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Argumentation indirecte : définition & exemples

Publié le 02/07/2022 (m.à.j* le 08/07/2022)
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En littérature, l’argumentation indirecte désigne une manière pour un auteur de présenter au lecteur des idées, d’essayer d’emporter son adhésion sur quelque chose ou de susciter chez lui une réflexion, non par un exposé direct de ses arguments (ce qui relève de l’argumentation directe, que l’on retrouve dans les discours, les essais, les plaidoiries, etc.), mais de manière détournée, en créant une histoire qui fait passer son message ou son analyse. L’argumentation indirecte est une manière efficace d’intéresser un large public à des idées parfois arides, en les présentant de manière attrayante, par un récit plaisant qui met en scène des personnages qui vivent une aventure.

 

Les genres de l’argumentation indirecte


Le genre préférentiel de l’argumentation indirecte est l’apologue, du grec apologos, ἀπόλογος, « récit détaillé, narration, fable », terme technique qui désigne les courts récits qui contiennent un enseignement ou une vérité morale. On range en général dans la catégorie des apologues plusieurs types de texte, mais ceux qui contiennent une argumentation indirecte sont le plus souvent les contes philosophiques, les fables, les utopies et les paraboles.

· Le genre du conte philosophique est associé à Voltaire (1694 – 1778): ces courts récits lui permettaient d’attaquer certaines idées ou de formuler des critiques subreptices. L’exemple le plus célèbre reste Candide ou l’Optimisme (1759), dont l’intrigue cherche à tourner en dérision certains concepts développés par le philosophe Leibniz (1646 – 1716).

· La fable, genre littéraire très ancien, qui remonte à l’Antiquité, est un très court récit en vers ou en prose qui divertit, amuse, et sert souvent d’allégorie en montrant une situation particulière dont on peut tirer des vérités générales. Les plus célèbres fables en français, celles de Jean de La Fontaine (1621 – 1695), racontent des histoires dont les personnages sont des animaux, ce qui permet à l’auteur d’amuser son public par ces personnifications et de ne pas enraciner son récit dans une situation particulière : les animaux incarnent souvent des principes, représentent des traits de caractère, etc. Les fables de La Fontaine se terminent par une « morale », une phrase courte qui énonce la vérité qu’il faut tirer du récit. Par exemple, Le Corbeau et le Renard est un appel à se méfier de la flatterie. La morale dit de la fable d’ailleurs : « Apprenez que tout flatteur / Vit aux dépens de celui qui l’écoute ». L’interprétation à donner à d’autres fables de La Fontaine est moins certaine : de la cigale ou la fourmi, qui est la plus critiquable ?

· Les utopies, dont la production est assez rare (le terme vient du latin utopia, formé à partir du préfixe grec -ou, οὐ, « non », et de topos, τόπος, « endroit, lieu, région », littéralement « nulle part »), décrivent un monde idéal. La critique se glisse dans le décalage qu’elle établit avec le monde réel : l’utopie révèle en miroir les insuffisances que l’on trouve autour nous. La première « utopie » au sens strict est celle écrite par Thomas More (1478 – 1535) en 1516.  Il y raconte l’histoire d’une république insulaire, la République d’Utopie, dont l’organisation est idéale. Les dystopies, ou contre-utopies, sont bien plus populaires de nos jours : elles présentent des sociétés infernales et invivables, de telle manière que leur exemple doit inciter le lecteur à évaluer le monde réel pour en éloigner les avatars. La plus célèbre dystopie est sans doute présentée par un roman de 1949 de Georges Orwell (1903 – 1950), 1984, dans lequel l’intrigue se déroule dans un État totalitaire haïssable où les individus sont dénués de toute liberté, et où le mensonge passe pour la vérité.

· La parabole, enfin, est étroitement associée aux Évangiles. Dans ces récits, Jésus fait passer son message par de courts récits imagés qui rendent sa parole plus compréhensible par les petites gens. La parabole du semeur assimile Jésus à un semeur qui lance des graines.

À côté des apologues, on relève aussi de l’argumentation indirecte dans les romans dits « à thèse » ou dans certaines pièces de théâtre. Par exemple, la nouvelle Boule de suif (1880) de Guy de Maupassant (1850 – 1893) est une critique à peine voilée de l’égoïsme et de l’hypocrisie des bourgeois. La pièce Huis clos (1944) de Jean-Paul Sartre (1905 – 1980) est un exposé assez complexe de la situation infernale que peuvent créer des rapports viciés avec d’autres individus (« l’enfer, c’est les autres »).

Enfin, l’argumentation indirecte n’est pas, bien sûr limitée à la littérature. Certaines œuvres plastiques recèlent un message, parfois évident, comme The Problem We All Live With (Notre problème à tous, 1964), de Norman Rockwell  (1894 – 1978), illustration qui, en représentant la déségrégation et le problème du racisme aux États-Unis par des agents fédéraux emmenant une petite fille noire à l’école, fait une critique du caractère inacceptable de cette situation. Les films sont eux aussi très souvent porteur d’un message idéologique.