton (1885 – 1941)
Son vrai nom est Ferdinand Joseph La Menthe. C’est un créole de Nouvelle-Orléans, marqué par la culture française.
Il acquiert son surnom, “Jelly Roll”, d’un gâteau dans un bordel. Il apprend très tôt l’harmonica, la bombarde et la guitare. C’est plus tard qu’il se met au piano, avec réticence. Il s’installe avec son groupe, les Red Hot Peppers (ça ne vous rappelle rien ?) à Chicago en 1923. Il a côtoyé une vie d’aventurier.
Il s’est prétendu inventeur du jazz. C’est contestable, mais c’est celui qui a le plus innové pour créer un jazz orchestral.
Morton est l’un des premiers compositeurs majeurs du jazz, combinant les styles ragtime, blues et créole pour créer une musique sophistiquée et structurée. Ses compositions comme “King Porter Stomp”, “Wolverine Blues” et “Black Bottom Stomp” sont devenues des standards du jazz. Ses enregistrements pour la Bibliothèque du Congrès en 1938 constituent un témoignage précieux sur les origines du jazz et son développement à la Nouvelle-Orléans.
3. Sydney Bechet (1897 – 1959)
Clarinettiste, saxophoniste et orchestrateur de jazz noir américain. La France découvre le jazz avec lui. Il trouve ici son véritable succès. Célèbre dès la fin des années 1940, il s’installe. Il meurt à Garches en 1959.
Né à la Nouvelle-Orléans, Bechet est l’un des premiers grands solistes du jazz, maîtrisant parfaitement la clarinette avant de se tourner vers le saxophone soprano où il développa un vibrato caractéristique et expressif. En France, il connaît un immense succès avec des morceaux comme “Petite Fleur” et “Les Oignons”.
Son style passionné et sa virtuosité technique ont influencé de nombreux musiciens, dont Johnny Hodges et John Coltrane. Il a épousé Elisabeth Ziegler en 1951 et est enterré au cimetière de Garches, où sa tombe est encore régulièrement fleurie par ses admirateurs.
4. Duke Ellington (1899 – 1974)
Edward Kennedy de son vrai nom est un petit-bourgeois afro-américain. Doué d’un grand sens de la distinction personnelle, ses camarades le surnomment “Duke”.
Pianiste et compositeur, c’est un des jazzmen les plus célébrés de l’Histoire, source d’inspiration permanente pour de nombreux musiciens. Il ne faut pas l’oublier, Duke est aussi un chef d’orchestre hors pair. Il déclare d’ailleurs :
« Mon instrument, ce n’est pas le piano, c’est l’orchestre ».
Ellington fut le premier jazzman à franchir le seuil de la Maison-Blanche comme invité personnel du président des États-Unis, et à recevoir, en France, la Légion d’honneur.
Sa carrière s’étend sur plus de cinquante ans, durant lesquels il compose plus de deux mille pièces. Parmi ses œuvres les plus célèbres figurent “Mood Indigo”, “Take the A Train” et “Sophisticated Lady”. Son orchestre, avec lequel il joue au fameux Cotton Club de Harlem dans les années 1930, devient un laboratoire musical où il développe un son unique, exploitant les capacités individuelles de ses musiciens comme le trompettiste Cootie Williams et le saxophoniste Johnny Hodges.
Ellington est également pionnier dans la composition de suites de jazz étendues comme “Black, Brown and Beige” qui explorent l’histoire et l’expérience afro-américaines.
5. Louis Armstrong (1901 – 1971)

Né dans la pauvreté à la Nouvelle-Orléans, “Satchmo” ou “Pops” est peut-être la figure la plus emblématique du jazz. Trompettiste virtuose, chanteur à la voix reconnaissable entre mille et personnalité charismatique, Armstrong a révolutionné le jazz en transformant ce qui était essentiellement une musique collective en un art du soliste.
Ses enregistrements avec les Hot Five et Hot Seven dans les années 1920 sont considérés comme des chefs-d’œuvre du jazz classique. Des morceaux comme “West End Blues” et “Potato Head Blues” démontrent sa technique exceptionnelle, son phrasé innovant et sa capacité à improviser avec une créativité sans précédent.
