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Antithèse : définition simple & exemples (figure de style)

Publié le 05/09/2017 (m.à.j* le 16/03/2024)
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L’antithèse (ou alliance d’idées) est une figure par laquelle on oppose très fortement deux termes ou deux ensembles de termes contraires. Cette figure de style oppose des idéesL’antithèse est aussi, selon le Gradus, un moyen de mettre en relief une idée principale en présentant une idée inverse que l’on écarte ou que l’on nie. Exemple : « Être ou ne pas être » (Shakespeare, Hamlet, III, 1). Ce vers célébrissime de Hamlet est l’exemple le plus simple d’antithèse : la proposition « Être » s’oppose à la proposition « ne pas être ». La symétrie entre les deux propositions contraires (Être / ne pas être) renforce l’effet de contraste. Autre exemple : « Ça et rien d’autre ! »

L’antithèse est ici un procédé de soulignement (on insiste pour avoir « ça » et rien que « ça »). 

À lire en cliquant ici : la liste des figures de style essentielles de la langue française

L’antithèse, une figure par opposition

En opposant des termes ou ensemble de termes par une structure binaire, l’antithèse scinde le monde en deux. Commode pour les orateurs, elle permet de mettre en avant une vision manichéenne du monde, de souligner conflits et paradoxes. L’antithèse permet aussi de mettre l’accent sur un dilemme. Dans cette perspective, l’antithèse a une valeur éminemment tragiqueDu point de vue stylistique, l’antithèse crée un effet de surprise. Elle met en lumière une qualité. Son rythme particulier lorsqu’elle est associée à un parallélisme ou un chiasme donne plus de force à l’expression de vérités générales.

Exemple : À père avare, fils prodigue

 

Antithèse et oxymore

La différence est simple :

  • L’antithèse oppose deux éléments distincts alors que
  • l’oxymore se porte sur un même élément qui a des qualités contradictoires. 

Exemple d’oxymore

Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles ;

Le Cid, IV, 3, Rodrigue

L’obscurité est ici « claire ». Un même élément, l’obscurité, possède deux qualités contradictoires : l’obsucrité et la clarté. Si l’on se risquait à réécrire ce vers de Corneille avec une antithèse, il pourrait se transformer comme suit : « Une obscurité tombait sur la clarté des étoiles ». Autre exemple : si l’on reprend le vers « Être ou ne pas être » tiré de Hamlet et que l’on souhaite en faire un oxymore, il faudrait alors que Hamlet s’exprime sur lui même en disant : « Je suis un être inexistant ». 

Antithèse, chiasme et parallélisme

L’antithèse est souvent associée au chiasme et au parallélisme :

  • Le chiasme :
    • Il faut manger pour vivre et non vivre pour manger
    • J’aurais tant aimé cependant
      Gagner (a) pour vous (b) pour moi (b) perdant (a) – Aragon, J’entends, j’entends
  • Le parallélisme :
    • Je l’aime, je le fuis ; Titus m’aime, il me quitte (Racine, Bérénice, V, 7, Bérénice)
    • Tel qui rit vendredi, pleurera dimanche
    • Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras
    • Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux

À lire ici : la liste des figures de style essentielles de la langue française

Étymologie

Antithèse vient du grec anti, c’est-à-dire « contre », et thêsis, θέσις « thèse, action de poser une thèse, un principe, une proposition ».

Exemples d’antithèses

De nombreux titres de livres sont construit sur une antithèse :

  • Le Rouge et le Noir, de Stendhal
  • La Belle et la Bête
  • La Guerre et la Paix, de Tolstoï
  • L’Être et le Néant, de Sartre

Le poème suivant de Du Bellay est composé en intégralité d’antithèses :

J’aime la liberté, et languis en service,
Je n’aime point la cour, et me faut courtiser,
Je n’aime la feintise, et me faut déguiser,
J’aime simplicité, et n’apprends que malice ;

Je n’adore les biens, et sers à l’avarice,
Je n’aime les honneurs, et me les faut priser,
Je veux garder ma foi, et me la faut briser,
Je cherche la vertu, et ne trouve que vice !

Je cherche le repos, et trouver ne le puis,
J’embrasse le plaisir, et n’éprouve qu’ennuis,
Je n’aime à discourir, en raison je me fonde :

J’ai le corps maladif, et me faut voyager,
Je suis né pour la Muse, on me fait ménager ;
Ne suis-je pas, Morel, le plus chétif du monde ?

Louise Labé exprime les tourments de sa passion amoureuse en multipliant les antithèses :

Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie
J’ai chaud extrême en endurant froidure

Louise Labé

Autres exemples :

Et monté sur le faîte, il aspire à descendre

Corneille, Cinna, II, 1, Auguste

À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.

Le Cid, II, 2, Le Comte

Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

La Fontaine, Les Animaux malades de la peste

Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà.

Pascal, Pensées, V

Je sentis tout mon corps et transir et brûler.

Racine, Phèdre, I, 3

Un noble, s’il vit chez lui dans sa province, il vit libre, mais sans appui ; s’il vit à la cour, il est protégé, mais il est esclave : cela se compense.

La Bruyère, Les Caractères

Tout lui plaît et déplaît, tout le choque et l’oblige.
Sans raison il est gai, sans raison il s’afflige.

Boileau, Satires, VIII

Non, j’ai pu vivre dans la servitude, mais j’ai toujours été libre

Montesquieu, Lettres persanes, 161

L’homme est né libre et partout il est dans les fers. 

Rousseau, Du Contrat social

Cet homme dont j’admire le génie et dont j’abhorre le despotisme.

Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe (À propos de Napoléon)

Paris est le plus délicieux des monstres : là, jolie femme; plus loin, vieux et pauvre ;

Balzac, Ferragus

L’antithèse est une des figures de style préférées de Victor Hugo. Ici, la première antithèse ne se trouve pas dans la structure de la phrase, mais dans le contraste sémantique (entre les sens des mots).

Elle déplie la lettre résolument et lit.

« Madame, sous vos pieds, dans l’ombre, un homme est là
Qui vous aime, perdu dans la nuit qui le voile ;
Qui souffre, ver de terre amoureux d’une étoile ;
Qui pour vous donnera son âme, s’il le faut ;
Et qui se meurt en bas quand vous brillez en haut. »
Elle pose la lettre sur la table.

Ruy Blas , II, 2, Victor Hugo

C’est toujours le combat du jour et de la nuit.

Les Châtiments, Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent

Innocents dans un bagne, anges dans un enfer.

Les Contemplations, Livre III, Melancholia

Je n’ai jamais vu en enfant sans penser qu’il deviendrait vieillard, ni un berceau sans songer à une tombe.

Flaubert, L’Éducation sentimental

Paris est tout petit
c’est là sa vraie grandeur.

Prévert, Paris est tout petit

Tu fais des bulles de silencedans le désert des bruits.

Paul Éluard, Facile, Tu te lèves

Dans l’exemple suivant, Raymond Queneau moque l’aspect artificiel de l’antithèse :

Ce n’était ni la veille, ni le lendemain, mais le jour même. Ce n’était ni la gare du Nord, ni la gare de Lyon, mais la gare Saint-Lazare.

Queneau, Exercices de style

Zazie se tient de grands discours avec sa petite voix intérieure.

Zazie dans le métro