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Histoire de l’Empire moghol (1526 – 1707)
jahangir moghol

Publié le 09/11/2016 (m.à.j* le 25/11/2024)
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⏳ Temps de lecture : 11 minutes

Nous sommes au XVIe siĂšcle. C’est l’ñge d’or des sultans ottomans. La progression de leur puissant empire semble irrĂ©sistible. Au mĂȘme moment, un autre Empire, encore plus riche et raffinĂ©, Ă©merge Ă  l’autre extrĂ©mitĂ© du monde musulman, en Inde. Ce sont les Moghols !

taj mahal moghol shah jahan

Le Taj Mahal, plus beau chef d’Ɠuvre de l’art indo-musulman, illustre toute la splendeur de la dynastie moghole. Elle prĂ©side aux destinĂ©es de la majeure partie de l’Inde de 1526 Ă  1707, avant de connaĂźtre une longue agonie jusqu’en 1857. À cette date, la Grande-Bretagne renverse le dernier des Moghols.

Les Anglais achĂšvent un mourant. C’était pourtant une des plus grandes dynasties de l’histoire mondiale, arrivĂ©e d’Asie centrale vers l’Inde plus de trois siĂšcles auparavant.

 

Les Moghols, héritiers de Tamerlan

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Reconstitution du visage de Tamerlan à partir de son crùne | Wikimédia Commons

L’Empire moghol est le fruit de temps troublĂ©s. Ă€ la fin du XIVe siĂšcle, Tamerlan (rĂšgne de 1370 Ă  1405), un chef turco-mongol, ravage la majeure partie de l’Orient par ses conquĂȘtes dĂ©vastatrices. Reprenant le flambeau de Gengis Khan, le conquĂ©rant passe plusieurs dĂ©cennies Ă  affronter ses ennemis en Asie centrale, en Iran, en MĂ©sopotamie, au Levant, en Anatolie (oĂč il bat les Ottomans Ă  Ankara en 1402) et en Inde du nord. Il fonde la dynastie des Timourides. 

Son empire, fragile et mal administrĂ©, ne survit pas au rĂšgne de son fils Shahrokh (mort en 1447). Plusieurs fĂ©dĂ©rations tribales turques se disputent alors le pouvoir Ă  la suite des Timourides. Elles ne rĂ©sistent toutefois pas Ă  l’expansion vers l’est de l’Empire ottoman sous le rĂšgne du sultan Bayezid II (r. 1481 – 1512), ni Ă  l’émergence des Perses safavides, dirigĂ©s par Shah IsmaĂ«l, au dĂ©but du XVIe siĂšcle.

moghol empire timouride
Carte de l’empire de Tamerlan | WikimĂ©dia Commons

En Asie centrale, des guerres Ă©clatent entre diverses branches de la famille de Tamerlan. Babur, l’ambitieux souverain de Ferghana, souhaite restaurer l’empire de son ancĂȘtre et se lance ainsi Ă  la conquĂȘte de son ancienne capitale, Samarkand. Il rĂ©ussit Ă  l’occuper briĂšvement en 1497 mais, aprĂšs divers revers de fortune, il finit par perdre son royaume en 1501.

Babur ne se laisse pas dĂ©monter et part vers le sud. En 1504, il prend Kaboul dont il fait sa base. Mais ses tentatives pour reconstituer un empire en Asie centrale buttent sur l’avance des Ouzbeks, malgrĂ© des succĂšs ponctuels. Contraint de renoncer Ă  l’Asie centrale, Babur se tourne vers l’Inde.

 

Babur, conquĂ©rant moghol de l’Inde

babur moghol inde
Babur, fondateur de la dynastie des Moghols | Wikimédia Commmons

Le conquĂ©rant turc prend la tĂȘte d’une armĂ©e peu nombreuse, mais mobile !

Au dĂ©but des annĂ©es 1520, il attaque l’Inde avec audace ! La chance sourit aux audacieux, comme dirait l’autre. Babur veut aussi jouer sur l’impopularitĂ© du sultan de Delhi, Ibrahim Lodi. En 1526, les armĂ©es de Babur se rendent maĂźtresse du nord de l’Inde aprĂšs avoir Ă©crasĂ© 100 000 ennemis Ă  la bataille de Panipat. L’annĂ©e suivante, ce conquĂ©rant dĂ©fait le Rajput Rana Sangha Ă  Khanwa, malgrĂ© la nette supĂ©rioritĂ© numĂ©rique des troupes de ce dernier. GrĂące Ă  son incroyable audace et sa dĂ©termination, Babur est devenu le nouvel empereur de l’« Hindoustan Â», c’est-Ă -dire l’Inde du nord. 