Au-delà de sa contribution musicale, Armstrong est devenu un ambassadeur culturel américain, effectuant des tournées internationales sous l’égide du Département d’État. Ses grands succès comme “What a Wonderful World” et “Hello, Dolly!” ont transcendé le monde du jazz pour toucher un public mondial. En 1964, il détrône même les Beatles au sommet des charts avec “Hello, Dolly!”.
Malgré le racisme de son époque, Armstrong a maintenu une attitude publique optimiste, bien qu’il ait pris position contre la ségrégation, notamment lors de la crise de Little Rock en 1957. Son influence s’étend bien au-delà du jazz, ayant impacté pratiquement tous les genres musicaux du XXe siècle.
6. Django Reinhardt (1910 – 1953)
De son vrai nom Jean-Baptiste, virtuose de la guitare d’origine tsigane, autodidacte.
Ayant perdu l’usage de deux doigts de sa main gauche, il met en place une technique spéciale de guitare à trois doigts.
Il découvre le jazz dans les années 1930, invente une nouvelle formule avec un violon, une guitare et deux contrebasses. Tel succès qu’il influence les Américains.
Il donne toute sa place à la guitare dans le jazz.
Né en Belgique dans une famille manouche, Django Reinhardt est gravement brûlé lors d’un incendie de sa caravane en 1928. Malgré la paralysie partielle de sa main gauche, il développe une technique de jeu révolutionnaire. En 1934, avec le violoniste Stéphane Grappelli, il forme le Quintette du Hot Club de France, pionnier d’un style connu sous le nom de “jazz manouche” ou “gypsy jazz”. Leurs enregistrements comme “Minor Swing” et “Nuages” restent des références.
L’influence de Reinhardt est immense, non seulement sur les guitaristes de jazz mais aussi sur des musiciens de rock comme Jerry Garcia et Jimmy Page. Longtemps après sa mort prématurée d’une hémorragie cérébrale, son style unique continue d’inspirer des festivals dédiés dans le monde entier.
7. Art Tatum (1910 – 1956)
Pianiste, pratiquement aveugle depuis sa naissance.
Admiré par Horowitz, Samson François ou Count Basie. Premier grand jazzman à pouvoir rivaliser avec les concertistes classiques.
Style à deux mains, avec des rythmes différents.
Originaire de Toledo, Ohio, Art Tatum possédait une technique pianistique extraordinaire que beaucoup considèrent comme inégalée. Malgré sa déficience visuelle (il était aveugle d’un œil et avait une vision très limitée de l’autre), il développa un jeu caractérisé par une vitesse fulgurante, des harmonies complexes et des improvisations virtuoses. Son interprétation de standards comme “Tea for Two” et “Tiger Rag” révolutionna l’approche du piano jazz.
Le pianiste classique Vladimir Horowitz était si impressionné par Tatum qu’il refusait de jouer en sa présence. Charlie Parker, quant à lui, étudiait ses enregistrements pour développer son propre style.
Tatum enregistra principalement en solo, bien qu’il ait aussi joué en trio et avec des groupes plus larges. Son style est si riche et complexe qu’il donne souvent l’impression qu’il y a plusieurs pianistes qui jouent simultanément. Il meurt prématurément des suites d’une insuffisance rénale, laissant un héritage musical qui continue d’émerveiller et d’intimider les pianistes jusqu’à aujourd’hui.
8. Billie Holiday (1915 – 1959)
Pour beaucoup, la plus grande soliste de l’histoire du jazz. Famille misérable, chante dès l’adolescence dans les clubs de New York.
S’implique dans la lutte contre la ségrégation. La chanson “Strange Fruit” dénonce la pratique du lynchage.
Années 1940, descente aux enfers : drogue, alcool, tabac, troubles avec la justice, malheurs amoureux.
Née Eleanora Fagan à Philadelphie, Holiday, surnommée “Lady Day”, possédait une voix distinctive et une approche du phrasé qui transformait chaque chanson en une déclaration personnelle profonde. Sa collaboration avec Lester Young au saxophone ténor a produit certains des moments les plus émouvants du jazz. Sa capacité à transmettre l’émotion est particulièrement évidente dans des chansons comme “God Bless the Child” (inspirée par sa propre relation avec sa mère) et “Strange Fruit”, une protestation poignante contre les lynchages raciaux qui devint son morceau signature malgré les risques qu’elle prenait en le chantant.
