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Bougnoule : origine du mot (étymologie)

Publié le 10/01/2022 (m.à.j* le 10/03/2023)
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« Bougnoul » ou « bougnoule » est un terme injurieux et raciste, appliqué le plus souvent aux Maghrébins ou aux personnes d’origine maghrébine (comme « bicot ») ou une insulte raciste à l’égard des personnes originaires de l’immigration africaine en général.

Bougnoul(e) : quelle est l’origine de ce terme ? (étymologie)

Selon le Dictionnaire historique de la langue française, qui reprend la principale hypothèse sur l’origine de ce qualificatif, « bougnoule » viendrait du ouolof ou wolof, langue parlée au Sénégal, en Gambie et en Mauritanie, ex-colonies de la France. Ñuul ou gnoul signifie « être noir » et bou ou bu (selon plusieurs locuteurs du wolof interrogés pour la rédaction de cet article), est un terme qui a plusieurs sens, et qui signifie ici « ce » (adjectif démonstratif) , ou « en », « toi, il », « qui est ». En somme, « bougnoul » signifie « qui est noir », « toi, le noir ». Selon le Dictionnaire historique…, « bougnoule » était employé, supposément par les locuteurs du wolof, comme terme péjoratif à l’égard des Africains européanisés. Un texte de 1899 présente un sens un peu différent, il est employé par un Français comme terme wolof pour désigner des aborigènes du Sénégal et du Soudan.

[…] et je puis me permettre d’essayer la puissance de nos liquides sur un estomac de bougnoul (terme ouoloff pour désigner les aborigènes du Sénégal et du Soudan).

Bougnoul était peut-être synonyme, au XIXe siècle, de « Noir », « personne noire » en wolof. C’est ce que laisse penser une anecdote rapportée par le même livre :

Cependant, un jour, en passant devant la statue de Jean-Jacques Rousseau, au Panthéon, il se tourne brusquement vers moi, et me demande quel est ce « bougnoul ».

Ce n’est pas un bougnoul, lui dis-je, c’est un toubab qui a fait des corans, comme les marabouts.

– Toubab blanc comme toi.

– Mais oui.

– Alors pourquoi y a fait son portrait noir comme moi ?

Édouard Guillaumet, Tableaux soudanais

Toutefois, aujourd’hui, entre locuteurs du wolof, « bougnoul » est considéré comme une façon insultante ou familière d’appeler quelqu’un. C’est aussi une locution ordinaire de la langue wolof, pour « qui est noir » (toujours précédé d’un nom). Par exemple, « sa auto bougnoul bi » signifie « cette voiture est noire ». Il est repris par les Français dès le XIXe siècle, comme le montre le texte cité ci-dessus. On le trouve dans un texte de 1898 comme simple synonyme de « nègre » ou de « noir » : « Le marchand « bougnoul » a une manière très particulière de procéder. » Mais il est déjà employé comme injure raciste à l’égard des Noirs dans l’extrait d’une nouvelle publiée dans Le Figaro du 3 février 1894 :

Cependant, Mahmadou Semba sifflait à ses côtés ; et ce sifflement à la fin agaça ses nerfs en quête d’un prétexte à détente :

– Te tairas-tu, sale bougnoul ? … cria-t-il

Le protagoniste dit « sale bougnoul » comme il pourrait dire « sale Noir », ou passe déjà ici l’idée que les locaux sont des individus corvéables à merci. Il serait passé en français par l’intermédiaire de l’infanterie et la marine coloniale pour désigner les individus (en général) corvéables, puis aurait été parfois appliqué en France par les ouvriers aux paysans :

Voyez par exemple le mot « bougnoul », terme de dépréciation que les ouvriers de la ville adressent parfois aux paysans (n’appelle-t-on pas « train bougnoul » le chemin de fer départemental de Brest à Ploudalmézeau et Lannilis ?) Peut-être, dans quelques années d’ici, aurait-il été difficile de retrouver que c’était là un mot apporté à Brest par les coloniaux, « bougnoul » signifiant nègre au Sénégal dans le dialecte wolof, « le passage de nègre à paysan s’étant fait sur l’idée d’indigène, corvéable à merci. »

La Dépêche de Brest, 7 mai 1926, article à propos de des recherches de Gaston Esnault

Il s’est ensuite répandu comme injure raciste, d’abord à l’égard des Noirs et des métis, puis à l’égard des Maghrébins.