Mais il n’a pas le temps de gouverner le pays, puisqu’il meurt en 1531. Une lĂ©gende dit qu’il aurait priĂ© Dieu de prendre sa vie pour sauver celle de son fils, Humayun, gravement malade.

Babur, un amoureux des arts

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Image extraite d’une copie de Baburnameh. Babur supervise la crĂ©ation du jardin de la fidĂ©litĂ© | WikimĂ©dia Commons

Loin de n’ĂȘtre qu’un guerrier brutal, Babur s’est Ă©galement distinguĂ© par son amour des arts et
de la boisson. Ce vice, il le transmettra d’ailleurs Ă  plusieurs de ses descendants !

MalgrĂ© son admiration pour la culture persane, il est restĂ© toute sa vie fidĂšle Ă  son hĂ©ritage turco-mongol. Il choisit par exemple d’écrire son Ă©popĂ©e autobiographique, le Baburnameh, en turc chaghatai. Nostalgique de ses terres d’Asie centrale, il trouve que l’Inde est un Â« pays manquant de charme. Â»

 

Le rĂšgne de Humayun : les Moghols en eaux troubles

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Humayun | Wikimédia Commons

Humayun (r. 1531 – 1540) a participĂ© activement aux conquĂȘtes de son pĂšre. Mais, une fois au pouvoir, il ne fait pas preuve du mĂȘme caractĂšre que son pĂšre. CultivĂ© et fin lettrĂ©, le nouvel empereur moghol manque de dynamisme. Son penchant marquĂ© pour l’opium n’arrange pas les choses. Rapidement, il perd ses territoires au nord devant l’avancĂ©e du chef pachtoune Sher Khan. Ce dernier force Humayun Ă  se replier sur Kaboul, avant de fuir vers la Perse safavide. Ce sĂ©jour Ă  la brillante cour de Shah Tahmasp renforce considĂ©rablement la dilection des Moghols pour la culture persane.

Pour l’heure, leur fortune semble avoir tournĂ©. Heureusement, le fragile État de Sher Khan se dĂ©sintĂšgre rapidement aprĂšs sa mort. Humayun peut alors entamer la reconquĂȘte de l’Inde grĂące Ă  la direction efficace de son gĂ©nĂ©ral Bairam Khan. Humayun meurt en 1556, laissant Ă  son hĂ©ritier le soin de reconquĂ©rir le reste des territoires. 

Humayun tombe moghol
La tombe de Humayun, à Delhi | Wikimédia Commons

C’est Ă  son fils Akbar (ce qui signifie en arabe « le grand Â») qu’il revient dĂ©sormais de reconstituer le grand empire de Babur. AprĂšs la mort de son pĂšre, Akbar reprend Agra et entre triomphalement dans Delhi. En 1559, c’est au tour de la puissante forteresse de Gwalior de tomber sous ses coups.

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Le fort de Gwalior | Wikimédia Commons

 

Le rùgne d’Akbar, le grand Moghol

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Akbar

Le nouvel empereur ne se contente pas de restaurer le domaine moghol.

Il l’agrandit.

Akbar, un grand conquérant moghol

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Akbar entraßne un éléphant | Wikimédia Commons

Le rĂšgne d’Akbar (1556-1605) est en effet marquĂ© par de grandes guerres d’expansion dans toutes les directions.

  • À l’ouest, il repousse ses ennemis afghans au-delĂ  de Kaboul et Kandahar.
  • À l’est, il annexe la riche province du Bengale en 1575.
  • Au sud, Akbar s’empare du Gujarat et progresse vers le plateau central du Deccan. Mais il se heurte lĂ  Ă  partir de 1590 Ă  la rĂ©sistance de sultans locaux Ă©nergiques.

Akbar, grand administrateur et mécÚne

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Le Fatehpur Sikri

Akbar ne se contente pas de conquĂ©rir des territoires. Le souverain moghol créé Ă©galement un systĂšme administratif efficace qui s’appuie en large partie sur des forces locales. Il se rapproche ainsi des Rajputs, l’élite militaire de l’Inde septentrionale. Akbar est Ă©galement l’un des plus grands mĂ©cĂšnes de son temps. Ne sachant pas lire (probablement du fait d’une dyslexie), il entretient cependant de nombreux poĂštes de langue persane Ă  sa cour, organise de somptueuses cĂ©rĂ©monies et fait bĂątir des monuments grandioses. 

