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« OK » : quelle est l’origine de ce mot ? Étymologie

Publié le 21/07/2025
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⏳ Temps de lecture : 6 minutes

L’universalité d’un mot mystérieux

Vous l’entendez partout. Dans les bureaux parisiens, les marchés de Tokyo, les cafés de São Paulo. “OK” traverse toutes les frontières linguistiques avec une facilité déconcertante. Ce petit mot de deux lettres constitue probablement l’expression la plus reconnue au monde après “Coca-Cola”.

Mais d’où vient cette puissance universelle ? La réponse se cache dans une histoire fascinante, mêlant journalisme satirique, politique américaine et pure coïncidence historique.

Ce qu’il faut retenir

  • Première apparition : Boston Morning Post, 23 mars 1839

  • Origine réelle : abréviation de « oll korrect » (all correct)

  • Survie politique : club « OK » de Martin Van Buren

  • Arrivée en France : soldats américains en 1944

  • Universalité moderne : mot le plus reconnu mondialement

Un phénomène linguistique sans précédent

Aucun autre mot n’a conquis autant de langues aussi rapidement. Le mandarin l’adopte (好的), l’arabe l’intègre (أوكي), le swahili l’accepte sans modification. Cette adoption universelle soulève une question fondamentale : pourquoi “OK” plutôt qu’une autre expression ?

Les réponses douteuses

“Ok”, “o.k.” ou “okay” est une locution d’origine anglo-américaine. Elle est synonyme de « d’accord ». L’origine de cette locution est longtemps restée mystérieuse. De nombreuses hypothèses, parfois fantaisistes, ont été avancées. Selon elles, “Ok” aurait été tiré :

  • du nom du port haïtien :“Aux Cayes” ;
  • du français de Louisiane “au quai” ;
  • de l’allemand alles korrect, ohne korrektur ou Ober-Kommando (après la participation d’Allemands à la guerre d’indépendance des États-Unis) ;
  • du Chocktaw (une langue amérindienne) okeh ;
  • de l’écoassais och aye ;
  • du grec olla kalla ;
  • du latin omnes correcta, etc.

Pourquoi tant de théories erronées ?

Cette multiplication des hypothèses révèle un phénomène fascinant. Quand l’origine d’un mot reste obscure, l’imagination humaine comble les vides. Chaque culture tente de rattacher “OK” à sa propre tradition linguistique.

Hypothèse Origine supposée Problème principal
“Aux Cayes” Port haïtien Aucune trace historique
“Au quai” Français de Louisiane Chronologie incompatible
“Okeh” Langue chocktaw Pas de documentation fiable

Une hypothèse plus vraisemblable avance que “ok” aurait été l’abréviation de “0 killed” pendant la guerre de Sécession. Toutefois, rien n’atteste cette dernière hypothèse, ni les autres qui précèdent.

L’attrait des explications militaires

L’hypothèse du “0 killed” séduit par sa simplicité apparente. Elle joue sur notre fascination pour les origines dramatiques. Pourtant, aucun document militaire de l’époque ne confirme cet usage. Les archives de la guerre de Sécession regorgent de rapports détaillés, mais aucun ne mentionne cette abréviation.

Origine de OK : quelle est-elle ? étymologie

Cependant, l’étymologiste américain Allan Walker Read (revue American Speech) semble avoir trouvé la plus vieille occurrence écrite de “ok” et son explication. Elle se trouve dans un article du Boston Morning Post du 23 mars 1839. Celui-ci parle d’un étrange groupe, l’Anti-Bell Ringing Society (ABRS), qui s’était constitué pour interdire la sonnerie des cloches à l’heure du dîner.

The “Chairman of the Committee on Charity Lecture Bells,” is one of the deputation, and perhaps if he should return to Boston, via Providence, he of the Journal, and his train-band, would have his “contribution box,” et ceteras, o.k.—all correct—and cause the corks to fly, like sparks, upward.

La révolution des abréviations bostonniennes

Imaginez Boston en 1838. Les journalistes s’amusent avec les mots comme des enfants avec des jouets. Cette mode des abréviations humoristiques transforme la presse locale en laboratoire linguistique. Les rédacteurs rivalisent d’inventivité, créant des codes que seuls les initiés comprennent.

Boston connaît alors, depuis l’été 1838, une manie des abréviations. « OK » est l’une d’elle : l’abréviation de all correct, « tout est bon », « tout est bien », orthographié “oll korrect”. On peut aussi citer i.s.b.d pour it shall be done ou r.t.b.s pour remains to be seen, o.w. pour oll wright (all right, d’accord).

Le génie de la déformation orthographique

Pourquoi écrire “oll korrect” au lieu de “all correct” ? Cette déformation intentionnelle révèle l’esprit ludique de l’époque. Les journalistes imitent les fautes d’orthographe populaires, créant une complicité avec leurs lecteurs. C’est exactement comme si vous écriviez “kool” au lieu de “cool” aujourd’hui.

Cette orthographe fantaisiste n’est pas anodine. Elle transforme “OK” en code secret partagé, renforçant son côté mémorable. Si vous avez un doute sur l’orthographe d’autres mots, vous pouvez utiliser notre correcteur d’orthographe pour vérifier vos textes.

Cette abréviation aurait survécu parce que les soutiens du candidat à la présidence des États-Unis Martin Van Buren (le huitième président des États-Unis, de 1837 à 1841) ont créé un club nommé le “OK Club”. OK était une abréviation de “Old Kinderhook”, Kinderhook étant le surnom de Martin Van Buren, né à Kinderhook.

