Définition de la démocratie
Le mot démocratie vient du grec Démocratia (Δημοϰρατία), de démos (δῆμος), c’est-à-dire le peuple, et kratos (ϰράτος), c’est-à-dire l’autorité. La démocratie, c’est le pouvoir du peuple ou le régime politique où tous les pouvoirs puisent leur légitimité dans le peuple, où tous les pouvoirs sont exercés par le peuple ou ses représentants. Mais le caractère représentatif de notre démocratie n’est pas sans nous interroger. Les représentants nous représentent-ils vraiment ? En d’autres termes, dans quelle mesure les représentants du peuple sont-ils représentatifs du peuple ?
Pierre Manent relève un problème : nous sommes libres de voter pour des représentants que nous avons choisis et chacun peut prétendre représenter le peuple ; en même temps, lorsque nous nous penchons sur notre système politique, c’est-à-dire l’ensemble des éléments qui concourent à l’exercice de pouvoir (médias, idéologies, pouvoirs financiers), certains tendent à penser que notre pouvoir est confisqué au profit d’une oligarchie. Notre esprit suit un mouvement de balancier, entre la foi en les mécanismes réels de notre démocratie et la réalité de l’exercice du pouvoir, sur lequel nous semblons impuissants.
Cette synthèse est tirée du Cours familier de philosophie politique de Pierre Manent, une merveille de pédagogie pour s’initier à la philosophie politique.
La démocratie : une organisation des séparations
La division du travail
La démocratie est une organisation de séparations.
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En effet, la démocratie confirme et multiplie les séparations produites par le développement de la civilisation. La démocratie, en d’autres mots, accentue la « division du travail« . Ce mouvement de la division du travail crée de nouvelles distinctions là où il n’y en avait pas, il sépare des termes qui étaient liés jusque là : il en est ainsi lorsque l’on crée un nouveau service par exemple. La représentation est vue par Sièyes (1748 – 1836) comme un développement de la division du travail. Des fonctions jusque là indivises sont désormais divisées.
Pierre Manent voit six catégories de séparations qui caractérisent notre âge :
- séparation des professions, ou division du travail ;
- séparation des pouvoirs ;
- séparation de l’Église et de l’État ;
- séparation de la société civile et de l’État ;
- séparation entre le représenté et le représentant ;
- séparation ds faits et des valeurs, ou de la science et de la vie.
Ces six rubriques se recoupent bien sûr entre elles. Il précise une chose importante : ces séparations sont impératives. En effet, ces séparations doivent être mises en oeuvre car elles sont essentielles à la liberté.
Elles définissent les libertés telles que les Modernes l’entendent. La liberté moderne est fondée sur une organisation des séparations. Le régime moderne institue ces séparations pour la liberté. La liberté moderne est inséparablement liée à ces séparations.
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La démocratie moderne : se libérer du commandement
Ce souci des séparations est étranger aux sociétés qui nous précédent. En effet, dans les société pré-démocratiques, l’accent est mis sur l’unité sociale, la concorde. La division est considérée comme dangereuse, et elle est combattue. Seule la division entre ceux qui commandent et ceux qui obéissent est acceptée, mais celle-ci garantit l’unité de la société.
L’ordre ancien se fonde sur le commandement ; il a pour pivot la relation commandement – obéissance.
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La politique moderne cherche à contourner cette relation commandement – obéissance. La séparation est l’outil qui lui permet d’atteindre ce but. En effet, même l’exercice du pouvoir se fait par l’intermédiaire de représentants, les actions du gouvernement sont autorisées par le peuple. Le peuple a autorisé à ses représentants de lui commander.
On pourrait dire que je me commande à moi-même par l’intermédiaire du gouvernement.
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Par cette séparation entre représenté et représentant, la politique moderne contourne la relation de commandement – obéissance : je me commande à moi-même par l’intermédiaire de mes représentants.
La démocratie moderne : un régime de séparation des pouvoirs
La séparation des pouvoirs selon Montesquieu
Bien sûr, des hommes qui se sont prétendus les représentants du peuple ont exercé les pires horreurs. De fait, le peuple n’exerce par le pouvoir. Il n’empêche, la relation de commandement – obéissance passe désormais au second plan. Mais pour éviter toute oppression, une autre séparation intervient alors : la séparation des pouvoirs. Ce mécanisme de la séparation des pouvoirs est décrit par Montesquieu (1689 – 1755), dans les chapitres VI du livre XI et XXVII du livre XIX de l’Esprit des lois. Pierre Manent les interprète. Il y a en effet une séparation entre la société civile, les représentés, et les institutions gouvernementales, les représentants. Les institutions gouvernementales, le pouvoir en d’autres termes, est séparé en pouvoir législatif et pouvoir exécutif. Le pouvoir législatif est composé des représentants du peuple. Mais le pouvoir exécutif est aussi représentatif : il représente ceux qui s’estiment mal représentés par le pouvoir législatif.
Quatre partis en concurrence
Il y a donc quatre partis : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, et leurs partisans respectifs dans la société civile. Le mécanisme de la séparation des pouvoir joue alors : aucun pouvoir, avec ses partisans, ne peut faire valoir ses intérêts sans être tenu en respect par l’autre pouvoir. Ainsi, aucun pouvoir ne peut opprimer l’autre.
Parce que la société est représentée par un pouvoir divisé, les citoyens vont être impuissants à se faire beaucoup de mal les uns aux autres.
