416 Vues
Enregistrer

Asyndète : définition simple et exemples (figure de style)

Publié le 25/09/2017
4 commentaires

Définition

L’asyndète est une figure de style par laquelle on juxtapose des éléments tout en supprimant volontairement les mots de coordination entre ces éléments. On omet d’inscrire la coordination entre plusieurs propositions d’une même phrase ou entre plusieurs phrases. Elle se traduit souvent par l’emploi de la virguleL’asyndète s’oppose à la polysyndète. Elle est une forme de parataxe. Exemple

Ménalque se jette hors de la portière, traverse la cour, monte l’escalier, parcourt l’antichambre, la chambre, le cabinet, tout lui est familier, rien ne lui est nouveau, il s’assit, il se repose, il est chez soi ; le maître arrive, celui-ci se lève pour le recevoir, il le traite fort civilement, le prie de s’asseoir, et croit faire les honneurs de sa chambre ; il parle, il rêve, il reprend la parole ; le maître de la maison s’ennuie, et demeure étonné ;

La Bruyère, Les Caractères, De l’Homme

Dans cet extrait, La Bruyère multiplie les propositions (« se jette hors de la portière », « traverse la cour », « monte l’escalier »), en ne les liant que par des virgules. Il n’emploie aucun terme terme de liaison. Il aurait en effet pu écrire : 

Ménalque se jette hors de la portière. Il traverse ensuite la cour pour monter l’escalier et parcourt l’antichambre…

L’asyndète est une ellipse, c’est-à-dire un procédé par lequel on retranche des mots d’une phrase sans que le sens de cette phrase en soit affecté. 

Autre exemple :

Veni, vidi, vici

Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu

Suétone, Vie des douze césars

Cette asyndète, par sa vivacité, traduit la puissance foudroyante de César. 

Vous trouverez en cliquant ici la liste de toutes les figures de style essentielles de la langue française

 

Asyndète et parataxe

L’asyndète est une forme de parataxe, c’est-à-dire une construction par juxtaposition, sans mot de liaison. Si la parataxe est le terme générique pour désigner une figure qui consiste à juxtaposer des propositions liées par un rapport de subordination, l’asyndète en serait une forme particulière, qui consiste à omettre les mots de coordination. Exemple de parataxe

L’orage éclatait. La pluie tombait en rayons blancs. Les carreaux pleuraient comme des yeux. De petites gouttes jaillissaient par les fentes des croisées. Dehors le cheval courbait la tête sous l’averse.

Jules Renard, Crime de village

Dans cet extrait, il y un enchaînement logique des différentes phrases. La deuxième est une conséquence logique de la première, etc.

 

Effet : une figure touchant à la construction de la phrase

L’asyndète permet de produire facilement un effet d’accumulation, ce qui entraîne le lecteur dans une description vive et donne une impression de foisonnement ou de désordre. L’asyndète donne bien sûr du rythme à la phrase, elle rapproche des sons. En juxtaposant des éléments, elle plonge presque le lecteur dans une vision. La Bruyère utilise l’asyndète dans une visée humoristique. 

Selon Reboul, cité par le Gradus, l’asyndète a aussi une fonction pédagogique, puisqu’elle demande au lecteur de rétablir lui-même le lien entre les propositions.

 

Étymologie d’asyndète

Asyndète vient du grec (préfixe privatif) et soudein, « lier ensemble ». 

 

Exemples d’asyndètes

On retrouve des asyndètes dans des locutions :

  • Bon gré, mal gré ;
  • Métro, boulot, dodo ;
  • Tel père, tel fils ; 
  • Les paroles s’envolent, les écrits restent ;

On trouve aussi dans des publicités :

  • Du pain, du vin, du boursin ;
  • Les prix sont libres. Vous êtes libres. Ne dites pas oui à n’importe quel prix.  (cité par le Gradus) ;

Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée

La Fontaine, Fables, La Laitière et le Pot au lait

Ce langage, sans doute, te paraît nouveau. Serait-il possible qu’après t’avoir accablé de douleurs, je te forçasse encore d’admirer mon courage ? Mais c’en est fait : le poison me consume ; ma force m’abandonne ; la plume me tombe des mains ; je sens affaiblir jusqu’à ma haine ; je me meurs.

Montesquieu, Lettres persanes, CLXI

FrançaisAnglaisLorrains, que la fureur rassemble […]

Voltaire, Henriade

Sa fille Cunégonde, âgée de dix-sept ans, était haute en couleur, fraîche, grasse, appétissante.

Voltaire, Candide

L’autre moitié jetait des cris et faisait des prières ; les voiles étaient déchirées, les mâts brisés, le vaisseau entrouvert. Travaillait qui pouvait, personne ne s’entendait, personne ne commandait. L’anabaptiste aidait un peu à la manœuvre ; il était sur le tillac ; un matelot furieux le frappe rudement et l’étend sur les planches ; mais du coup qu’il lui donna, il eut lui-même une si violente secousse, qu’il tombe hors du vaisseau, la tête la première.

Candide

Passer ses jours à désirer,
Sans trop savoir ce qu’on désire;
Au même moment rire et pleurer.
Sans raison de pleurer et sans raison de rire ;
Redouter le matin et le soir souhaiter
D’avoir toujours droit de se plaindre ;
Craindre  quand on doit se flatter,
Et se flatter quand on doit craindre ;
Adorer, haïr son tourment ;
À la fois s’effrayer, se jouer des entraves ;
Glisser légèrement sur les affaires graves,
Pour traiter un rien gravement ;
Se montrer tour à tour dissimulé, sincère,
Timide, audacieux, crédule, méfiant ;
Trembler, tout en sacrifiant,
De n’en point encore assez faire ;
Soupçonner les amis qu’on devrait estimer ;
Être le jour, la nuit, en guerre avec soi-même ;
Voilà qu’on se plaint de sentir quand on aime,
Et de ne plus sentir quand on cesse d’aimer.

Dufrénoy, Élégies, Amour

Adélaïde-Gillette Dufrénoy traduit les tourments de l’amour en multipliant les asyndètes.

Julien lisait. Rien n’était plus antipathique au vieux Sorel ; il eût peut-être pardonné à Julien sa taille mince, peu propre aux travaux de force, et si différente de celle de ses aînés ; mais cette manie de lecture lui était odieuse, il ne savait pas lire lui-même.

Stendhal, Le Rouge et le Noir

Fuyards, blessés, mourants, caissons, brancards, civières,
On s’écrasait aux ponts pour passer les rivières,
On s’endormait dix mille, on se réveillait cent.

Hugo, Les Châtiments, L’Expiation

L’asyndète traduit dans cet extrait de l’Expiation le désordre de la déroute. 

J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Hugo, Les Contemplations, Demain dès l’aube

Ta tête, ton geste, ton air
Sont beaux comme un beau paysage

Baudelaire, Fleurs du mal, À celle qui est trop gaie

Ses forces reparurent. L’automne s’écoula doucement. Félicité rassurait Mme Aubain.

Flaubert, Un Coeur simple

Des êtres noirs s’en venaient lentement, par groupes, dociles au cri d’airain du clocher. La pleine lune éclairait d’une lueur vive et blafarde tout l’horizon, rendait plus visible la pâle désolation des champs.

Maupassant, Clair de lune

Ô palmes! diamant! − Amour, force! − plus haut que toutes joies et gloires! − de toutes façons, partout, − Démon, dieu, − Jeunesse de cet être-ci ; moi!

Rimbaud, Illuminations, Angoisse

Le bruit des portes des voix des essieux grinçant sur les rails congelés

Cendrars, Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France