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La vertu ostentatoire (virtue signalling) : définition

Publié le 17/03/2022
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Définition de la vertu ostentatoire

La « vertu ostentatoire » (virtue signalling en anglais) désigne un comportement qui consiste à afficher une position considérée comme moralement bonne ou à manifester son soutien à telle ou telle cause, sans que cette prise de position ne soit suivie pour autant d’un quelconque acte qui aurait pour but de défendre cette morale ou cette cause. Ce comportement peut avoir pour but de signaler sa conformité morale ou idéologique à un auditoire que l’on considère comme acquis à la cause que l’on soutient, soit pour éviter des critiques sur un manque d’engagement (montrer que l’on est « du bon côté »), soit par engagement sincère dans un mouvement social et politique. Par exemple : une entreprise va afficher son soutien à telle ou telle cause, pour préserver son image, pour se rapprocher des convictions des consommateurs qui composent son marché (ce qui peut être considéré comme cynique), pour répondre aux attentes de ses salariés, etc. La vertu ostentatoire peut aussi avoir pour objectif de répondre à des préoccupations morales personnelles : tel ou tel événement suscite en moi une inquiétude sur le devenir de la société ou du monde, je vais donc agir en « exprimant ma solidarité » avec les victimes de cet événement, ou avec les acteurs du mouvement impliqué dans cet événement, etc. 

 

Une traduction de l’anglais

« Vertu ostentatoire » est une des façons de traduire l’expression anglaise « virtue signal » ou « virtue signalling ». Cette notion, récente dans le monde anglo-saxon (elle n’est courante que depuis les années 2010, cf. Google Ngram), est encore mal connue en France et n’a donc pas un équivalent bien déterminé. Elle pourrait aussi être traduite par « exhibition de vertu », « étalage de vertu », « signalement vertueux ou moral », etc.

 

L’origine de la notion de vertu ostentatoire

La notion de « virtue signalling » a probablement été popularisée par un article du journaliste britannique James Bartholomew publié dans The Spectator en avril 2015. Ce journaliste conservateur y condamne cette « vertu facile » (easy virtue) qui consiste à publiquement afficher que l’on est bon, décent et vertueux par de simples phrases sans avoir à ne rien faire de concret derrière. Cette condamnation porte surtout sur les élites, notamment libérales,  qui utiliserait le « virtue signalling » pour montrer leur appartenance à une catégorie sociale dont la moralité est supérieure, tout en camouflant leur haine pour tout ce qui ne leur correspond pas (en l’occurrence, leur haine moqueuse pour les partisans du Brexit).

 

Analyse

Cette notion est donc évidemment polémique et critique. Parler de « signalement de vertu » ou « d’étalage » (terme péjoratif) de vertu sous-entend la réprobation de cette attitude. L’étalage de vertu peut être en effet critiqué pour son aspect purement démonstratif. Afficher une position morale, exprimer une solidarité devient une fin en soi. L’ensemble de l’action se résume dans la prise de parole : « dire » revient à « faire ». Ce qui compte, ce n’est pas agir en conformité avec sa prise de position morale ou son soutien à une cause, c’est l’énonciation en elle-même. 

La vertu ostentatoire peut en outre être critiquée pour sa performativité. Un énoncé performatif est un énoncé qui accomplit un acte par son énonciation même (par exemple : « je jure »). Or, on peut considérer que ceux qui font l’ostension de leur vertu ont l’illusion qu’ils accomplissent concrètement quelque chose en présentant leur vertu ou en affichant leur soutien ou leur solidarité. Il revient finalement à d’autres de tenter de régler concrètement les problèmes qui font l’objet de l’étalage de vertu. 

D’un autre point de vue, la vertu ostentatoire peut être considéré comme quelque chose de positif (il faudrait alors employer une locution plus neutre). En effet, il peut permettre aux décideurs de savoir quelle est l’opinion la plus promue dans le débat public, et d’orienter leur action en conséquence. Il peut aussi être considéré comme quelque chose qui agirait inconsciemment sur les esprits : en affichant sa morale, on influencerait les autres.