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Oxymore : définition et exemples (figure de style)
oxymore definition signification figure de style

Publié le 05/07/2025
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Un oxymore (synonyme : alliance de mots) est une figure de style par laquelle on allie deux termes qui semblent se contredire. On rapproche de manière paradoxale des termes qui peuvent paraître contraires. En d’autres termes, dans l’oxymore, un même objet a des qualités contradictoires. Cette alliance de mots contraires n’est pas une alliance incompatible, elle crée un sens. Les termes contradictoires d’un oxymore doivent toujours appartenir à la même entité de mots (au même syntagme, cela ne peut pas être deux phrases séparées l’une de l’autre).

Ce qu’il faut retenir

  1. L’oxymore unit deux mots contradictoires : « silence éloquent ».

  2. Il crée un impact immédiat en surprenant le lecteur.

  3. L’oxymore révèle des nuances subtiles : « douce violence ».

  4. Il oblige à réfléchir pour saisir le sens caché.

  5. Différent de l’antithèse, il rapproche des termes contigus.

Caractéristiques essentielles de l’oxymore

L’oxymore possède plusieurs caractéristiques fondamentales qui le distinguent des autres figures de style. La proximité immédiate des termes contradictoires constitue sa première spécificité. Contrairement à d’autres procédés rhétoriques, l’oxymore exige une contiguïté syntaxique : les mots opposés doivent se toucher directement dans la phrase.
Cette figure de style fonctionne selon un principe de tension créatrice. Loin de s’annuler mutuellement, les termes contradictoires génèrent une signification nouvelle. Cette signification émergente dépasse la simple somme des parties. Vous découvrez alors un sens que ni l’un ni l’autre des termes ne possédait isolément.

Deux exemples d’oxymore : obscure clarté, orgueilleuse faiblesse

Le dramaturge Corneille nous a donné le plus célèbre exemple d’oxymore :

  • Cette obscure clarté qui tombe des étoiles Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles ; (Le Cid, IV, 3)

Dans cet exemple, l’oxymore se trouve dans obscure clarté. De prime abord, on considère que la clarté, ce qui est clair, ne peut pas être obscur. La plupart du temps, l’oxymore associe un nom avec un adjectif. Mais l’oxymore peut s’appliquer à d’autres groupes de mots : nom et complément du nom, nom et adverbe, etc.

Autre exemple. Racine a créé un autre oxymore célèbre :

  • Moi-même, je l’avoue avec quelque pudeur, Charmé de mon pouvoir et plein de ma grandeur, Ces noms de roi des rois et de chef de la Grèce Chatouillaient de mon coeur l’orgueilleuse faiblesse. (Racine, Iphigénie, I, 1)

L’oxymore se trouve bien sûr sur les termes orgueilleuse faiblesse.

Analyse technique des structures oxymoriques

Ces exemples illustrent parfaitement la mécanique interne de l’oxymore. Dans “obscure clarté”, vous observez comment l’adjectif “obscure” module le substantif “clarté” sans l’annuler. L’effet produit transcende la simple contradiction logique.
De même, “orgueilleuse faiblesse” révèle une complexité psychologique que les termes pris séparément ne sauraient exprimer. Cette faiblesse n’est pas honteuse. Elle tire sa force de l’orgueil même qui la nourrit. Racine dévoile ainsi les paradoxes intimes de l’âme humaine.

Beauté tragique – L’oxymore fonctionne car il exprime une beauté qui naît de la souffrance (forme correcte)
Très petit – Simple intensification, aucune contradiction réelle entre les termes (forme incorrecte)

À lire en cliquant ici : la liste de toutes les figures de style essentielles de la langue française.

À quoi servent les oxymores ?

Les oxymores sont des alliances surprenantes de mots. Les auteurs veulent ainsi stupéfier leurs lecteurs et les amener à reconsidérer leur perception habituelle des choses. Ainsi, on parle souvent d’un silence éloquent. Comment un silence peut-il être éloquent, c’est-à-dire comment peut-il « bien parler » ? On comprend pourtant tout de suite le sens de cet oxymore : parfois, un silence en dit bien plus qu’un long discours.
Reprenons notre exemple de « l’obscure clarté » de Corneille. C’est une réplique de Don Rodrigue, qui attend près de la mer, la nuit, l’attaque des Maures. Utiliser cet oxymore ne semble-t-il pas plus vrai, plus clair pour parler de la lumière produite par les étoiles dans la nuit, plutôt qu’écrire à la place « la faible clarté nocturne des étoiles qui nous laissait voir les voiles » ? Dans l’obscure clarté, cette clarté, malgré son obscurité, reste une clarté qui illumine la nuit. La clarté domine en quelque sorte l’obscurité.

