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Une faute cachée dans cette dictée piège : seuls les ados nés avant 1967 la repèrent

Publié le 28/06/2025
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Récemment, une dictée diffusée sur les réseaux sociaux a fait beaucoup parler d’elle. À première vue, elle semble anodine, mais derrière les lignes se cache une petite faute grammaticale que seuls certains adultes peuvent repérer. Et voilà que se dessine un écart générationnel, où ceux nés avant 1967 semblent avoir l’œil plus aiguisé que les jeunes d’aujourd’hui. Cette situation met en lumière un débat sur la maîtrise de la grammaire, l’orthographe et l’évolution de l’enseignement au fil des décennies.

Une erreur qui révèle un fossé générationnel

Dans un collège de l’Essonne, une enseignante propose une dictée tirée d’un texte d’élève datant de 1965. Elle y insère volontairement une erreur de subjonctif, un piège grammatical subtil. Sur 28 élèves de troisième, un seul parvient à repérer la faute. En revanche, parmi un groupe d’adultes de plus de 60 ans, 11 sur 14 l’identifient immédiatement. Un véritable contraste qui illustre un phénomène inquiétant : les jeunes générations semblent perdre certaines compétences grammaticales de base. Pour Claudine M., ancienne correctrice du brevet, ce constat est révélateur : « Seuls ceux nés avant 1967 trouvent cette erreur de subjonctif. Pour les plus jeunes, ce mode verbal est souvent un souvenir flou, voire un inconnu », confie-t-elle.

Des bases fragilisées dans le système scolaire

Ce n’est pas un phénomène isolé. En 2021, selon une étude de la DEPP (Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance), 90 % des élèves de CM2 faisaient plus de 15 fautes dans une dictée de 67 mots, un chiffre alarmant comparé aux 33 % d’élèves concernés en 1987. Cette détérioration de l’orthographe et de la grammaire s’explique en partie par une réduction des heures consacrées à l’enseignement du français. Entre 1968 et aujourd’hui, les élèves ont perdu l’équivalent de 522 heures de français, notamment dans les programmes de primaire et de collège. Une baisse du temps accordé aux matières de base comme la grammaire et l’orthographe a donc un impact direct sur la maîtrise des règles.

Les enseignants, eux aussi, se retrouvent parfois face à des lacunes difficiles à combler. En dépit de leurs efforts, de nombreux élèves, même ceux préparant des concours d’enseignement, montrent des niveaux de compétences en orthographe souvent insuffisants.

Les fautes fréquentes : un portrait inquiétant

Les erreurs grammaticales actuelles ne concernent pas seulement les subtilités de la langue. Une étude menée par le ministère de l’Éducation révèle les fautes les plus courantes dans les productions écrites des élèves :

  •         85 % des fautes concernent des accords sujet-verbe.
  •         Le participe passé avec l’auxiliaire « avoir » est mal maîtrisé dans plus de 70 % des cas.
  •         Le subjonctif est pratiquement absent des productions écrites.

Ces erreurs, qui paraissent simples pour un adulte ayant grandi avec des bases solides en grammaire, montrent la dégradation des compétences en français parmi les élèves actuels. Mais pourquoi cette situation perdure-t-elle ?

Le rôle des méthodes pédagogiques

L’évolution des méthodes pédagogiques joue un rôle majeur dans cette situation. Depuis le début des années 2000, l’approche pédagogique a progressivement évolué, privilégiant des méthodes plus inductives et contextualisées plutôt que des enseignements systématiques. Ces méthodes, bien qu’innovantes, ont parfois laissé de côté certains fondamentaux, comme la maîtrise de la grammaire et de l’orthographe. En 2022, le Café pédagogique soulignait déjà le glissement vers un enseignement moins axé sur la rigueur grammaticale, ce qui pourrait expliquer ces lacunes.

Des enseignants face à des défis accrus

Les enseignants eux-mêmes ne sont pas épargnés par cette évolution. Une étude de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) montre que parmi les étudiants en formation d’enseignants, 72 % des erreurs concernent des accords interphrases, un point de grammaire pourtant fondamental. Ces futurs professeurs, n’ayant pas toujours été bien formés sur les bases grammaticales, risquent de reproduire les lacunes de leur propre parcours scolaire, amplifiant ainsi le cercle vicieux des erreurs grammaticales.

La grammaire d’hier et celle d’aujourd’hui

Mais pourquoi ceux nés avant 1967 repèrent-ils mieux ces erreurs de grammaire ? La réponse réside en grande partie dans l’enseignement de l’époque. À cette époque, près de 40 % du temps de cours au collège était consacré à l’enseignement du français, avec une forte insistance sur la grammaire, l’orthographe et les dictées. Ces heures étaient cruciales pour assurer une bonne maîtrise de la langue. En comparaison, aujourd’hui, les élèves bénéficient de moins de temps pour acquérir ces compétences fondamentales, ce qui se reflète dans les résultats en dictée, comme l’indiquent les chiffres des études comparatives.

Période | Heures de français (primaire-collège) | % d’élèves faisant 15 fautes ou plus

  •         1968 : 3480 heures | 33 %
  •         2021 : 2958 heures | 90 %

L’impact du numérique et des nouvelles méthodes

Plusieurs facteurs expliquent cette régression. La réduction des heures de français, l’essor des méthodes pédagogiques moins structurées, l’usage des outils numériques (comme la correction automatique) et un manque d’exposition à la littérature ont contribué à affaiblir la rigueur de l’enseignement. Le numérique, en particulier, est un outil pratique mais qui favorise la correction automatique sans vraiment aider à internaliser les règles grammaticales.

Certains experts recommandent de réintroduire des séquences de grammaire explicites, d’augmenter l’exposition des élèves à la littérature française et de renforcer les dictées commentées où l’on analyse collectivement les erreurs.

La dictée :

Jamais je ne m’ennuyais : Marseille ne s’épuisait pas. Je suivais la jetée battue par l’eau et le vent, je regardais les pécheurs, debout entre les blocs de pierre où se brisaient les lames : je me perdais dans la tristesse des docks. Dans les vieux escaliers et les vieilles ruelles, sur les marchés aux poissons, une vie toujours neuve me remplissait les yeux et les oreilles.

J’étais contente de moi ; au jour le jour, je construisais sans secours mon bonheur, Il y avait des fins d’après-midi un peu mélancoliques, quand, au sortir du lycée, je revenais, à travers le crépuscule, vers ma chambre ou rien ne m’attendait mais je trouvais de la douceur à cette nostalgie que je n’avais jamais connue dans le brouhaha de Paris.

D’après Simone de Beauvoir, La Force de l’âge, 1960.

 

Conclusion : un constat préoccupant mais des solutions possibles

Les écarts générationnels en matière de maîtrise de la langue sont bien réels, et ce fossé s’élargit avec le temps. Toutefois, la solution passe probablement par un retour à des bases solides, notamment en rétablissant un équilibre entre l’innovation pédagogique et la rigueur grammaticale. En réinvestissant dans l’enseignement de la grammaire et en adaptant les méthodes aux défis modernes, il est encore possible de réduire cet écart et de remettre la langue française au cœur de notre éducation.