Définition
La foi du charbonnier signifie : une croyance naĂŻve et absolue, une foi aveugle, une foi simple et sans examen. Câest expression nâest pas toujours pĂ©jorative.
La foi du charbonnier : origine de lâexpression
Lâorigine de cette expression nâest pas certaine. Le charbonnier est celui qui fabrique ou vend le charbon de bois, ou le mineur de charbon, et donc une personne pauvre, voire isolĂ©e car vivant Ă lâĂ©cart des autres dans sa forĂȘt. Cet Ă©tat lui aurait peut-ĂȘtre valu la rĂ©putation de simplicitĂ© et de naĂŻvetĂ© dans la foi. Des recherches sur Google Livres permettent de repĂ©rer lâexpression dĂšs la fin du XVIe siĂšcle.
VoilĂ un expedient bien prompt & aisĂ©. Câest pour revenir a la foy du charbonnier dâOsius, qui croyait ce que lâEglise croit.
Il leur eust Ă©tĂ© mieux seant de practiquer la foy du charbonnier, qui interrogĂ© que câest quâil croiait, recita sa creance, & pour le surplus dit quâil croyait ce que lâEglise croiayt ;
La combinaison des mots-clĂ©s âfoyâ et âcharbonnierâ ne permet pas de trouver ce Ă quoi font rĂ©fĂ©rence ces auteurs. Le charbonnier Ă©tait peut-ĂȘtre donnĂ© comme un exemple de foi par certains hommes dâĂglise, comme « Osius » (Stanislas Hosius) auquel Hugues du Rosier fait rĂ©fĂ©rence. Selon Alain Mothu :
Cependant il est exact quâHosius rapporte une histoire semblable, dans un Ă©pais ouvrage de controverse contre le luthĂ©rien Johann Brenz quâil fit paraĂźtre Ă Cologne en 1558, lâannĂ©e mĂȘme oĂč il Ă©tait appelĂ© Ă Rome pour y devenir, assez vite, un personnage de la plus haute influence (il sera fait cardinal en 1561). Dans un passage signalĂ© en manchette comme un « Exemple Ă imiter dâun fidĂšle charbonnier » (« Exemplum fidelis Carbonarii imitandum »), il affimait que ce serait folie et pure vanitĂ© que dâessayer de polĂ©miquer avec Satan au sujet de lâĂcriture au moyen de ses pauvres raisons humaines, particuliĂšrement Ă lâapproche de la mortâŻ. Le plus sĂ»r sera toujours de suivre lâexemple admirable de certain charbonnier qui, interrogĂ© par un homme docte (« quidam doctus ») sur ce Ă quoi il croyait, lui rĂ©cita le Credo, priĂ© dâen dire davantage rĂ©pondit quâil croyait « ce que croit lâĂglise catholique », et sommĂ© enfin de dire ce que croyait lâĂglise, rĂ©pondit quâelle croyait ce que lui croyait ; et lâon ne put rien en tirer de plus. BientĂŽt le savant â en fait un thĂ©ologien (« vir doctus, & sacrarum literarum peritus ») â qui avait interrogĂ© le charbonnier tomba malade et, au seuil de la mort, il fut visitĂ© par Satan (sous lâespĂšce du doute, devons-nous comprendre) : mis Ă son tour Ă lâĂ©preuve et interrogĂ© sur ce quâil croyait, mais ne pouvant suffisamment sâexpliquer, il dut son salut au souvenir de la ferme confiance du charbonnier dans cet « asile le plus sĂ»r de tous » que sera toujours lâĂglise catholique. Ă ceux qui lâassistaient au cours de sa maladie et avaient cru quâil dĂ©lirait en lâentendant crier : « Comme le charbonnier ! » (« ut carbonarius »), il expliqua toute lâhistoire.
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Exemples dâemploi
Câest impossible de penser ce quâon ne pense pas, de vouloir ce quâon ne veut pas ; pour faire un bon militant, il faut la foi du charbonnier, je ne lâai pas
Beauvoir, Les Mandarins
Il faut la foi du charbonnier pour se raconter, comme Bruno Le Maire, que lâalleÌgement de la fiscaliteÌ sur le capital est en train de susciter un « flot dâinvestissements » qui va « permettre de reÌin- dustrialiser le pays »
Marcel Gauchet Le révélateur des ronds-points
Mon pĂšre avait Ă©tĂ© âcharbonnierâ en 1942-1943. Puis il devint chef dâentreprise aprĂšs la guerre. Câest durant lâannĂ©e de ses 70 ans quâil a soutenu sa thĂšse de doctorat dâĂ©tat en histoire. Ses recherches lâont amenĂ© Ă examiner certaines expressions dont la foi du charbonnier. Le mot de foi serait Ă rapprocher de la conviction. Il accomplit son travail avec du bois, y met le feu et il en retire du charbon (de bois). Il nâa pas vu la transformation opĂ©rĂ©e dans la meule avec le feu mais il âsaitâ quâil en sortira du charbon.
Avoir âla foi du charbonnierâ nâest pas dâorigine religieuse mais les constatations de travaux bien avant lâĂšre chrĂ©tienne. Câest avoir la conviction que la transformation a lieu alors quâil nâest pas possible de lâobserver.
Bonjour Joël !
Il est pourtant difficile de ne pas faire le lien avec la religion, quand on lit la dĂ©finition de la foi en HĂ©breux 11 :1. Ou il est dit que « La foi est [âŠ] la dĂ©monstration Ă©vidente de rĂ©alitĂ©s que pourtant lâon ne voit pas. » Ou, selon une autre version : « Câest la certitude de choses que lâon ne voit pas. ».
Respectueusement, Thierry.
un peu tirĂ© par les cheveux.. me semble tâil. mais bon, pourquoi pas
Je connaissais le âfouĂ©eâ du charbonnier (entassement de bois qui sert Ă la fabrication du charbon de bois), mais y-a-tâil un rapport ? un amalgame entre fouĂ©e et foi ?
Câest trĂšs intĂ©ressant, merci. Je ne connaissais pas ce mot. Câest possible, mais cela semble ĂȘtre un terme de patois ligĂ©rien. Ătait-il connu dâun auteur du XVIe ? Peut-ĂȘtre, mĂȘme si cela paraĂźt un peu tirĂ© par les cheveux. On peut ajouter que lâAcadĂ©mie nâenregistre le terme avec le sens que vous lui donnez que dans sa 9e Ă©dition (rĂ©daction en cours). Il apparaĂźt dans le FuretiĂšre (1690), mais au sens de « sorte de chasse qui se fait la nuit Ă la clartĂ© du feu le long des hayes avec des ravaux.» Il ajoute : « Quelques uns disent Ă la foye. » Jâai essayĂ© de repĂ©rer des usages anciens pour « fouĂ©e du/de charbonnier » et « foye du/de charbonnier », mais je nâai rien trouvĂ©.