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À bras-le-corps : définition & origine de l’expression

Publié le 28/07/2021
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Prendre, saisir, tenir à bras-le-corps signifie « saisir quelqu’un ou quelque chose en l’entourant de ses bras » (on peut dire : « je l’ai saisi à bras-le-corps pour l’empêcher de s’enfuir ») ou, au sens métaphorique « s’occuper avec détermination d’une affaire, affronter les difficultés pour résoudre un problème. » (après la réunion avec son équipe, elle a pris le problème à bras-le-corps).

À bras-le-corps : origine de l’expression

Selon le TLFi, la forme la plus ancienne de cette expression semble avoir été, en ancien français, a brace de corps (ou a brache de corps) où a signifie « avec », brace « les deux bras », et de « en ce qui concerne, quant à », qui connaissait une variante, à bras de corps. Le TLFi le relève dans la Chronique de Mathieu Escouchy (XVe siècle), qui ont fait l’objet d’une publication tardive. Sur internet, on trouve « brache de corps » dans une édition de 1826 (dont l’orthographe a été adaptée) des Chroniques d’Enguerrand de Monstrelet (mort en 1453)  :

Mais quand ledit Jacotin se sentit ainsi atteint dudit sablon, il marche auprès d’iceluy Mahiot, et le prit à brache le corps, tellement qu’il le rua et renversa par terre sous luy, où il luy fit souffrir grand martyre ;

Le Dictionnaire du moyen français relève aux bras parmi le corps et aussi à/aux bras parmi de corps, pour lesquels il donne deux exemples : 

Et pour ce qu’il le vey sans selle, il s’appareilla de le prendre aux bras parmy le corps [var. as bras de corps] et le ruer a terre. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 40). …et le aherdi au bras de corps tellement que… (Jehan d’Avennes Q., c.1465-1468, 94).

Au XVIe, on trouve « à bras de corps » :

[…] il sappareilla de la prendre aux bras de corps et le planter à terre.

…hystoire du tresnoble victorieux et excellentissime roy Perceforest, 1528

Prest a donner le coup le rableux instrument :
Il advance la main, puis prenant la fillette
A bras le corps, ravi, la jette sur l’herbette

Claude Gauchet, Le Plaisir de champs, 1583

L’évolution de l’usage des composés de cette locution a transformé au XVIIIe siècle l’expression en à brasse-corps (avec brasser au sens dialectal de « entourer de ses bras » selon le TLFi), sur le modèle de à tire-larigot, à tue-tête, à brûle-pourpoint :

Pendant ce temps-là il y avait un corps mort fur nôtre pont & l’on disait quelques prières avant de le jetter, le tems les interrompit, si bien que sans aucune autre forme un Matelot le prit à brasse corps & le fit sauter par dessus le plat bord.

Gautier Du Tronchoy, Journal de la campagne des isles de l’Amérique…, 1709

Avec la disparition de brasser, la forme « à bras le corps » (sans traits d’union) apparaît au XVIIIe siècle, d’abord chez Beaumarchais :

Oui, vous m’avez frappé de prime-abord… Il part de vos yeux un feu… c’est le feu grégeois, qui embrâse au loin s’en pouvoir s’éteindre … (Il la prend à bras le corps pour l’embrasser). Et je sens qu’il faut échoüer contre l’écueil de vos appas.

Beaumarchais, L’Esclave, ou le marin généreux, 1773

On le retrouve sans traits d’union chez Zola, bien que les dictionnaire usuels d’aujourd’hui les notent : 

Alors, Muffat eut un soupir bas et prolongé. Ce plaisir solitaire l’exaspérait. Brusquement, tout fut emporté en lui, comme par un grand vent. Il prit Nana à bras le corps, dans un élan de brutalité, et la jeta sur le tapis.

Nana

À lire ici : pourquoi dit-on « une foire d’empoigne » ?