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Loi Veil légalisant l’avortement (IVG) : 17 janvier 1975

Publié le 30/03/2019
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On parle couramment de la « loi Veil » pour désigner la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse. Elle a pris le surnom de celle qui a été chargée de la porter, Simone Veil (1927 – 2017), ministre de la Santé de 1974 à 1979, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing (de 1974 à 1981). Elle autorise l’avortement dans un délai de dix semaines après simple demande à un médecin.

 

L’origine de la loi Veil

loi veil avortement 1975
Simone Veil à l’Assemblée nationale, le 26 novembre 1974

Cette légalisation est une réponse de l’État à un grave problème de santé publique : un nombre très important de femmes a recours à des avortements clandestins, dans des conditions qui mettent leur vie en péril. D’autres, qui en ont les moyens, partent à l’étranger. 

Elle fait aussi suite à l’émergence dans le débat public du combat féministe pour le contrôle par les femmes de leur corps. En 1967 déjà, la « loi Neuwirth » autorisait, avec de fortes restrictions, l’usage de la pilule contraceptive. La première loi Veil du 4 décembre 1974 poursuit l’œuvre de loi Neuwirth et libéralise complètement la contraception. Le 5 avril 1971 ensuite, 343 femmes, dont certaines célébrités, publient un manifeste rédigé par Simone de Beauvoir dans le Nouvel observateur déclarant avoir eu recours à l’avortement et revendiquant le contrôle complet de la production des enfants, sans qu’elles soient pour autant poursuivies par la suite par la justice française. En 1972, l’avocate Gisèle Halimi, fondatrice de l’association Choisir, fait acquitter Marie-Claire Chevalier, mineure de 17 ans qui avait eu recours à l’avortement après un viol (« le procès de Bobigny »). Enfin, en février 1973, 331 médecins signent un manifeste déclarant avoir pratiqué des avortements. 

La législation réprimant la pratique et le recours à l’avortement, ainsi que sa propagande (par la loi du 31 juillet 1920), n’est plus appliquée. 

 

La loi Veil : une loi circonscrite

Toutefois, l’autorisation de l’avortement est assortie de contraintes importantes. En effet, le médecin, la sage-femme ou l’auxiliaire médical disposent d’une clause de conscience et peuvent donc refuser de pratiquer l’IVG. Ensuite, les risques et les alternatives à l’avortement doivent être présentés à la femme par le médecin. Ainsi, avant l’intervention, deux consultations médicales et une consultation psycho-sociale sont obligatoires. Surtout, le coût de l’IVG n’est pas pris en charge par la sécurité sociale, parce que le gouvernement veut favoriser la contraception. Il peut néanmoins être pris en charge sur demande au titre de l’aide médicale.

En effet, si la loi Veil est un loi de libéralisation importante et une victoire pour le mouvement féministe, elle a cependant suscité une opposition importante, venant surtout du catholicisme. Dès 1968, le pape Paul VI publie l’encyclique Humanae Vitae contre la régulation artificielle des naissances. Le généticien Jérôme Lejeune fonde en novembre 1970 l’association Laissez-les vivre pour lutter contre l’avortement. En novembre 1974, la déclaration finale de l’Assemblée plénière de l’épiscopat français se prononce contre l’avortement. 

Simone Veil a donc « donné des gages » à une partie plus rétive de l’opinion publique pour faire adopter sa loi, avec les voix de sa majorité de droite qui compte nombre d’opposants à l’avortement. La loi est présentée de manière à ne pas faire croire que le gouvernement cherche à favoriser l’IVG. L’avortement est présenté comme une réponse à une situation de détresse. L’article 4 de la loi du 17 janvier 1975 modifie ainsi l’article L.161-1 du Code de la santé publique pour donner la rédaction suivante (rédaction supprimée par une loi de 2014 dans le nouvel article L2212-1) :

  • « La femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin l’interruption de sa grossesse. »

Simone Veil déclare ainsi dans son discours à l’Assemblée du 26 novembre 1974 :

  • « Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. »

Il s’agit de mettre fin au « désordre » dangereux des avortements clandestins. L’avortement est légalisé pour être contrôlé, et pour dissuader autant que possible la femme d’y avoir recours. On veut favoriser, à la place, la contraception : 

  • « […] l’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue. Mais comment le tolérer sans qu’il perde ce caractère d’exception, sans que la société paraisse l’encourager ? »

L’article 1er disait d’ailleurs clairement :

  • « La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi ; »

La loi est finalement votée le 20 décembre 1974 par 277 voix contre 192 à l’Assemblée nationale, et par 185 voix contre 88 au Sénat, avant d’être promulguée le 17 janvier 1975. 

 

Évolution ultérieure du droit à l’avortement

Cette loi provisoire n’est valable que pour une période de cinq ans. Ses dispositions ne sont rendues définitives que par la loi du 31 décembre 1979, non sans remous. Depuis l’adoption de loi Veil, des commandos anti-IVG attaquent des centres où il est pratiqué. Pour cette raison, la « loi Neiertz » du 27 janvier 1993 créé le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). La libéralisation progresse avec la loi Roudy du 31 décembre 1982 qui met en place le remboursement partiel de l’IVG par la Sécurité sociale. Il est couvert à 100% depuis le 31 mars 2013. 

 

Aller plus loin

  • Bibia Pavard, Florence Rochefort, Michelle Zancarini-Fournel, Les Lois Veil