Devant un oxymore, il faut se demander quel est le terme qui domine.

Notre deuxième exemple, tiré d’Iphigénie, associe paradoxalement la faiblesse et l’orgueil. Comment peut-on être orgueilleux de sa propre faiblesse ? On attendrait plutôt honteuse faiblesse. Le contexte l’explique : Agamemnon, qui est le personnage qui dit cet oxymore, malgré un premier mouvement de répugnance, est finalement prêt à sacrifier sa propre fille Iphigénie pour vaincre les Troyens, par amour de son propre pouvoir et par amour de lui-même. Son orgueil est sa faiblesse, qui lui fait aimer le pouvoir, parce qu’il s’aime trop lui-même. L‘orgueilleuse faiblesse d’Agamemnon rend en définitive le personnage peu sympathique.

Les fonctions expressives de l’oxymore

L’oxymore remplit plusieurs fonctions expressives essentielles. Il permet d’abord une condensation sémantique remarquable. En deux mots, vous exprimez une idée complexe qui nécessiterait normalement plusieurs phrases d’explication.
Cette figure de style génère également un effet de saisissement. Elle oblige votre esprit à s’arrêter, à réfléchir. Pourquoi ces mots contradictoires sont-ils assemblés ? Quel sens nouveau émerge de cette alliance ? Cette pause cognitive favorise une mémorisation durable du message.

L’oxymore révèle enfin des nuances psychologiques subtiles. Il excelle à traduire les états d’âme ambivalents, les sentiments mélangés, les situations paradoxales. Il devient alors l’outil privilégié pour exprimer la complexité humaine.

Oxymore et antithèse

En quoi l’antithèse se distingue-t-elle de l’oxymore ? Une antithèse ne consiste pas à accoler deux termes contraires l’un à l’autre. Elle consiste plutôt à allier deux propositions ou deux groupes de mots contraires l’un de l’autre. On essaie ainsi de faire ressortir un contraste. Montesquieu nous donne ici un bon exemple par cette antithèse : « Non, j’ai pu vivre dans la servitude, mais j’ai toujours été libre. » (Montesquieu, Lettres Persanes)

Montesquieu fait ici contraster le fait que, même si son personnage a vécu dans un régime politique où la servitude règne, il a toujours été intérieurement libre. S’il avait usé d’un oxymore, il aurait pu écrire : « J’ai vécu dans une libre servitude. ». L’oxymore change le sens de la phrase de Montesquieu. La « libre servitude » est une notion plus ambiguë, elle peut aussi vouloir dire que l’on consent à sa servitude ou que l’on se sent libéré par sa servitude.

Tableau comparatif des figures de style

Figure de style Structure Effet produit Exemple
Oxymore Mots contradictoires accolés Sens nouveau par fusion Douce violence
Antithèse Propositions opposées Contraste par opposition Riche par l’argent, pauvre par l’âme
Paradoxe Idée apparemment contradictoire Réflexion sur la logique Plus on sait, moins on sait

Étymologie d’oxymore

Oxymore vient du grec oxumôron, ὀξύμωρος, « fin sous une apparence de niaiserie », « ingénieuse alliance de mots contradictoires », composé d’oxy (aigu, spirituel, effilé) et de môros (épais, sot, mou). Le terme oxymore est donc lui-même un oxymore.

Évolution historique du terme

Cette étymologie révèle la subtilité conceptuelle des anciens Grecs. Ils avaient saisi que certaines expressions dépassent la logique ordinaire pour atteindre une vérité supérieure. L’oxymore grec désignait déjà cette intelligence paradoxale qui émerge de la contradiction apparente.
Le terme a traversé les siècles en conservant sa puissance évocatrice. Du grec ancien au français moderne, il a gardé sa capacité à désigner ces alliances de mots qui révèlent plus qu’elles ne cachent. Cette permanence témoigne de l’universalité du procédé dans l’expression humaine.

Exemples d’oxymores

  • Un silence assourdissant.
  • Un mort-vivant.
  • Festina lente (« Hâte-toi lentement ! »).
  • (Argan) Par ma foi, voilà un beau jeune vieillard pour quatre-vingt-dix ans ! (Molière, Le Malade imaginaire, III, 10)
  • Le nom du conte de Voltaire Micromegas associe micro (petit en grec) et megas (grand en grec).
  • Dans l’exemple suivant, Voltaire utilise bien sûr l’oxymore boucherie héroïque pour tourner en dérision le meilleur des mondes où la guerre fauche nombre de vies : La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d’hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu’il put pendant cette boucherie héroïque. (Voltaire, Candide)
  • Hugo a écrit ce sublime oxymore à propos de la mort de Gavroche : « Cette petite grande âme venait de s’envoler. » (Victor Hugo, Les Misérables)
  • Hugo se moque ici de l’être humain qui se glorifie d’une histoire faite de guerres et de meurtres : Je sais que c’est la coutume D’adorer ces nains géants Qui, parce qu’ils sont écume, Se supposent océans ; (Victor Hugo, Les Contemplations, XVIII)
  • L’oxymore « Soleil noir », employé ici par Nerval, est un lieu commun du langage poétique :

Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé, Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie : Ma seule Etoile est morte, – et mon luth constellé Porte le Soleil noir de la Mélancolie. (Nerval, El Desdichado)

  • Le simple oxymore sublime horreur ramasse le portrait fait par Balzac du colonel Chabert, entre horreur et sublimation :

Les bords du chapeau qui couvrait le front du vieillard projetaient un sillon noir sur le haut du visage. Cet effet bizarre, quoique naturel, faisait ressortir, par la brusquerie du contraste, les rides blanches, les sinuosités froides, le sentiment décoloré de cette physionomie cadavéreuse. Enfin l’absence de tout mouvement dans le corps, de toute chaleur dans le regard, s’accordait avec une certaine expression de démence triste, avec les dégradants symptômes par lesquels se caractérise l’idiotisme, pour faire de cette figure je ne sais quoi de funeste qu’aucune parole humaine ne pourrait exprimer. Mais un observateur, et surtout un avoué, aurait trouvé de plus en cet homme foudroyé les signes d’une douleur profonde, les indices d’une misère qui avait dégradé ce visage, comme les gouttes d’eau tombées du ciel sur un beau marbre l’ont à la longue défiguré. Un médecin, un auteur, un magistrat eussent pressenti tout un drame à l’aspect de cette sublime horreur dont le moindre mérite était de ressembler à ces fantaisies que les peintres s’amusent à dessiner au bas de leurs pierres lithographiques en causant avec leurs amis.

Balzac, Le Colonel Chabert

  • Rimbaud utilise aussi de nombreuses fois l’oxymore pour mieux appuyer le récit de ses illuminations :

Élan insensé et infini aux splendeurs invisibles, aux délices insensibles, – et ses secrets affolants pour chaque vice – et sa gaîté effrayante pour la foule – (Rimbaud, Illuminations, Solde)

  • On retrouve aussi de nombreux oxymores chez Baudelaire :

Mon enfant, ma soeur, Songe à la douceur D’aller là-bas vivre ensemble ! Aimer à loisir, Aimer et mourir Au pays qui te ressemble ! Les soleils mouillés De ces ciels brouillés Pour mon esprit ont les charmes Si mystérieux De tes traîtres yeux, Brillant à travers leurs larmes.

L’invitation au voyage

Tout l’hiver va rentrer dans mon être : colère, Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé, Et, comme le soleil dans son enfer polaire, Mon coeur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacé.

Chant d’automne

Oxymores dans la langue contemporaine

L’oxymore ne se limite pas à la littérature classique. Il irrigue notre langue quotidienne avec une vitalité surprenante. Vous employez régulièrement des oxymores sans vous en apercevoir. Cette banalisation témoigne de leur efficacité expressive.
Observez ces expressions courantes : “un géant minuscule”, “une sage folie”, “un froid brûlant”, “un silence parlant”. Chacune révèle une nuance sémantique impossible à rendre autrement. L’oxymore devient alors un outil de précision linguistique remarquable.

Guerre propre – Contradiction révélatrice d’une réalité complexe (forme correcte)
Réalité virtuelle – Oxymore technologique exprimant un nouveau concept (forme correcte)
Assez peu – Nuance d’intensité sans véritable contradiction (forme incorrecte)

Exemples d’oxymores en politique


Ce célèbre slogan de campagne permet de rassurer l’électorat : la force d’un programme ambitieux (le socialisme, l’appropriation collective des moyens de productions, qui supposait des réformes importantes voire…une révolution économique) tout en s’enracinant dans les traditions du pays (la notion communiquée par tranquille), loin de tout renversement. C’est en quelque sorte un changement dans la continuité. Parfois, le vocabulaire politique utilise l’oxymore pour faire passer une message idéologique (bon ou mauvais) : le commerce équitable, une guerre propre, la discrimination positive, etc.

L’oxymore dans la publicité et le marketing

Les publicitaires exploitent habilement la puissance évocatrice de l’oxymore. Cette figure de style permet de créer des slogans mémorables qui marquent les esprits. Vous retenez facilement ces formules paradoxales qui interpellent votre logique habituelle.
Des expressions comme “luxe abordable”, “simplicité sophistiquée” ou “tradition innovante” parsèment les discours commerciaux. Elles promettent l’impossible : concilier des qualités normalement exclusives. Cette promesse, même illusoire, séduit le consommateur en quête d’exceptions.

