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Tautogramme : définition & exemples

Publié le 25/10/2021
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Définition

Un tautogramme est une phrase dans laquelle les mots commencent tous par la même lettre. Exemple : « Le loup lacère les lâches lézards. » On les appelle aussi, très rarement, pantogramme, paronoméon ou, dans la poésie, vers lettrisés. Faire des tautogrammes est souvent un jeu. Il consiste à écrire sous une forte contrainte. Bien que la répétition d’une même lettre peut produire des allitérations ou des assonances, la répétition d’un même son n’est pas ce qui fait le tautogramme. C’est la répétition d’une même lettre à chaque début de mot qui produit cette figure. Quand il fonctionne mal, il produit une cacophonie. Le tautogramme permet de construire des virelangues (en savoir plus ici), c’est-à-dire une phrase ou un texte construit avec des sonorités qui se répètent pour que sa prononciation devienne difficile. Exemples

  • Didon dîna du dos dodu de dix dodus dindons.
  • Belle boule bien bleue brille.
  • Douze douches douces.
  • Ton tonton tond ta tata.

D’autres virelangues à lire ici.

Étymologie de tautogramme

Il est formé du grec tautos, « même », et gramma « lettre ». Le préfixe panto de pantogramme signifie « tout ».

Exemples de tautogrammes : liste

La célèbre formule de César : veni, vidi vici.

Louis de Court a produit une série de tautogrammes en 1725 :

  • Alexandre a appris aux ambitieux à attaquer avec audace.
  • Boufflers, bon brigadier, battant brusquement braves bataillons, brilla beaucoup.
  • Clodius chasse Ciceron, cependant Cesar caresse ce charmant consul.
  • David, dépouillé du diadème, dédommage Dieu d’un désordre diffamant.
  • Édouard, empereur, était extrêmement emporté, et excessif en extravagances.
  • Faustine, femme fort fastueuse, faisant force fanfaronnade, fini funestement.
  • Gassion, grand guerrier, grave, General, gouvernait gracieusement grosses garnisons.
  • Hersan, honnête homme, habile humaniste, haranguait hardiment, hasardait heureusement.
  • Licurugue, legislateur, Lacédémonien, louait la littérature, limait les lois.
  • Mazarin ministre malade méditait, même moribond, malicieusement mille maltôtes [des levées d’impôts].
  • Ninon, nymphe née négligente, n’avait ni noblesse ni nippes nécessaires. 
  • Ouvein, originairement ombrageux ; ordinairement officieux, oubliait obligeamment offenses outrageantes. 
  • Pierre pauvre pécheur, premier pontife, péchant publiquement, pleura prodigieusement. 
  • Rapin, religieux recueilli, réfléchissait rigoureusement, rimait rapidement, riait rarement. 
  • Salomon, sage souverain, savait soutenir son sceptre sans secours. 
  • Têtu tu travailles trop, tes travaux troubleront ta tête.
  • Uranie, un vermillon use votre votre visage, vous vieillissez visiblement. 

Le Gradus de Bernard Dupriez en cite deux : 

  • Peter Pipe picott picota un pipo peu de poivre en poudre (Ulysse de Joyce, traduction)
  • Ma mer, m’amis, me murmure: Nos nils noient nos nuits nées neiges. (Desnos cité par ÉLUARD : il y a un double tautogramme).

Richard Arcand (Jeux verbaux et créations verbales) cite : 

  • Mamie me manque, mon monde meurt. (Michel Laclos)
  • Don Quichotte dormira au dortoir délavé do minant son dramatique double ; délaissons ce destructeur démodé au destrier desséché de dèche. (P. Demarne)

4 autres exemples : 

  • Chaque cochon copinait chaleureusement cinq canards.
  • Deux dromadaires dansaient dans des déserts derrière des dunes. 
  • Valérie vouvoie vainement vos voisins virulents. 
  • Zéro zonard zézaye.

Georges Perec (1936 – 1982) en a produit un très long : 

Ça commença comme ça: certaines calomnies circulaient concernant cinq conseillers civils coloniaux: contrats commerciaux complaisamment conclus, collaborateurs congédiés, comptabilités complexes camouflant certaines corruptions crapuleuses, chantages comminatoires, concussions classiques… Croyant combattre ces charges confuses, cinquante commissaires-chefs comiquement conformes (cheveux châtain clair coupés court, costume croisé, chemise couleur chair, cravate café crème, chaussures cloutées convenablement cirées) contactèrent certain colonel congolais causant couramment cubain. « Cherchez chez Célestin, Cinq Cours Clemenceau », chuchota ce centenaire cacochyme constamment convalescent, « car ce célèbre café-concert contrôle clandestinement ces combines criminelles. » Cinq commissaires chevronnés coururent courageusement Cours Clémenceau. Cependant, coïncidence curieuse, cinq catcheurs corpulents, cachés chez Célestin, complotaient contre cette civilisation capitaliste complètement corrompue. Ces citoyens comptaient canarder certain chef couronné considéré comme coupable. Commissaires certifiés contre champions casse-cou: choc colossal ! Ça castagna copieusement. Conclusion: cinquante clients contusionnés, cinq cardiaques commotionnés, cinq cadavres! Ce chassé-croisé cauchemardesque chagrina chacun.

Georges Perec, «Chapitre cent-cinquante-cinq», dans Lectures, n° 9, Bari, éd. Dedalo, 1981