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« Frustre » ou « fruste » ? Orthographe

Publié le 19/10/2021
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On écrit : fruste. Ce terme vient de l’italien frusto, « usé », de frustare « user » (latin frustum, « morceau »). Cet adjectif a d’abord qualifié ce qui a une surface usée par le temps, en parlant d’une statue, d’un blason ou d’une monnaie (leurs reliefs s’estompent). Cet emploi, très spécialisé, est très rare. Exemples :

La proximité d’un site, précédemment attesté par la présence de deux monnaies d’argent et de 16 bronzes de Néron aux Antonins, est confirmée par la mise au jour de quelques nouvelles monnaies frustes, en alliage cuivreux, qui ne nous ont pas été communiquées.

Doyen Jean-Marc, Duchemin Jean-Patrick, Severs Luc et al., « Chronique numismatique (XXXVIII) », Revue du Nord, 2020/5 (Tome 102), p. 171-236. 

[…] la porte, encadrée d’un linteau de pierre, dont les rugosités régulières indiquaient une ancienne ornementation émoussée par le temps et l’incurie, était surmontée d’un blason fruste que le plus habile héraut d’armes eût été impuissant à déchiffrer […]

Gautier, Le Capitaine Fracasse

Son sens s’est étendu à tout ce qui a un relief rugueux, puis à ce qui manque de finesse, ce qui est mal dégrossi, ce qui est brut. Il se rapproche alors de « rustre ». Exemples :

La pierre a de ces évanouissements. Voici une forteresse, voici un temple fruste, voici un chaos de masures et de murs démantelés, tout l’arrachement d’une ville déserte.

Hugo, Les Travailleurs de la mer

Constantinople, seule grande ville de l’Empire, est un monde à part, et ceux qui la quittent ont le sentiment de s’exiler dans un monde fruste ou barbare.

Bernard Flusin, La Civilisation byzantine

Son adverbe, presque jamais employé, est frustement.

Cet adjectif a parfois été employé comme nom : 

Mardi 7 décembre. — Mon goût, depuis quelque temps, subit une transformation. Il n’aime plus autant le joli, le fini des objets japonais, il est séduit par la barbarie de quelques-uns de ses produits d’art industriel, notamment par le fruste, la brutalité, la coloration crûment puissante.

Goncourt, Journal, 1886

La forme « frustre », fautive, se rencontre parfois dans les articles de presse : « Si face à la divine Ursula Andress, il juge d’abord Sean Connery « trop frustre », il va changer d’avis rapidement » (Lesechos.fr). C’est ce qu’on appelle parfois un « barbarisme ». Cette forme alternative est peut-être née de l’influence sur « fruste », adjectif dont l’emploi est plutôt rare, de « rustre », plus courant, et du verbe « frustrer ».