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16 livres philosophiques faciles pour débutants

Publié le 12/04/2018 (m.à.j* le 21/03/2024)
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Les 16 livres de philosophie « faciles » présentés dans cette liste ont chacun trois avantages :

  • ils peuvent être lus par un débutant qui n’a pas de formation philosophique ;
  • ils sont courts ;
  • ils sont importants.

En effet, il n’est pas nécessaire de s’attaquer à des textes théoriques et ardus pour étudier la philosophie, ni de voyager d’introduction en introduction sans jamais se confronter aux textes. Certaines des 16 œuvres présentées ici exigent l’application et la concentration du lecteur, mais elles n’ont rien d’inaccessibleEn outre, ce ne sont pas des textes périphériques, accessoires ou marginaux de leurs auteurs, mais des écrits fondamentaux dont l’influence sur l’histoire des idées a été importante. En d’autres termes, ce sont des classiquesEn complément de cet article, on pourra se référer aux 150 classiques de la littérature française qu’il faut avoir lus et cette compilation de 100 grandes idées de philosophie

 

Le Banquet | Platon

Le Banquet, œuvre de maturité, est peut-être, avec La Républiquele plus célèbre dialogue de Platon. Il y traite de l’amour sous une forme singulière : la contemplation des belles choses et les belles conversations mène par gradation à la contemplation de l’idée du Beau. Élément notable, Platon place le dialogue sous l’égide d’une femme, qu’il fait intervenir indirectement dans la bouche de Socrate : Diotime. Ce dialogue de Platon n’est pas difficile.

 

Lettre à Ménécée | Épicure

La notion d’épicurisme renvoie dans l’usage ordinaire à l’idée de tourner sa vie vers l’assouvissement de ses plaisirs. Mais cette acception moderne de l’épicurisme donne une mauvaise idée de la philosophie d’Épicure (342 – 270 av.J.-C.), l’un des philosophes grecs les plus influents de l’Antiquité. Malheureusement, une part infime de son œuvre nous est parvenue. Parmi elle figure la Lettre à Ménécée. En quelques pages, Épicure résume l’essentiel de sa doctrine éthique. Sa conception du monde, développée aussi dans les Lettre à Hérodote (physique) et Lettre à Pythoclès (météores), a une finalité pratique qui peut nous aider nous, êtres du IIIe millénaires, à vivre. Comment ? En obtenant le bonheur par la sagesse. Et ce bonheur consiste à satisfaire les plaisirs, conformément à ce que la nature dicte, sans démesure, en se réglant sur ses nécessités.

 

Lettres à Lucilius | Sénèque

L’œuvre de Sénèque (v. 4 av. J.-C. – 65 ap. J.-C.) est une porte grande ouverte au débutant en philosophie pour comprendre un courant qui a traversé toute l’Antiquité : le stoïcisme. Tout comme l’épicurisme, ce courant est une doctrine morale qui a pour finalité pratique de présenter la voie pour atteindre la sagesse. Les Lettres à Lucilius sont particulièrement bien adaptée à cet objectif. Ce sont en effet des lettres pédagogiques entre Sénèque, qui joue le rôle de maître, et son correspondant et ami Lucilius, qui joue le rôle de l’apprenant. Cette correspondance est donc, d’un certain point de vue, un « cours de philosophie ».

Sénèque est un homme qui a été impliqué dans les affaires de l’État romain. Stoïcien original, il n’est pas un âpre théoricien, mais se soucie toujours de concilier vie réelle et recherche de la sagesse. Ainsi, il part toujours de la pratique pour revenir ensuite à la théorie. Il propose dans ces lettres de nombreux exercices spirituels pour apprendre à faire face aux événements de la vie en être sage. Il partage en outre ses nombreuses méditations, desquelles le lecteur peut s’inspirer.

 

Pensées pour moi-même | Marc Aurèle

Ce texte fait l’objet d’une fascination particulière. En effet, il est unique en son genre : il permet d’entrer dans la citadelle intérieure d’un empereur, Marc Aurèle (161 – 180), dirigeant d’une immense entité politique, l’Empire romain. Nous avons donc la possibilité exceptionnelle de dialoguer avec un empereur-philosophe, adepte du stoïcisme, qui a régné il y a près de deux mille ans !

La meilleure façon de se venger d’un ennemi, c’est de ne pas lui ressembler.

