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« Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire » : Voltaire ?

Publié le 12/03/2022 (m.à.j* le 30/07/2022)
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« Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire » ou « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire » est une phrase célèbre qui est souvent attribuée à Voltaire (1694 – 1778). Elle souvent citée pour donner, dans un débat, un modèle prestigieux à la défense de la liberté d’expression. Reformulée, cette phrase signifie : même si je ne suis pas d’accord avec une opinion contraire à la mienne, je suis si attaché à la liberté d’expression que j’outrepasserai ce désaccord, et je m’opposerai à tous ceux qui essaieront de faire taire autoritairement cette opinion. En d’autres termes, je suis prêt à combattre par des arguments les opinions contraires aux miennes, mais je veux qu’elles puissent s’exprimer.

Cependant, il semble bien que cette phrase soit apocryphe. Cela signifie que Voltaire ne l’a jamais écrite. Selon l’hypothèse la plus vraisemblable, le véritable auteur de cette phrase est Evelyn Beatrice Hall (1868 – 1956), écrivaine anglaise. On la trouve dans sa biographie de Voltaire, The Friends of Voltaire (1906) :

‘On the Mind’ became not the success of a season, but one of the most famous books of the century. The men who had hated it, and had not particularly loved Helvétius, flocked round him now. Voltaire forgave him all injuries, intentional or unintentional. ‘What a fuss about an omelette!’ he had exclaimed when he heard of the burning. How abominably unjust to persecute a man for such an airy trifle as that ! ‘I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it,’ was his attitude now.

De l’Esprit ne devint pas le succès d’une saison, mais l’un des livres les plus célèbres de son siècle. Les hommes qui l’avaient détesté, et qui n’aimaient pas spécialement Helvétius, s’attroupaient désormais autour de lui. Voltaire lui pardonna toutes les insultes, intentionnelles et accidentelles. « Quelle histoire pour une omelette ! » s’était-il exclamé quand il entendit parler de l’autodafé. Qu’il est abominablement injuste de persécuter un homme pour une telle bagatelle ! ». « Je désapprouve ce que vous dites, mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire » était son esprit du moment.

Cet extrait serait à l’origine de la citation moderne. Elle serait devenue en français « je ne suis pas d’accord avec vous, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire » selon une des versions. Cependant, les modalités de son passage en français ne sont pas claires.

On retrouve la phrase, au plus tôt, aux premières années de l’après-deuxième-guerre.

Il a été condamné à recopier cent fois cette phrase de Voltaire : « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire ».

Paris-Dakar, 11 septembre 1948

Vous qui avez jeté l’œuf et visé juste, vous me copierez cent fois cette phrase : « je désapprouve ce que vous dites, mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire » […] Ajoutons que la pensée citée est une phrase de Voltaire ! Nous craignons fort que beaucoup de citoyens, en France, l’aient depuis longtemps oubliée, hélas !

Juvénal, 11 septembre 1948

Bien que cette phrase ne soit pas de Voltaire, certains peuvent très bien considérer qu’elle reflète la façon de pensée du philosophe. En effet, il représente souvent dans les esprits une figure tutélaire de la liberté d’expression et de la tolérance. En outrer, le fait que la phrase soit apocryphe ne rend pas l’attitude qu’elle promeut moins défendable pour autant. Cependant, le fait que cette phrase ne soit pas vraiment de Voltaire diminue quelque peu son autorité, alors que les citations servent souvent d’argument d’autorité, ou servent à mieux exprimer ce que l’on ne saurait bien dire soi-même.