Sa vie fut marquée par des abus dès son enfance, suivis par des relations abusives à l’âge adulte et une lutte constante contre la dépendance. Ses problèmes avec la loi culminèrent avec une peine de prison pour possession de drogue en 1947, ce qui lui coûta sa licence cabaret de New York et limita sévèrement sa carrière. Elle meurt à 44 ans, sous garde policière dans un hôpital pour une cirrhose du foie, pratiquement sans le sou malgré son immense talent. Son autobiographie “Lady Sings the Blues” (1956) a été adaptée au cinéma avec Diana Ross dans le rôle principal.
9. Thelonious Monk (1917 – 1982)
Pianiste, compositeur et chef d’orchestre.
Le Grand Prêtre ou le Prophète du be-bop. Sa façon de jouer à plat, les doigts tenus à l’horizontale, en prolongement de la paume de la main.
D’extravagants couvre-chefs.
Il casse les codes du piano dans le jazz en s’émancipant du moule classique.
Né à Rocky Mount, Caroline du Nord, Monk est un innovateur dont la musique se caractérise par des dissonances inhabituelles, des silences éloquents et des rythmes anguleux. Ses compositions comme “Round Midnight”, “Straight, No Chaser” et “Blue Monk” sont devenues des standards de jazz essentiels. Bien qu’initialement associé au mouvement be-bop, son style était trop idiosyncratique pour être facilement catégorisé.
Monk est resté largement méconnu jusqu’à la fin des années 1950, lorsqu’il signa avec Columbia Records et fit la couverture du magazine Time en 1964. Son excentricité sur scène – incluant des danses impromptues pendant les solos d’autres musiciens – faisait partie intégrante de son personnage.
Dans les années 1970, Monk se retira progressivement de la vie publique, souffrant possiblement de troubles mentaux non diagnostiqués. Son influence reste considérable, non seulement sur les pianistes de jazz mais sur tous les musiciens qui valorisent l’originalité et l’expression personnelle.
10. Dizzy Gillespie (1917 – 1993)
Trompettiste, chanteur et chef d’orchestre.
Son nom, Dizzy, lui vient de son goût pour la clownerie sur scène.
Avec Charlie Parker, considéré comme le fondateur du bebop. Virtuose de la trompette. Style de jazz caractérisé par l’éclatement de la section rythmique, les dissonances et les effets chromatiques.
John Birks “Dizzy” Gillespie est immédiatement reconnaissable à sa trompette à pavillon courbé (résultat d’un accident qui s’avéra bénéfique pour son son) et à ses joues gonflées lorsqu’il jouait. Avec Charlie Parker, il a codifié le langage du bebop, un style de jazz virtuose caractérisé par des tempos rapides, des harmonies complexes et des improvisations sophistiquées.
Au-delà du bebop, Gillespie est un pionnier du jazz afro-cubain, fusionnant les rythmes latins avec le jazz dans des compositions comme “Manteca” et “A Night in Tunisia”. En tant qu’ambassadeur culturel, il a effectué de nombreuses tournées mondiales, notamment au Moyen-Orient et en Afrique.
En plus de ses innovations musicales, Gillespie est connu pour son sens de l’humour et son charisme, ainsi que pour son rôle de mentor auprès de jeunes musiciens comme Miles Davis et John Coltrane. Sa candidature humoristique à la présidence des États-Unis en 1964, promettant de renommer la Maison-Blanche “The Blues House” et de nommer Miles Davis directeur de la CIA, témoigne de son esprit malicieux.
11. Ella Fitzgerald (1917 – 1996)
C’est un peu l’antithèse de Billie Holiday. Sa très longue carrière de 60 ans ne fut émaillée presque que de succès.
Dès 21 ans, elle dirige un orchestre. Surnommée “The First Lady of Song” et “Queen of Jazz”, Ella Fitzgerald possédait une voix d’une pureté et d’une précision exceptionnelles, couvrant une gamme de trois octaves. Sa capacité au scat (improvisation vocale utilisant des syllabes sans signification) était légendaire, notamment dans des performances comme “How High the Moon” où elle cite des dizaines d’autres mélodies.