Une des ses plus belles construction est la ville de Fatehpur Sikri qui lui sert de capitale durant quelques annĂ©es. Ses autres capitales, Agra, Delhi et Lahore, deviennent des centres culturels de premiĂšre importance, admirĂ©s dans l’ensemble du monde musulman.

Un Moghol tolérant

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Une assemblĂ©e religieuse avec deux jĂ©suites dans l’Ibadat Khaneh au Fatehpur Sikri | WikimĂ©dia Commons

L’essor de l’Inde moghole d’Akbar est favorisĂ© par la grande tolĂ©rance religieuse du souverain. L’empereur moghol n’hĂ©site pas Ă  se marier Ă  des femmes hindoues, ni Ă  participer Ă  des cĂ©rĂ©monies traditionnelles indiennes ou encore Ă  accueillir des missionnaires chrĂ©tiens dans son palais. Il fonde mĂȘme sa propre religion, le DĂźn-e-Ilahi, qu’il devra toutefois rapidement abandonner sous la pression des musulmans orthodoxes. Akbar manifeste Ă©galement une dĂ©votion toute particuliĂšre au saint soufi Salim Chishti qui lui a prĂ©dit la naissance de ses enfants.

La fin du rĂšgne du grand empereur est obscurcie par un conflit larvĂ© avec son fils aĂźnĂ©, Selim. Cet enfant adorĂ© de son pĂšre, au fur et Ă  mesure qu’il grandit, se montre en effet de plus en plus impatient de monter sur le TrĂŽne du Paon, d’autant qu’il doit faire face Ă  la compĂ©tition de son frĂšre Mourad. De 1601 Ă  1604, il prend ouvertement les armes avant de se soumettre Ă  nouveau Ă  son pĂšre. Dernier fils survivant du souverain, il accĂšde finalement Ă  la dignitĂ© suprĂȘme en 1605.

 

Le rĂȘve de Jahangir

jahangir moghol

Devenu empereur, Selim prend le nom de Jahangir (r. 1605 – 1672), “le possesseur du monde” en persan. DĂšs sa montĂ©e sur le trĂŽne, Jahangir doit dĂ©faire une rĂ©bellion menĂ©e par son fils Khrosrow. Celui-ci, vaincu, est emprisonnĂ© en 1606. La suite du rĂšgne de Jahangir se rĂ©vĂšlera beaucoup plus pacifique, malgrĂ© quelques campagnes militaires dans le Deccan et le Mewar.

Jahangir ou la splendeur de la culture moghole

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Les jardins de Shalimar du Cachemire | Wikimédia Commons

Le pouvoir de Jahangir s’appuie sur les richesses de l’Inde du nord et l’efficace systĂšme administratif Ă©tabli par son pĂšre. Le Moghol a une grande ambition : faire briller de mille feux son empire en faisant resplendir ses arts et sa culture ! Le nouveau souverain, en effet, a un goĂ»t prononcĂ© pour les arts. Il s’intĂ©resse Ă©galement aux sciences, Ă  la thĂ©ologie et Ă  toutes les autres formes de savoirs. C’est sous son rĂšgne que la peinture moghole atteint son apogĂ©e. Jahangir a aussi un goĂ»t prononcĂ© pour les arts dĂ©coratifs, y compris europĂ©ens. Cet « empereur-artiste » fait ainsi construire les superbes jardins de Shalimar au Cachemire, rĂ©gion dont il apprĂ©cie les paysages montagneux et le climat agrĂ©able. Contrairement Ă  de nombreux empereurs moghols, le monarque manifeste en revanche peu d’intĂ©rĂȘt pour l’architecture monumentale.

Jahangir, un empereur hédoniste

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Portrait idéalisé de Nour Jahan | Wikimédia Commons

L’hĂ©donisme affichĂ© du souverain a plusieurs fois suscitĂ© le scandale. Il est rapidement affectĂ© par son addiction Ă  l’alcool, un mal qui avait dĂ©jĂ  emportĂ© son frĂšre Mourad. Cette dĂ©pendance le rend de moins en moins apte Ă  gouverner son territoire. La relation de Jahangir avec sa femme Nour Jahan (« lumiĂšre du monde Â»), une musulmane sunnite trĂšs orthodoxe, a fortement marquĂ© ses contemporains. D’une grande beautĂ©, cette Persane fait Ă©galement montre d’un grand sens politique. Elle parvient Ă  dĂ©fendre les intĂ©rĂȘts de ses proches et Ă  accroĂźtre son influence auprĂšs de son mari, de plus en plus affaibli par son ivrognerie. Lorsque Jahangir meurt en 1627, Nour Jahan joue un rĂŽle clĂ© dans la guerre de succession qui Ă©clate alors entre ses fils.

