Le divorce en France, innovation instaurée sous une forme très libérale par le décret du 20 septembre 1792 durant la Révolution, maintenu sous Napoléon, est aboli sous la Restauration (le régime de la monarchie bourbonienne restaurée) par la loi « Bonald » du 8 mai 1816. Le mariage est en effet considéré comme indissoluble par l’Église catholique. Or « la religion catholique, apostolique et romaine est la religion d’État » selon l’article 6 de la Charte constitutionnelle de 1814 (la constitution du régime monarchique restauré). Le mariage, qui était considéré par la législation révolutionnaire comme un simple contrat civil et laïc, et donc dissoluble, est rendu indissoluble par la Restauration.
L’abolition du divorce : le courant ultra-royaliste
L’abolition du divorce est la réforme majeure du courant « ultra-royaliste » (« plus royaliste que le roi » selon le mot de Chateaubriand), qui domine la première législature de la Restauration, la « Chambre introuvable », d’octobre 1815 à septembre 1816. La loi Bonald est adoptée par les députés à 225 voix contre 11, et par les membres de la Chambre des pairs (l’équivalent du Sénat actuel), par 97 voix contre 12. Elle témoigne, selon Philippe Boutry, d’une tentative de « réinsertion du droit canonique dans le droit civil » (« La gauche et la religion », dans Histoires des gauches en France, 2005).
La loi Bonald n’est toutefois pas une rupture avec les régimes précédents. Déjà restreint en 1795, l’accès au divorce est rendu difficile après la promulgation du Code civil, le 21 mars 1804, par Napoléon Ier. Celui-ci supprimait le divorce pour incompatibilité d’humeur, réduisait les motifs de divorce pour faute à trois et rendait les conditions du divorce par consentement mutuel très contraignantes, tout en consacrant l’incapacité juridique de la femme mariée.
La philosophie de Bonald
La loi du 8 mai 1816 a été portée par le penseur réactionnaire et contre-révolutionnaire Louis de Bonald (1754 – 1840), auteur de plusieurs ouvrages hostiles au divorce (notamment Du divorce considéré au XIXe siècle, publié en 1801). Selon Bonald, l’indissolubilité du lien conjugal est la « pierre angulaire de la société » (Le Rénovateur, 1833, cité par Flavien Bertran de Balanda). Le mariage rend possible la création de la famille, la « société domestique », composée de trois membres inégaux aux fonctions différentes : le père, représentant le pouvoir, comme le roi pour son royaume ; la mère, ministre ; l’enfant, le sujet. Les familles fondent l’État, qui ne gouverne pas des sujets isolés. Père, mère et enfants forment un corps unique où se fondent des individualités, qui disparaissent en son sein.
Selon Bonald, un divorce détruit une société domestique, et ce selon la volonté de deux parties seulement (le mari et la femme), sans le consentement de l’enfant :
Le père et la mère qui font divorce sont donc réellement deux forts qui s’arrangent pour dépouiller un faible ; et l’État qui y consent est complice de leur brigandage.
Du Divorce considéré au XIXe siècle
Le divorce provoque un mélange des fonctions au sein de la famille en instaurant une démocratie domestique et légalise l’adultère (en tant que motif de divorce).
La Restauration ne met pas fin à la procédure de séparation de corps, à laquelle Bonald était favorable mais sous des modalités extrêmes (selon lui, dans Du Divorce, la séparation de corps doit entraîner la mort social du mari, l’envoi de la femme au couvent et l’enfant devient un orphelin). Cette procédure permettait aux mariés de vivre dans deux domiciles distincts, avec leurs biens, sans dissoudre pour autant le mariage. Elle pouvait être demandée pour adultère (contre le mari, seulement s’il a entretenu une concubine dans le domicile conjugale, sur le modèle du divorce napoléonien), excès, sévices et injures graves (l’adultère passant dans la jurisprudence dans cette catégorie) ou condamnation à une peine infamante.
Les conséquences de l’abolition du divorce
La séparation de corps maintient donc la femme dans son incapacité juridique, et lui interdit l’adultère, alors que celui du mari est permis, après la disparition du domicile conjugal. Ces procédures sont peu nombreuses, moins de 1000 par an jusqu’en 1840, 3700 en 1880 (Halpérin). Comme le divorce auparavant, ces procédures émanent surtout des femmes (plus de 85%), mères de famille ou femmes d’âge mûr, surtout pour sévices, excès et injures graves. Le divorce n’est rétabli que par la loi « Naquet » du 27 juillet 1884. Le divorce par consentement mutuel est de nouveau instauré par la loi du 11 juillet 1975.
À lire
- Flavien Bertran de Balanda, Louis de Bonald et la question du divorce, de la rédaction du Code civil à la loi du 8 mai 1816, Histoire, économie & société 2017/3
- Sylvain Bloquet, Le Mariage, un « contrat perpétuel par sa destination » (Portalis), Napoleonica. La Revue 2012/2 (N° 14)
- Jean-Louis Halpérin, Histoire du droit privé français depuis 1804, Chapitre 2 – L’ordre des familles
Petite question : quand la loi est elle votée car la session parlementaire est clôturée par ordonnance royale le 29 avril 1816 ?
Bonjour, merci à vous pour cette culture que vous nous apportez, pas forcément méconnue, mais quelque peu oubliée pour certaines.
Au fond, le top des top pour éviter toutes ces contreverses sur le plus fort et le plus faible, entre l’homme et la femme, entre qui a le droit de et qui pas et, et, et bien que tout soit relatif_il y a beaucoup d’absolu entre hommes et femmes_ce serait des mariages pas mixtes du tout, de prime abord, j’entends des mariages entre androgynes, comme à l’aube des temps, appelé ‘le trosième sexe’ tel que raconte Platon dans ‘Le Banquet’, et pour les enfants, avec les nouvelles technologies, ils pourraient enfanter l’un après l’autre et la guerre des sexes serait peut-etre et enfin à sa fin. Mais la guerre étant une faim, ils trouveraient peut-etre un autre moyen pour que la guerre n’est pas de fin Car pour paraphraser Nietszieche, l’Humain n’est pas trop humain. A mon avis, ce serait une bonne solution! :)) monique PS: L’Androgyne de Bernini est d’une beauté à couper le souffle!