Découverte lors d’un concours amateur au Apollo Theater de Harlem, elle débute avec l’orchestre de Chick Webb avant de poursuivre une carrière solo après la mort de ce dernier. Sa série d’albums “Songbooks” pour Verve Records, où elle interprète les œuvres de compositeurs comme Cole Porter, Duke Ellington et George Gershwin, constitue une référence incontournable du jazz vocal.
Malgré sa célébrité, Fitzgerald a dû faire face au racisme tout au long de sa carrière. Un incident célèbre implique Marilyn Monroe qui, en 1955, convainquit le propriétaire du Mocambo Club de Los Angeles d’engager Fitzgerald en promettant d’occuper une table de première rangée chaque soir. Fitzgerald reste l’une des voix les plus influentes de l’histoire du jazz, ayant vendu plus de 40 millions d’albums.
12. Nat King Cole (1919 – 1965)
Pianiste et surtout chanteur extrêmement populaire. À tel point qu’il devient le premier afro-américain à présenter son propre show à la TV en 1956, annulée un an plus tard, du fait du manque de sponsors, effrayés de soutenir un artiste noir.
Il change de style progressivement pour faire de la pop. Il meurt prématurément d’un cancer du poumon.
Né Nathaniel Adams Coles à Montgomery, Alabama, Cole était d’abord reconnu comme un pianiste de jazz exceptionnel avant que sa voix veloutée ne fasse de lui l’une des plus grandes stars du divertissement américain. Son trio, formé en 1937, a établi un format innovant sans batterie qui a influencé de nombreux musiciens.
Sa transition vers la musique pop avec des tubes comme “Mona Lisa”, “Unforgettable” et “The Christmas Song” lui a valu une renommée internationale. Il a vendu plus de 50 millions de disques au cours de sa carrière. Malgré son succès commercial, Cole a maintenu des normes musicales élevées et a continué à enregistrer du jazz occasionnellement.
Sa carrière télévisuelle, bien que brève, a marqué une avancée importante pour les artistes afro-américains. Même après l’annulation de son émission, Cole est resté une figure respectée, apparaissant dans des films et continuant à enregistrer. Sa fille, Natalie Cole, a également connu une carrière musicale réussie et a créé un duo virtuel avec son père pour “Unforgettable” en 1991, remportant plusieurs Grammy Awards.
13. Charlie Parker (1920 – 1955)
Saxophoniste alto. Plus grand improvisateur de l’histoire du jazz. Sa mère lui offre son premier saxophone à 11 ans. Parker, surnommé Yardbird ou Bird en raison de son goût immodéré pour le poulet. Clint Eastwood lui consacre un film en 1988.
Né à Kansas City, Kansas, Parker a révolutionné le jazz avec sa virtuosité technique, son sens harmonique avancé et sa créativité improvisatrice sans précédent. Avec Dizzy Gillespie, il a développé le bebop, rompant avec les conventions du swing pour créer une musique plus complexe et exigeante.
La contribution de Parker au langage du jazz est fondamentale : ses phrases rapides et asymétriques, ses substitutions d’accords innovantes et sa capacité à improviser sur des progressions harmoniques difficiles ont établi un nouveau standard pour tous les instrumentistes de jazz qui ont suivi. Ses enregistrements comme “Ko-Ko”, “Ornithology” et “Donna Lee” sont des chefs-d’œuvre d’improvisation.
Malheureusement, la vie de Parker a été marquée par une dépendance à l’héroïne qui a commencé dès son adolescence et a finalement contribué à sa mort prématurée à 34 ans. Le médecin légiste qui a examiné son corps a estimé son âge à 50-60 ans, tant l’abus de substances avait détérioré sa santé. Malgré sa courte vie, l’influence de Parker reste omniprésente dans le jazz moderne et au-delà.
14. Charles Mingus (1922 – 1979)
Très grande influence sur le jazz des années 1950 et 1960 comme contrebassiste que pianiste et même compositeur.
Très impliqué dans la lutte contre le racisme. Organise un festival des rebelles en 1960.
Publie son autobiographie, Beneath the Underdog.
