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Polysyndète : définition · exemples · effets (figure de style)

Publié le 20/11/2017
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Définition

Une polysyndète est une figure de style par laquelle on multiplie volontairement les mots de liaison, notamment les conjonctions de coordination (mais, ou, et, donc, or, ni, car) ou les adverbes de liaison (ainsi, alors, certes, en effet…) alors que la grammaire ne l’exige pas. La polysyndète s’oppose à l’asyndète. Exemple :

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

Verlaine, Poèmes saturniens, Mon rêve familier

Verlaine multiplie la conjonction « et », ce qui donne une impression de bercement. Autre exemple :

La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature !

Mallarmé, Brise marine

Mallarmé répète trois fois la conjonction négative « ni » pour insister fortement sur l’idée que rien ne le retiendra.

En cliquant ici : la liste de toutes les figures de style essentielles de la langue française

 

Effet de la polysyndète

Alors que l’asyndète crée une impression de foisonnement, de profusion, de désordre, la polysyndète détache chaque élément énuméré pour lui donner plus de relief. Elle permet de créer des accumulations frappantes de fait du rythme (binaire, ternaire) joué. Exemple

Avez-vous dans les airs entendu quelque bruit ?
Les vents nous auraient-ils exaucés cette nuit ?
Mais tout dort, et l’armée, et les vents, et Neptune.

Racine, Iphigénie, I, 1, Arcas

La polysyndète crée ici un rythme ternaire.

 

Polysyndète et anaphore

Figure voisine de la polysyndète, l’anaphore est une figure de style par laquelle on répète un même mot ou un même groupe de mots en tête de phrases, de vers, de paragraphes qui se suivent. C’est une figure de style qui donne une impression d’insistance, de symétrie et renforce un propos. Ce procédé est particulièrement populaire en poésie. Exemple :

Paris, Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais Paris libéré !…

 

Étymologie de polysyndète

Polysyndète vient du grec polusundetos, πολυσυνδετος, « qui contient beaucoup de conjonctions », de polus « nombreux », et sundet, « lier, unir ».

 

Exemples de polysyndètes

  • Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage,
    Et la mer est amère, et l’amour est amer (Marbeuf)
  • Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
    Je sentis tout mon corps et transir et brûler. (Racine, Phèdre, I, 3, Phèdre)
  • Volage adorateur de mille objets divers,
    Qui va du Dieu des morts déshonorer la couche ;
    Mais fidèle, mais fier, et même un peu farouche, (Phèdre, II, 5)
  • Quelquefois à l’autel
    Je présente au grand-prêtre ou l’encens ou le sel,
    J’entends chanter de Dieu les grandeurs infinies.
    Je vois l’ordre pompeux de ses cérémonies. (Athalie, II, 7, Joas)
  • […] la raison ne peut tenir contre le tempérament : elle se laisse mener en triomphe, ou en qualité de captive, ou en qualité de flatteuse. Elle contredit les passions pendant quelque temps, et puis elle ne dit mot, et se chagrine en secret, et enfin elle leur donne son approbation. (Bayle, Réponses aux questions d’un provincial)
  • Oui, je le lui rendrai, mais mourant, mais puni
    Mais versant à ses yeux le sang qui m’a trahi. (Voltaire, Zaïre, Acte III, 7)
  • J’ai perdu ma force et ma vie
    Et mes amis et ma gaieté (Musset, Poésies nouvelles, Tristesse)
  • Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
    Polis comme de l’huile, onduleux comme un cygne,
    Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins;
    Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne… (Baudelaire, Les Fleurs du mal, Les Bijoux)

  • Assez vu. La vision s’est rencontrée à tous les airs.
    Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours. (Rimbaud, Illuminations, Départ)
  • Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. − Et je l’ai trouvée amère. − Et je l’ai injuriée. (Une saison en enfer, Prologue)
  • Le temps ! le temps ! Issoire,
    Il coule et tourne et gire et vire et filtre en ta passoire… (Romains, Les Copains)
  • Il faut les croire sur baiser
    Et sur parole et sur regard
    Et ne baiser que leurs baisers (Éluard, Amoureuses)
  • Et avec quel effroi ! …Perdu parmi deux millions de fous héroïques et déchaînés et armés jusqu’aux cheveux ? (Céline, Voyage au bout de la nuit)
  • Puis vient le jour où l’on sait qu’on est pauvre et misérable et malheureux et aveugle et nu. (Kerouac, Sur la route, cité par le Gradus)
  • Ces hommes qui comme nous croquèrent des olives, burent du vin, s’engluèrent les doigts de miel, luttèrent contre le vent aigre et la pluie aveuglante, et chèrchèrent en été l’ombre d’un platane, et jouirent, et pensèrent, et vieillirent et moururent. (Yourcenar, Mémoires d’Hadrien)

    • Cette polysyndète succède à une parataxe

 

  • Et quelques pas de deux et quelques pas de danse
    Et la nuit est soumise et l’alizé se brise
    Aux Marquises. (Brel, Les Marquises)