 

Shah Jahan l’autoritaire

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Shah Jahan | Wikimédia Commons

AprĂšs le dĂ©cĂšs de Jahangir, les princes Khurram et Sharyar s’affrontent sans merci. Nour Jahan dĂ©cide d’appuyer le second : elle le juge manipulable. Mais c’est bien Khurram qui l’emporte.

Khurram prend le nom de Shah Jahan. Le premier acte de son long rĂšgne de trente ans (1628-1658) est d’exiler sa belle-mĂšre fĂ©lonne.

Shah Jahan, un Moghol autoritaire

Le nouveau souverain est jaloux de son pouvoir. C’est un dirigeant autoritaire qui s’appliquera Ă  perfectionner la machine bureaucratique mise en place par ses prĂ©dĂ©cesseurs. Ainsi, l’annexion des territoires rajputs de Baglana, Mewar et Bundelkhand tĂ©moignent de sa politique centralisatrice. Shah Jahan met en outre fin Ă  la traditionnelle politique de tolĂ©rance des Moghols. Sa politique envers les non-musulmans se durcit. Enfin, plus belliqueux que son pĂšre, Shah Jahan reprend, avec un succĂšs trĂšs relatif, la politique d’expansion traditionnelle des Moghols dans la rĂ©gion du Deccan au Sud. MĂ©fiant Ă  l’égard des EuropĂ©ens, il chasse les Portugais du port de Hugli qu’ils occupaient depuis 1579.

Shah Jahan et l’apogĂ©e de l’architecture moghole

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Les jardins de Shalimar | Wikimédia Commons

Shah Jahan demeure avant tout le souverain de l’apogĂ©e de l’architecture moghole. BĂątisseur passionnĂ©, l’empereur embellit considĂ©rablement les capitales mogholes d’Agra, Delhi et Lahore. Dans cette derniĂšre ville, aujourd’hui situĂ©e au Pakistan, il construit d’autres jardins de Shalimar, du mĂȘme nom que ceux de Jahangir au Cachemire. Il ajoute de nouveaux monuments au fort de Lahore bĂąti par son grand-pĂšre Akbar. À Delhi, Shah Jahan fait construire le Fort Rouge qui lui sert de rĂ©sidence Ă  partir de 1648.

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La plus belle rĂ©alisation de Shah Jahan est incontestablement le Taj Mahal, situĂ© prĂšs d’Agra. Il s’agit d’un mausolĂ©e bĂąti pour sa quatriĂšme femme, Mumtaz Mahal, morte en 1631. Inconsolable de la perte de son Ă©pouse favorite, l’empereur dĂ©cide de lui consacrer le plus beau des monuments de son empire, dont la construction durera vingt-deux ans. ClassĂ© au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1983, le Taj Mahal accueille aujourd’hui plusieurs millions de touristes chaque annĂ©e.

 

Aurangzeb, dernier grand Moghol

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Le rĂšgne de Shah Jahan avait Ă©tĂ© marquĂ© par l’autoritarisme croissant du pouvoir impĂ©rial.

Cette Ă©volution est encore plus nette Ă  partir de 1658. À cette date, Aurangzeb renverse son pĂšre et vainc dĂ©finitivement ses frĂšres pour devenir le sixiĂšme empereur de la dynastie moghole. Il restera quarante-neuf ans au pouvoir jusqu’à sa mort, en 1707, Ă  prĂšs de quatre-vingt-dix ans.

Aurangzeb, la guerre plutĂŽt que la culture

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En orange clair, les limites de l’Empire Moghol Ă  la mort de Babur ; en orange foncĂ©, les limites Ă  la mort d’Akbar ; en rouge, les limites Ă  la mort d’Aurangzeb | WikimĂ©dia Commons

Personnage austĂšre, musulman strict, Aurangzeb ne manifeste pas le mĂȘme intĂ©rĂȘt pour l’art que ses prĂ©dĂ©cesseurs. Son mode de vie, ascĂ©tique, entraĂźne le dĂ©clin de la cour impĂ©riale. La guerre l’intĂ©resse plus que la culture et il passe sa vie Ă  Ă©tendre, souvent pĂ©niblement, ses territoires.

Vers 1700, l’Empire moghol atteint son apogĂ©e territoriale, comprenant alors presque toute l’Inde et le Pakistan actuels ainsi que des territoires en Afghanistan. Ce succĂšs apparent est obtenu au prix de dĂ©cennies de guerre contre les Marathes, dirigĂ©s par le redoutable Shivaji. Au cours de ce conflit, l’immense armĂ©e impĂ©riale doit faire face Ă  une guĂ©rilla dĂ©moralisante tandis que la trĂ©sorerie impĂ©riale se vide progressivement.