L’effet de liberté en démocratie
Que se passe-t-il si l’un des pouvoirs est soutenu par une majorité qui écrase l’autre ? Pour Montesquieu, cette perspective est rendue impossible par l’effet de liberté. Si l’un des deux pouvoirs menace de l’emporter sur l’autre, les citoyens se porteront à son secours. En effet, si les citoyens sont partisans d’un pouvoir, ils sont avant tout membre d’une société où les pouvoirs sont séparés. Ils veulent que le pouvoir servent leurs intérêts, mais ne veulent pas voir le pouvoir trop peser sur la société. On le voit, une sorte d’impuissance générale est organisée par la représentation. Le pouvoir divisé ne peut pas opprimer les citoyens, il ne peut pas non plus agir beaucoup sur la société. Cette impuissance du pouvoir, Montesquieu l’appelle liberté. Les citoyens se tournent vers d’autres domaines que le pouvoir pour exercer leurs talents : devenir riches, célèbres, etc. Dans le régime de la séparation des pouvoirs, la vie humaine s’accomplit avant tout dans l’économie et la culture.
La séparation entre majorité et opposition
On pourrait rétorquer à cet exposé que, dans la réalité des démocraties modernes, le chef de la majorité au Parlement devient celui qui dirige le pouvoir exécutif. Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif se retrouvent dans les mêmes mains. Pourtant, notre liberté n’a pas pris fin. Une nouvelle séparation est venue en effet se glisser dans cette conjonction : la séparation entre la majorité et l’opposition. Cette opposition peut, à n’importe quelle élection, revenir au pouvoir. Elle modère ainsi le pouvoir de la majorité.
La démocratie, une impuissance qui fatigue les âmes
La démocratie moderne rend impuissant chaque parti qui accède au pouvoir à appliquer le programme qu’il estime nécessaire au pays.
En pratique, il ne s’y essaiera vraiment que dans les premiers temps de son mandat, durant ce qu’on appelle si bien l’état de grâce. Bientôt, les électeurs flottants vont être déçus ou irrités, s’orienter peut-être vers l’opposition, et la maxime du gouvernement cessera d’être : satisfaire ses partisans, pour devenir : ne mécontenter personne.
En même temps, ce système a besoin de la séparation entre différents partis, entre une majorité et une opposition, ce qui excite l’esprit partisan des individus. Les passions des partisans sont excitées, mais elle sont impuissantes à se réaliser.
Pour Pierre Manent, une société organisée de cette façon, présentant un mélange d’agitation et d’immobilité, fatigue les âmes tout en décourageant les grandes entreprises.
A cette notion de liberté des peuples dans la représentativité,
Il me semble que l’analise s’est arrêtée au 19e siècle… pour l’occident.
Car la composante média/propagande, baisse de la culture générale (à tout le moins, découpages, perte du contexte, infirmations bridées ou orientées) du peuple, oubli ou méconnaissance de l’histoire n’a fait que progresser.
Je fais référence à un livre écrit il y a 30 ans sur l’utilisation des médias : « fabriquer un consentement » de Edward Herman et Noam Chomsky.
– professionnalisation des représentants du peuple qui ont besoin des médias et de financements… détenus par…
Représentants de la majorité et de l’opposition issus pour beaucoup des mêmes écoles ou de formations similaires.
Au final la démocratie d’aujourd’ui a remplacé la monarchie d’hier par une nouvelle classe (les bourgeois d’hier ont remplacés la noblesse d’avant hier… et sont devenus la noblesse d’aujourd’hui.. formant une autre forme de caste tout aussi séparée du peuple)… avec une différence notable :
Le peuple pouvait se retourner contre la noblesse de droit divin jugée illégitime… aujourd’hui, la nouvelle noblesse en démocratie peut opposer à l’opposition au système le fait que se révolter contre le pouvoir, ‘est se révolter contre le peuple!
Vous allez m’excuser, Adrian, mais les si archiconnus ‘Commandements’ auxquels vous dites que l’on doit obéissance, ne se nomment pas ‘Commandements’, donc! Le mot hébreu est ‘DAVAR’ ou ‘DEVAR’, l’hébreu Biblique n’ayant pas de voyelles, et ce mot est admirablement traduit en grec: ‘Logos’, d’où, ‘Décalogue’, pour dire les mal dits ‘DIX COMMANDEMENTS’. C’est si vrai que le judaisme n’est pas fondé sur la ‘LOI’, mais sur la ‘JUSTICE’ et, et très extraordinairement sur la ‘Liberté’ tout en pratiquant les prescriptions données pour etre guidé. Les sages du Talmud insiste sur: »Ne lis pas gravées sur(la pierre)mais liberté » Le mot hébreux, si je ne me trompe pas est « ne lis pas ‘Harout’, mais ‘Herout’, ou vice versa, car en changeant la voyelle on change le sens. Ce qu’en fait disent les dix paroles sont la base meme de la démocratie voire Justice et liberté en suivant une étique donnée pour ne pas laisser au ou aux plus forts le pouvoir de soumettre qui n’a pas de pouvoir. J’espère avoir éclairci une erreur plurimillénnaire. Belle soirée, Adrien, avec le somptueux tableau de Rembrandt à admirer. monique
Lucide et pertinente synthèse, merci Adrian comme d’habitude c’est excellent
Merci 😉