Contrebassiste virtuose, compositeur brillant et leader de groupe exigeant, Mingus a créé une musique qui combine la sophistication du jazz orchestral d’Ellington avec l’énergie du bebop et la liberté du free jazz émergent. Ses compositions comme “Goodbye Pork Pie Hat” (un hommage à Lester Young), “Better Git It in Your Soul” et “Fables of Faubus” (une protestation contre le gouverneur ségrégationniste de l’Arkansas) reflètent sa vaste gamme d’influences et sa conscience politique aiguë.
Mingus était connu pour son tempérament volcanique – il pouvait congédier des musiciens sur scène ou arrêter complètement un concert s’il estimait que le public n’était pas assez attentif. Ce perfectionnisme s’étendait à son approche de l’enregistrement, où il recherchait constamment le son et l’interprétation parfaits.
En 1971, il a été diagnostiqué avec la sclérose latérale amyotrophique (maladie de Lou Gehrig), qui a progressivement limité sa capacité à jouer. Durant ses dernières années, il a continué à composer, dictant ses œuvres à des collaborateurs. Après sa mort, sa veuve Sue Mingus a préservé son héritage en supervisant plusieurs groupes répertoire jouant sa musique, dont les Mingus Big Band, Mingus Dynasty et Mingus Orchestra.
15. Oscar Peterson (1925 – 2007)
Virtuose d’une version classique du jazz, très populaire. Critiqué par les puristes. Soliste parfaitement accompli, célèbre pour sa vitesse et sa dextérité remarquables. A gagné 8 Grammy Awards.
Artiste prolifique sur disque, il a, en général, enregistré chaque année, depuis les années 1950 jusqu’à sa mort, plusieurs albums. Il est apparu également sur plus de deux cents albums d’autres artistes, notamment Ella Fitzgerald, Dizzy Gillespie, Billie Holiday et Louis Armstrong qui l’ont surnommé « l’homme aux quatre mains ».
Né à Montréal, au Canada, Peterson est l’un des pianistes de jazz les plus techniquement accomplis de tous les temps, combinant la virtuosité de Art Tatum avec le swing de Nat King Cole et l’inventivité harmonique de Bud Powell. Ses trios, particulièrement celui avec le bassiste Ray Brown et le guitariste Herb Ellis, puis avec le batteur Ed Thigpen remplaçant Ellis, ont établi une norme d’excellence en matière d’interaction de groupe et de cohésion rythmique.
Peterson a enregistré plus de 200 albums et a joué des milliers de concerts dans le monde entier. Son album “Night Train” (1962) est considéré comme l’un de ses meilleurs travaux. En plus de sa carrière d’interprète, il a été un éducateur dévoué, fondant l’Advanced School of Contemporary Music à Toronto et enseignant à l’Université York.
Malgré un accident vasculaire cérébral en 1993 qui a affaibli son côté gauche, Peterson a continué à se produire et à enregistrer, adaptant son style pour compenser ses limitations physiques. Son héritage inclut non seulement ses enregistrements mais aussi ses compositions, dont “Hymn to Freedom”, qui est devenu un hymne du mouvement des droits civiques.
16. John Coltrane (1926 – 1967)
Saxophoniste de jazz. Un des inventeurs du free jazz, rejette les normes, valorise l’impro, révolutionne l’improvisation. Porté sur la recherche d’une innovation, créateur, nappes de son.
Expérience spirituelle l’aide à surmonter sa dépendance à l’héroïne et à l’alcool.
Cette spiritualité mène à plusieurs changements dans le style musical de Coltrane. Infusée d’influences indiennes, d’expérimentations modales et d’une curiosité pour le free-jazz, l’évolution du style de Coltrane divise les critiques et les publics ; il est hué lors d’un concert à Paris en 1960 et nommé musicien « d’Anti-Jazz » par le magazine de jazz Downbeat en 1961.
Né en Caroline du Nord, Coltrane a d’abord acquis une reconnaissance en jouant avec Miles Davis et Thelonious Monk avant de former son propre quatuor. Son album “Giant Steps” (1960) est une démonstration éblouissante de sa maîtrise technique et de son approche harmonique innovante, introduisant ce qu’on appelle maintenant les “Coltrane changes” – une série de substitutions d’accords qui créent un mouvement harmonique en tierces majeures.