À partir de 1705, les Moghols doivent reculer en Inde mĂ©ridionale, mĂȘme s’ils conservent le Deccan.

De nombreuses rĂ©bellions contre un Moghol intolĂ©rant

Les coĂ»teuses campagnes au sud de la pĂ©ninsule indienne nourrissent Ă©galement le mĂ©contentement d’autres provinces. Aurangzeb doit donc faire face Ă  de nombreuses rĂ©bellions : celle des Jats en 1669 puis celles des Satnamis (1672), des Sikhs (Ă  partir des annĂ©es 1670) ou des Pachtouns (Ă  partir de 1672).

Ces rĂ©voltes sont en partie provoquĂ©es par la politique religieuse d’Aurangzeb. Bien plus orthodoxe que ses prĂ©dĂ©cesseurs, Shah Jahan compris, Aurangzeb multiplie les vexations Ă  l’égard des non-musulmans, en procĂ©dant notamment Ă  la destruction d’importants temples hindous. En mĂȘme temps, le droit en vigueur dans l’Empire moghol subit une influence islamique croissante.

À sa dĂ©charge, l’empereur n’a pas procĂ©dĂ© Ă  des conversions forcĂ©es de populations, pas plus qu’il n’a exclu les fonctionnaires non-musulmans de son administration.

Quelques rares réalisations culturelles

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La mosquée Badshahi | Wikimédia Commons

Si le dĂ©clin culturel de l’Inde est incontestable sous le rĂšgne d’Aurangzeb, celui-ci n’en a pas moins construit quelques rares beaux monuments. Le plus imposant de tous est la mosquĂ©e Badshahi de Lahore, un joyau de l’architecture indo-musulmane. À l’inverse, le mausolĂ©e dĂ©diĂ© Ă  sa premiĂšre Ă©pouse, Dilras Banu prĂ©sente un aspect Ă©trange du fait de ses proportions maladroites.

Aurangzeb reste aujourd’hui encore un personnage controversĂ©. Ce n’était pas, de prime abord, un souverain dĂ©nuĂ© de qualitĂ©s : dynamique, efficace Ă  l’armĂ©e, brave, son austĂ©ritĂ© contrastait avec l’indolence de Jahangir ou la faiblesse de Humayun.

Mais, en rompant avec la politique prudente et tolĂ©rante de ses prĂ©dĂ©cesseurs, il a fragilisĂ© l’empire. De nombreux segments de la sociĂ©tĂ© indienne se satisfaisaient de moins en moins du pouvoir moghol et l’empire s’est appauvri, culturellement et financiĂšrement. 

 

La fin des Moghols

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Le drapeau des Moghols

Aurangzeb Ă©tait le dernier des grands empereurs moghols. Ses faibles successeurs ne parviendront pas Ă  maintenir l’unitĂ© de l’Empire. Au XVIIIe siĂšcle, cet ensemble de territoires disparates patiemment assemblĂ© par ces souverains d’origine Ă©trangĂšre s’effondre trĂšs rapidement. Il laisse place Ă  la confusion. FragmentĂ©e, en proie Ă  de violents conflits internes, l’Inde n’a alors plus les moyens de rĂ©sister Ă  la poussĂ©e coloniale britannique. La Compagnie des Indes orientales tire en effet parti du chaos qui rĂšgne dans la pĂ©ninsule pour y avancer ses pions et, petit Ă  petit, la conquĂ©rir.

L’ñge d’or des Moghols reprĂ©sente l’apogĂ©e de la civilisation islamique en Inde. Ce sommet, elle n’a pu l’atteindre que par l’absorption d’influences locales et Ă©trangĂšres. C’est le miracle de la tolĂ©rance du pouvoir impĂ©rial.

Aujourd’hui, dans une Inde dominĂ©e par l’Hindouisme, l’hĂ©ritage des Moghols porte toujours Ă  controverse. Si l’empereur Akbar, considĂ©rĂ© comme un souverain tolĂ©rant et Ă©clairĂ©, est profondĂ©ment respectĂ©, ce n’est pas le cas pour tous les empereurs. L’historiographie nationale indienne dĂ©nigre Aurangzeb et cĂ©lĂšbre mĂȘme son principal ennemi Shivaji. À l’inverse, au Pakistan musulman, cet hĂ©ritage est valorisĂ© et considĂ©rĂ© comme l’un des piliers d’une identitĂ© nationale par ailleurs trĂšs fragile.