La stratégie politique géniale

Voici où l’histoire devient fascinante. Les partisans de Van Buren ne choisissent pas “OK” par hasard. Ils créent un double sens publicitaire parfait : “Old Kinderhook” ET “all correct”. Imaginez l’efficacité du slogan !

✅ “Vote OK – Our Kinderhook is all correct!” (forme correcte)
⛔ “Vote for the Old Kind of Hook” (forme incorrecte – pas le vrai slogan)

Cette coïncidence linguistique explique pourquoi “OK” survit quand d’autres abréviations disparaissent. Les campagnes politiques amplifient sa diffusion à travers tout le pays.

L’expansion géographique fulgurant

De Boston, “OK” se répand avec la vitesse du télégraphe. Les opérateurs télégraphiques adoptent rapidement cette abréviation pratique. Deux lettres simples remplacent des phrases entières : économie de temps et d’argent garantie.

L’histoire de ce mot a été reprise dans un livre d’Allan Metcalf, OK: The Improbable Story of America’s Greatest Word.

L’arrivée en France : une adoption progressive

En français, ce mot est rare avant la Deuxième Guerre mondiale. Il fait aujourd’hui pleinement parti du langage courant. On peut le trouver à l’avant-guerre :

[…] Ce qu’ils peuvent être jolis à voir tous les deux ! Deux amours, on peut le dire !

Noel. – Ah ! oui, c’est gentil ! (Un peu plus grave.) C’est okay !

Candide, 23 novembre 1933

Les soldats américains, vecteurs involontaires

La vraie révolution arrive en 1944. Le débarquement de Normandie transforme “OK” en passeport linguistique. Les GI’s utilisent cette expression des milliers de fois par jour. Les Français l’adoptent par nécessité pratique, puis par habitude.

Cette période historique marque un tournant décisif. “OK” passe du statut d’américanisme exotique à celui d’outil de communication indispensable.

Exemples d’usage moderne en français

Aujourd’hui, vous employez “OK” dans trois contextes principaux :

✅ “D’accord, c’est OK pour moi” – accord explicite (forme correcte)
✅ “Ton travail est OK” – approbation modérée (forme correcte)
✅ “OK, on se retrouve à 18h” – accusé de réception (forme correcte)

Les variantes modernes et leurs nuances

Chaque époque réinvente “OK”. Les SMS introduisent “k”, les réseaux sociaux popularisent “okay”. Cette flexibilité orthographique explique en partie sa survie face aux modes linguistiques changeantes.

Déclinaisons par support de communication

Votre usage de “OK” révèle des nuances subtiles selon le contexte :

Support Forme utilisée Connotation
SMS/WhatsApp “k” ou “ok” Décontracté, rapide
Email professionnel “OK” ou “d’accord” Formel mais accessible
Conversation orale “okay” Naturel, universel

L’impact sur la langue française contemporaine

Faut-il s’inquiéter de cette invasion ? Pas vraiment. “OK” enrichit le français sans l’appauvrir. Il comble un vide expressif, offrant une neutralité émotionnelle que “d’accord” ne possède pas toujours.

Cette intégration réussie démontre la vitalité adaptative de notre langue. Le français n’absorbe que les mots utiles, rejetant naturellement les emprunts superflus.

Conclusion : un mot, une épopée

De la plaisanterie journalistique bostonienne au phénomène linguistique planétaire, “OK” illustre parfaitement comment naissent les universaux du langage. Sa survie tient à trois facteurs décisifs : simplicité phonétique, utilité pratique et timing historique parfait.

Vous l’utilisez désormais en connaissance de cause. Chaque fois que vous prononcez ces deux lettres magiques, vous perpétuez une tradition née de l’humour américain du XIXème siècle. Une belle revanche pour un simple jeu de mots devenu patrimoine linguistique mondial.

Testez vos connaissances sur l’origine du mot « OK »


Dans quel journal américain trouve-t-on la première occurrence écrite de « OK » ?

Boston Morning Post

New York Times

Washington Post

Le Boston Morning Post du 23 mars 1839 contient la première trace écrite documentée de « OK » selon l'étymologiste Allan Walker Read.

« OK » est l'abréviation de quelle expression orthographiée de façon fantaisiste ?

« oll klean »

« oll korrect »

« oll klear »

« OK » vient de « oll korrect », une déformation humoristique de « all correct » pratiquée par les journalistes bostoniens en 1838-1839.

Le club « OK » créé pour Martin Van Buren faisait référence à quel surnom ?

« Old Kentucky »

« Old Kinderhook »

« Old Kansas »

« Old Kinderhook » était le surnom de Martin Van Buren, né à Kinderhook, créant ainsi un double sens publicitaire génial avec « all correct ».

Quelle hypothèse sur l'origine de « OK » est totalement fausse ?

Abréviation de « all correct »

Abréviation de « 0 killed »

Lien avec Martin Van Buren

L'hypothèse « 0 killed » de la guerre de Sécession n'est attestée par aucun document militaire de l'époque, contrairement à l'origine bostonienne documentée.

Quand « OK » s'est-il vraiment popularisé en France ?

Première Guerre mondiale

Débarquement de Normandie 1944

Années 1960

Bien que quelques occurrences existent avant-guerre, « OK » s'est massivement répandu en France avec l'arrivée des soldats américains lors du débarquement de 1944.