Ces Pensées pour moi-même (ou Soliloques) sont, comme leur titre l’indique, un journal. Marc Aurèle y expose ses réflexions tirées de méditations quotidiennes sur les nécessités de de l’État et les obligations liées à sa fonction. Sa lecture est donc simple et accessible. Bref, si un empereur peut philosopher, alors cet exercice est accessible à tout le monde. Comme complément, on pourra lire cette synthèse sur « Qu’est-ce qu’un empereur romain ?  »

 

Le Prince | Nicolas Machiavel | 1532

Le Prince est un livre dont l’aura précède la lecture. Ouvrir sa première page n’est pas une acte anodin. En effet, l’œuvre est sulfureuse : elle est réputée être le bréviaire des dictateurs ou des dirigeants cruels qui ne soucierait pas de morale dans leur politique. Ce n’est pas un hasard si l’on a tiré de son nom l’adjectif péjoratif « machiavélique ».

Mais, comme toujours, entre la réputation et la réalité, la distance est grande. Le Prince est une œuvre fondamentale : elle marque le début de la laïcisation du politique, de son autonomie par rapport à la religion. Incroyable de modernité, Le Prince retourne le rapport qui présidait autrefois au destin de la communauté politique. Ce n’est plus la religion qui édicte ce que doit faire la politique. La religion n’est plus qu’un moyen politique comme un autre. De fait, Machiavel (1469 – 1527) n’encourage pas les dirigeants à faire le mal pour le mal. Il ne fait que présenter les mécanismes propres à la politique sans polluer son exposé de considérations morales externes.

 

Discours de la servitude volontaire | Étienne de La Boétie | 1576

« Soyez résolus de ne servir plus , et vous voilà libres. » Ce texte d’Étienne de la Boétie (1530 – 1563), encore adolescent, ami de Montaigne, nous présente un paradoxe qui doit toujours inspirer les hommes libres des démocraties : comment les hommes peuvent-ils vouloir eux-mêmes être esclaves ? Pourquoi se font-ils eux-mêmes l’illusion de croire qu’ils peuvent se complaire dans le servage ?

De la lecture de ce discours, on tire en outre le plaisir de lire du français du XVIe siècle, langue qui n’est pas encore tout à fait la nôtre, et d’être baigné dans une atmosphère, celle des humanistes de la Renaissance, imbibés de culture antique. Il est ainsi particulièrement plaisant de lire, lors d’une lecture croisée, la même référence au courage de Caton d’Utique chez La Boétie et Sénèque.

 

Discours de la méthode | René Descartes | 1637

Ce discours de René Descartes (1596 – 1650) pose tout simplement l’un des fondements de la philosophie moderne. Il a en outre les vertus d’être écrit en français (mais influencé par la pratique du latin de Descartes), d’être court et d’être très simple d’accès. En effet, Descartes partage avec nous l’histoire d’une méditation qu’il fait dans sa chambre. Ainsi, le narrateur fait en sorte de donner l’impression qu’il discute avec un ami. Il raconte son expérience de doute généralisé qui le mène à une célèbre conclusion : « Je pense, donc je suis. »

Le Discours de la méthode est accessible ici.

 

Les Méditations métaphysiques | René Descartes | 1641

Le livre central de réflexion cartésienne. Son influence s’est exercée sur toute la philosophie qui le suit. Après la lecture du Discours de la méthode, il permet d’approfondir l’investigation commencée avec le philosophe français. Ces méditations cherchent à donner des fondements pour la pensée. Nul doute que cette lecture fondamentale bouleversera votre esprit.

On trouvera en cliquant ici une analyse de la première de ces méditations.

 

Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes | Jean-Jacques Rousseau | 1755

Ce discours est une réponse à une question posée par l’Académie de Dijon en 1753 : « Quelle est l’origine de l’inégalité parmi les hommes, et si elle est autorisée par la loi naturelle ? » Très court, la lecture de ce discours permet une première approche, avec le Discours sur les sciences et les arts (1751) de la pensée de Jean-Jacques Rousseau (1712 – 1778). Dans ce discours, on trouve l’idée marquante selon laquelle la société corrompt les hommes car elle est à l’origine de l’inégalité. Cette dernière n’existe pas à l’état de nature. Cette première grande incise du Rousseau théoricien politique donne une assise à la rédaction future du Contrat Social (1762), ouvrage dont la vocation est de fonder une autorité politique légitime pour des hommes libres et égaux.

 

Qu’est-ce que les Lumières ?  | Emmanuel Kant | 1784

Si les trois Critiques de Kant (1724 – 1804) sont des textes aussi essentiels que ardus, ce texte lumineux de Kant ne demande pas une formation philosophique poussée. Il permet de comprendre toute l’atmosphère d’un temps, celui du siècle des Lumières (en allemand, Aufklärung).

Qu’est-ce que les Lumières ? La sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même responsable.

Le texte de Kant est particulièrement enthousiasmant. Il donne foi à chacun dans la puissance de la raison, et encourage chacun à avoir le courage de penser par soi-même :

Sapere aude ! (« Ose penser ») Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

Une œuvre puissante, qui constitue une véritable exhortation à l’autonomie individuelle, cinq ans avant l’éclatement de la Révolution française.