Son chef-d’œuvre “A Love Supreme” (1965) représente la fusion parfaite de sa virtuosité technique et de sa quête spirituelle. Cette suite en quatre parties est une prière musicale, une expression de gratitude envers Dieu pour l’avoir aidé à surmonter sa dépendance et à trouver un nouveau sens à sa vie. Ses dernières œuvres comme “Ascension” et “Interstellar Space” poussent les limites du jazz vers des territoires plus expérimentaux et avant-gardistes.
Malgré sa mort prématurée d’un cancer du foie à 40 ans, l’influence de Coltrane sur le jazz et au-delà est incalculable. Son intensité émotionnelle, sa recherche spirituelle et son innovation technique continuent d’inspirer des générations de musiciens dans tous les genres.
17. Miles Davis (1926 – 1991)
Trompettiste et improvisateur. Vient d’un milieu aisé. Kind of Blue (1959) est peut-être l’album de jazz le plus loué.
Célèbre en France depuis le film de Louis Malle où il improvise en une nuit la musique de son film Ascenseur pour l’échafaud.
S’intéresse au rock psychédélique incarné par Jimi Hendrix.
Figure emblématique du jazz, Miles Davis a été à l’avant-garde de presque tous les développements majeurs du genre pendant plus de quatre décennies. Né dans une famille de classe moyenne à Alton, Illinois, il étudie brièvement à la Juilliard School avant de rejoindre le quintette de Charlie Parker. Sa carrière peut être divisée en plusieurs périodes distinctes, chacune représentant une évolution significative dans le jazz.
Son album “Birth of the Cool” (1957) marque une rupture avec le bebop frénétique, introduisant un son plus doux et plus arrangé. “Kind of Blue” (1959), avec John Coltrane, Bill Evans et Cannonball Adderley, est l’album de jazz le plus vendu de tous les temps, introduisant l’improvisation modale qui libère les musiciens des contraintes harmoniques traditionnelles.
Avec son second grand quintette (Wayne Shorter, Herbie Hancock, Ron Carter et Tony Williams), Davis pousse le jazz acoustique à ses limites avant de se tourner vers l’électrification. Des albums comme “In a Silent Way” et “Bitches Brew” inaugurent l’ère du jazz-fusion, incorporant des éléments de rock et de funk. Dans les années 1980, Davis continue d’évoluer, incorporant des influences pop contemporaines et utilisant des échantillonneurs et des synthétiseurs.
Connu pour son style de jeu économique et lyrique, son attitude distante et son sens aigu de la mode, Davis était une personnalité complexe qui a transformé le jazz non seulement musicalement mais aussi culturellement, élevant son statut d’art et défiant les stéréotypes raciaux.
18. Stan Getz (1927 – 1991)
Son travail avec les musiciens de bossa nova lui permet de connaître un grand succès. Il enregistre avec le guitariste et chanteur João Gilberto, le pianiste Antonio Carlos Jobim et la chanteuse Astrud Gilberto des compositions comme Desafinado et The Girl from Ipanema qui seront une immense réussite commerciale.
Son surnom était “The Sound” du fait des sonorités aériennes, amples de son jeu.
Né à Philadelphie dans une famille juive, Stan Getz développe un son au saxophone ténor d’une beauté exceptionnelle, influencé par Lester Young mais avec une qualité veloutée distinctive. Malgré son image publique de musicien “cool” due à son association avec le cool jazz et la bossa nova, sa vie personnelle était tumultueuse, marquée par des problèmes d’addiction à l’héroïne et à l’alcool.
Sa collaboration avec les musiciens brésiliens au début des années 1960 a donné naissance à l’album “Jazz Samba” avec le guitariste Charlie Byrd, qui a lancé la vague de bossa nova aux États-Unis. L’album “Getz/Gilberto” (1964) avec João Gilberto, qui contient “The Girl from Ipanema” chanté par Astrud Gilberto, a remporté le Grammy de l’album de l’année – un exploit rare pour un album de jazz.