L’oxymore publicitaire fonctionne comme un miroir aux alouettes linguistique. Il fait briller ce qui devrait ternir.

Comment reconnaître un oxymore efficace

Tous les oxymores ne se valent pas. Certains révèlent des vérités profondes, d’autres restent des artifices vides. Pour distinguer un oxymore réussi, vous devez analyser sa capacité révélatrice. Un bon oxymore dévoile une dimension cachée de la réalité.
L’oxymore efficace possède une nécessité interne. Il ne résulte pas d’un simple jeu de mots gratuit. Sa contradiction apparente révèle une vérité plus profonde que la logique ordinaire ne saurait exprimer. Cette révélation constitue sa véritable valeur.

Un oxymore réussi génère également une émotion spécifique. Il produit un trouble, une interrogation, une révélation. Cette charge émotionnelle distingue l’oxymore artistique du simple rapprochement fortuit de mots contradictoires.

Questions fréquentes sur l’oxymore

Vous vous demandez souvent comment identifier avec certitude un oxymore ? La réponse tient dans la proximité immédiate des termes contradictoires. Si les mots opposés sont séparés par plusieurs autres mots, il s’agit probablement d’une autre figure de style.
L’oxymore doit-il toujours choquer ? Non. Certains oxymores sont devenus si familiers qu’ils ne surprennent plus. “Doux-amer”, “noir et blanc”, “aigre-doux” appartiennent désormais au vocabulaire courant. Leur origine oxymorique s’est estompée dans l’usage.

Peut-on créer ses propres oxymores ? Absolument. La créativité linguistique n’a pas de limites. Vous pouvez inventer des oxymores originaux à condition qu’ils révèlent une vérité nouvelle ou expriment une émotion authentique. L’originalité ne suffit pas : il faut aussi la pertinence sémantique.

Si vous doutez de l’orthographe d’un oxymore que vous créez, n’hésitez pas à utiliser notre correcteur d’orthographe pour vérifier la justesse de votre expression.

  1. Identifiez la contradiction : Les termes s’opposent-ils vraiment ?
  2. Analysez la proximité : Les mots contradictoires sont-ils contigus ?
  3. Cherchez le sens nouveau : Quelle signification émergente découvrez-vous ?
  4. Évaluez l’effet produit : L’oxymore révèle-t-il une vérité cachée ?

L’oxymore dans d’autres traditions linguistiques

L’oxymore transcende les frontières linguistiques. Chaque culture développe ses propres alliances paradoxales de mots. Cette universalité révèle un besoin humain fondamental : exprimer les complexités existentielles qui échappent à la logique simple.
En anglais, “deafening silence” (silence assourdissant) ou “living death” (mort vivante) illustrent cette même tension créatrice. L’espagnol offre “silencio elocuente” (silence éloquent), l’italien “dolce amaro” (doux-amer). Chaque langue forge ses propres contradictions révélatrices.

Cette convergence interculturelle suggère que l’oxymore répond à un besoin expressif universel. Il permet de saisir les paradoxes fondamentaux de l’existence humaine : la beauté tragique, la faiblesse forte, la lumière obscure qui éclaire nos vies.

Testez vos connaissances sur l’oxymore


Qu'est-ce qu'un oxymore ?

Alliance de deux mots contradictoires

Répétition d’un même mot

Opposition de deux phrases

L'oxymore est une figure de style qui unit deux mots aux sens contradictoires dans un même syntagme.

Dans « obscure clarté », quel terme domine selon l'analyse ?

L’obscurité

La clarté

Aucun des deux

Dans cet oxymore de Corneille, la clarté domine l'obscurité car elle permet tout de même de voir.

Quelle différence principale sépare oxymore et antithèse ?

L’antithèse unit des mots contigus

L’oxymore unit des mots contigus

Il n’y a aucune différence

L'oxymore unit des mots contigus contradictoires, tandis que l'antithèse oppose des propositions entières.

Lequel de ces exemples est un véritable oxymore ?

Très petit

Silence éloquent

Grande maison

« Silence éloquent » est un oxymore car il unit silence et éloquence, deux concepts contradictoires.

Peut-on créer de nouveaux oxymores ?

Oui, avec pertinence et créativité

Non, seuls les classiques existent

Seulement en poésie

Oui, on peut créer des oxymores originaux à condition qu'ils révèlent une vérité ou expriment une émotion authentique.