 

De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes | Benjamin Constant | 1819

Benjamin Constant (1767 – 1830) est connu pour sa liaison avec Mme de Staël (1766 – 1817) et son roman Adolphe (dont la lecture est aussi très bénéfique). L’apport de ce polygraphe est loin de se limiter à la littérature. Benjamin Constant est un théoricien politique de haut vol qui fait montre d’une très grande conscience de ce qu’est l’histoire : les hommes ne sont pas égaux à eux-mêmes à travers les temps, ils président désormais consciemment à leur destin. Cette conférence, donnée à l’Athénée royal de Paris en 1819, donne un exemple brillant de cette nouvelle disposition des choses : dans une langue limpide, le philosophe se livre à une démonstration des erreurs, selon lui, des révolutionnaires, qui ont voulu reconstruire la communauté politique selon les modèles antiques. Très courte, cette lecture est essentielle pour comprendre ce qui nous sépare de nos prédécesseurs grecs et latins

 

Manifeste du parti communiste | Karl Marx & Friedrich Engels | 1848

Lire Marx (1818 – 1883) n’a plus rien d’une provocation. Le marxisme n’a plus la même vigueur qu’au milieu du XXe siècle. Les États qui se réclamaient de sa pensée ont aujourd’hui presque tous disparu. Ce livre est pourtant une œuvre de maître. Elle permet de comprendre tout ce qui peut faire le succès d’une théorie et même, aujourd’hui, d’une campagne de communication : un discours idéologique à la fois simple et puissant, qui embrasse toute la réalité sociale et historique et transmis par un narration enthousiasmante. Le Manifeste du parti communiste est donc un modèle du genre. L’Idéologie allemande (1846), livre plus complexe qui demande une connaissance du contexte intellectuel dans lequel il s’inscrit, est un bon complément à la lecture du Manifeste. Marx et Engels (1820 – 1895) y exposent longuement leur théorie de l’histoire en expliquant comment le basculement entre capitalisme et communisme doit avoir lieu.

 

Qu’est-ce qu’une nation ? | Ernest Renan | 1882

La figure d’Ernest Renan (1823 – 1892) n’a pas la même place dans les mémoires que celles de certains de ses contemporains. Écrivain, philosophe, philologue et historien, Renan était une figure centrale de la IIIe République naissante, incarnant toute la foi dans l’émergence d’une société débarrassée de la tutelle religieuse. Cette conférence est, avec la Vie de Jésus (1863), l’héritage le plus célèbre de Renan. Donnée en 1882 à la Sorbonne, elle expose ce qu’est, selon Renan, la conception française de la nation : le désir ce ceux qui ont une passé commun de vivre ensemble. Elle est résumée dans une célèbre formule :

L’existence d’une nation est (pardonnez-moi cette métaphore) un plébiscite de tous les jours

Prononcée douze ans après la défaite de la France face à l’Allemande naissante, cette conception française de la nation s’oppose à la conception allemande, plus culturelle et ethnique.

 

Introduction à la psychanalyse | Siegmund Freud | 1917

La psychanalyse ne fait pas partie à proprement parler de la philosophie. Pourtant, il serait bien dommage de l’ignorer, tant son influence a été grande sur l’esprit de son temps. L’Introduction à la psychanalyse est un ouvrage tirés de cours donnés par Freud (1856 – 1939) de 1915 à 1917. Il permet de comprendre le grand succès de la théorie freudienne : le médecin y explique très simplement ses principaux concepts et idées. Bref, une bonne introduction donnée par le fondateur même du courant.

 

Propos sur le bonheur | Alain | 1925

Alain (1868 – 1951) renoue avec la philosophie antique dans ses Propos sur le bonheur. En effet, le philosophe veut aider son lecteur dans sa quête du bonheur. Par de petites histoires pratiques, il veut convaincre son lecteur d’être heureux. À travers ces quatre-vingt-treize chapitres, Alain nous insuffle sa foi dans la possibilité d’une maîtrise de soi-même : le bonheur se veut. Philosophe cartésien, il pense que nous sommes souverains sur nous-mêmes.

 

Histoire de la sexualité. La volonté de savoir | Michel Foucault | 1976

Michel Foucault (1926 – 1984) est un des philosophes les plus influents du monde et fait partie des penseurs les plus cités. L’étude de son œuvre est presque inévitable à l’université aujourd’hui. Si Surveiller et punir (1975) peut être considéré comme relativement ardu (même s’il est accessible), le premier tome de son Histoire de la sexualité a le mérite d’être très court et d’exposer clairement le cœur de la philosophie de Foucault : le pouvoir est omniprésent, il est partout dans la société.