Au-delà de la bossa nova, Getz était un jazzman accompli qui excellait dans de nombreux contextes, du bebop au jazz cool. Dans les années 1980, après avoir vaincu ses dépendances, il connaît une renaissance artistique avec des albums comme “Anniversary” et “Serenity”. Jusqu’à sa mort d’un cancer du foie en 1991, il a maintenu un niveau d’excellence remarquable, son ton distinctif immédiatement reconnaissable après seulement quelques notes.
19. Bill Evans (1929 – 1980)
Pianiste de jazz américain, Bill Evans a révolutionné l’approche harmonique du jazz et a développé un style lyrique et introspectif qui a influencé des générations de musiciens. Diplômé en composition classique, il apporte au jazz une sensibilité impressionniste inspirée de Debussy et Ravel.
Son passage dans le sextet de Miles Davis en 1958-59 marque un tournant dans sa carrière, contribuant à l’album “Kind of Blue” et laissant une empreinte indélébile sur cette œuvre majeure. Mais c’est avec son propre trio, notamment celui avec le bassiste Scott LaFaro et le batteur Paul Motian, qu’il développe pleinement sa conception du trio de jazz comme conversation à trois voix égales plutôt que comme soliste accompagné.
Les enregistrements au Village Vanguard en 1961, quelques jours avant la mort tragique de LaFaro dans un accident de voiture, représentent l’apogée de cette approche interactive. Des albums comme “Sunday at the Village Vanguard” et “Waltz for Debby” sont considérés comme des œuvres essentielles du jazz.
Evans a lutté toute sa vie contre l’addiction à l’héroïne puis à la cocaïne, ce qui a affecté sa santé et probablement contribué à sa mort prématurée à 51 ans. Malgré ces difficultés personnelles, il a maintenu un niveau artistique exceptionnel, créant une musique d’une beauté et d’une profondeur émotionnelle rares. Son influence s’étend bien au-delà du jazz, touchant la musique classique et pop.
20. Ornette Coleman (1930 – 2015)
Saxophoniste de jazz. Il sort le disque Free Jazz en 1960 qui a un énorme impact. Propose un jazz axé sur l’improvisation, la libération des conventions établies, grande liberté de rythme et de mélodie.
Critiqué car ses improvisations, notamment par Miles Davis, sont jugées chaotiques. Il rejetait la notion d’accord.
Né à Fort Worth, Texas, Coleman est l’un des innovateurs les plus radicaux de l’histoire du jazz. Son approche, qu’il appelait “harmolodique”, libère l’improvisation des structures harmoniques préétablies, permettant aux musiciens d’improviser librement tout en maintenant une cohérence collective.
Ses premiers albums pour Atlantic Records, notamment “The Shape of Jazz to Come” et “Change of the Century”, ont provoqué des réactions polarisées dans la communauté du jazz. Certains critiques et musiciens l’ont rejeté comme un charlatan qui ne maîtrisait pas son instrument, tandis que d’autres l’ont acclamé comme un visionnaire libérant le jazz de conventions devenues restrictives.
L’album “Free Jazz” (1960), qui a donné son nom à tout un mouvement, présente un double quatuor improvisé collectivement sans structure préétablie pendant près de 40 minutes – une approche révolutionnaire à l’époque. Tout au long de sa carrière, Coleman a continué d’explorer, incorporant des éléments de musique classique, de rock et de musiques du monde, comme dans sa composition symphonique “Skies of America” (1972) et ses collaborations avec le groupe Prime Time qui mêlaient jazz et funk.
En 2007, il reçoit le prix Pulitzer pour son album “Sound Grammar”, une reconnaissance tardive de son importance. Bien que controversé jusqu’à la fin, Coleman a élargi les possibilités expressives du jazz d’une manière que peu de musiciens ont égalée.
21. Nina Simone (1933 – 2003)
Eunice Kathleen Waymon, est devenue Nina SIMONE, un nom dont l’identité rendait hommage à son idole, Simone SIGNORET.
Née en Caroline du Nord, Nina Simone était une pianiste classique formée, chanteuse, compositrice et militante des droits civiques. Son talent musical s’est manifesté très tôt – elle a commencé à jouer du piano à l’âge de trois ans et aspirait à devenir concertiste classique. Après s’être vu refuser l’entrée au Curtis Institute of Music de Philadelphie (une décision qu’elle a toujours attribuée à la discrimination raciale), elle a commencé à se produire dans des clubs de jazz d’Atlantic City pour subvenir à ses besoins.
Son style musical unique fusionnait le jazz avec le blues, la folk, le R&B, le gospel et la musique classique. Sa voix profonde et distinctive et son interprétation intense ont fait d’elle une artiste incomparable. Des chansons comme “Mississippi Goddam”, écrite en réponse à l’assassinat de Medgar Evers et à l’attentat de l’église de Birmingham, et “Four Women” sont devenues des hymnes du mouvement des droits civiques.
Au-delà de son activisme politique, Simone était connue pour son tempérament volatil et ses performances imprévisibles. Plus tard diagnostiquée avec un trouble bipolaire, elle a quitté les États-Unis en 1970, vivant en Barbade, au Liberia, en Suisse, aux Pays-Bas et finalement en France. Malgré ses problèmes personnels, son héritage musical reste puissant, influençant des artistes de tous horizons, de Aretha Franklin à Kanye West. Son autobiographie “I Put a Spell on You” et le documentaire “What Happened, Miss Simone?” offrent un aperçu de sa vie complexe et fascinante.
22. Etta James (1938 – 2012)
Née Jamesetta Hawkins à Los Angeles, Etta James était une chanteuse polyvalente dont la carrière a couvert le rhythm and blues, le soul, le jazz et le rock and roll. Sa voix puissante et émotive pouvait passer du murmure sensuel au rugissement passionné, ce qui lui a valu le surnom de “Miss Peaches” et “la matriarch du blues”.
Découverte à 14 ans par Johnny Otis, elle connaît son premier succès avec “The Wallflower” (également connue sous le nom de “Roll With Me Henry”) en 1955. Son interprétation de “At Last” en 1961 est devenue sa signature et un standard intemporel, mais ce n’est qu’un exemple de son répertoire varié qui inclut des classiques comme “I’d Rather Go Blind”, “Tell Mama” et “Something’s Got a Hold on Me”.
Sa carrière a été marquée par des périodes d’addiction à l’héroïne et à la cocaïne, ainsi que par des troubles juridiques et financiers. Après une période difficile dans les années 1970, elle fait un retour remarqué dans les années 1980 et 1990, remportant plusieurs Grammy Awards et étant intronisée au Rock and Roll Hall of Fame en 1993.
L’influence d’Etta James sur des chanteuses comme Janis Joplin, Christina Aguilera, Adele et Beyoncé (qui l’a interprétée dans le film “Cadillac Records” et a chanté “At Last” lors du bal inaugural du président Obama en 2009) témoigne de son importance durable. Elle est décédée en 2012 des suites de la leucémie, laissant un héritage musical riche et diversifié.
Conclusion
Ces 22 légendes représentent l’évolution et la diversité du jazz à travers plus d’un siècle d’histoire. De Buddy Bolden, dont aucun enregistrement ne subsiste mais dont l’influence est indéniable, aux innovateurs comme Charlie Parker et Ornette Coleman qui ont repoussé les limites du genre, en passant par les grandes voix comme Billie Holiday, Ella Fitzgerald et Nina Simone, chacun a apporté une contribution unique à cette forme d’art américaine qui est devenue universelle.
Le jazz continue d’évoluer et de se réinventer, influençant et étant influencé par d’autres genres musicaux. Des musiciens contemporains comme Wynton Marsalis, Herbie Hancock, Esperanza Spalding et Kamasi Washington poursuivent cette tradition d’innovation tout en honorant l’héritage de ces pionniers.
Plus qu’un simple genre musical, le jazz représente une expression culturelle profonde, née de l’expérience afro-américaine mais transcendant les frontières raciales, nationales et stylistiques. Il incarne l’esprit d’improvisation, de liberté et de dialogue – des valeurs qui résonnent bien au-delà de la musique.
Comme l’a si bien dit Duke Ellington : “Le jazz est la liberté – la liberté de jouer quelque chose qui n’a jamais été joué auparavant.” Cette liberté créative, ce courage d’explorer l’inconnu tout en restant ancré dans une tradition, est l’essence même du jazz et l’héritage durable de ces légendes.
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