L’Ă©dit de Milan (313) : tolĂ©rance du christianisme | Texte | Commentaire

« Édit de Milan » est une appellation impropre par laquelle on dĂ©signe une lettre de 313 de l’empereur romain Licinius (308 – 324), qui rĂšgne alors sur la partie orientale de l’Empire (Constantin rĂ©gnant alors sur la partie occidentale, avant d’unifier les deux parties en 324), dans laquelle il ordonne la fin des persĂ©cutions contre les chrĂ©tiens et permet Ă  chacun de suivre le culte de son choix.

L’Ă©dit de Milan est une fiction, mais renvoie Ă  un fait : la religion des chrĂ©tiens est dĂ©sormais licite dans l’Empire. Cette nouvelle politique religieuse laissant la libertĂ© de culte Ă  tous est vĂ©ritablement instituĂ©e par l’Ă©dit de Sardique (ou « édit de GalĂšre ») pris en 311. Ce dernier rĂšgle dĂ©finitivement la question politique que posait le dĂ©veloppement du christianisme au sein de l’Empire.

 

Avant l’Ă©dit de Milan : les persĂ©cutions des chrĂ©tiens


édit de milan persécution

Jean-Léon GérÎme, La derniÚre priÚre des martyrs chrétiens, 1863

Des persĂ©cutions sporadiques…

Jusqu’au IIIe siĂšcle, les chrĂ©tiens font l’objet de persĂ©cutions sporadiques au sein de l’Empire romain. La rĂ©pression du culte est une affaire locale et spontanĂ©e. Les morts sont peu nombreuses. De telles persĂ©cutions surviennent notamment en 64 ap. J.-C. aprĂšs l’incendie de Rome ou en 177, Ă  Lyon, suite Ă  mouvement populaire. La religion des chrĂ©tiens est alors interdite ; les adeptes de ce culte vivent dans un « climat d’insĂ©curitĂ© permanente » (Marie-François Baslez, PersĂ©cutions dans l’AntiquitĂ©).

L’explication de ces persĂ©cutions est complexe. Les chrĂ©tiens sont considĂ©rĂ©s comme impies : ils ont rejetĂ© la religion de leur nation, celle de leurs ancĂȘtres, pour suivre un culte considĂ©rĂ© comme une « folie ». Ils sont considĂ©rĂ©s comme asociaux et comme un danger politique : ils refusent notamment le culte impĂ©rial (vouĂ© Ă  l’empereur divinisĂ©), puissant moteur d’intĂ©gration Ă  l’Empire dans les provinces nouvellement conquises. 

Cependant, en 112, l’empereur Trajan (98 – 117), rĂ©pondant Ă  une requĂȘte de Pline le Jeune (Ier – IIe siĂšcle ap. J.-C.), alors gouverneur impĂ©rial de Bithynie, qui lui demandait quel sort il devait rĂ©server aux chrĂ©tiens dĂ©noncĂ©s, Ă©nonce une rĂšgle : ne condamner les chrĂ©tiens qu’en cas de trouble Ă  l’ordre public et de ne pas chercher Ă  les poursuivre.

 

…puis systĂ©matisĂ©es : la persĂ©cution de DĂšce

Au IIIe siĂšcle, l’Empire est en crise. Le pouvoir est instable Ă  l’intĂ©rieur, la peste frappe, et l’extĂ©rieur est menaçant. L’unitĂ© de l’Empire est en pĂ©ril. L’empereur DĂšce (249 – 251), dans un Ă©dit dont le texte est perdu, aurait alors rendu obligatoire le sacrifice aux dieux, donnant naissance Ă  une politique de persĂ©cution Ă  l’Ă©chelle impĂ©riale (mĂȘme si elle ne visait pas spĂ©cifiquement les chrĂ©tiens). Cette volontĂ© de retour Ă  un unanimisme religieux (strictement rituel, en signe de piĂ©tĂ© civique) dans l’Empire fait suite, selon Yves Bruley (Histoire du catholicisme), Ă  l’unitĂ© civique instaurĂ©e par l’Ă©dit de Caracalla de 212 qui avait octroyĂ© la citoyennetĂ© romaine Ă  l’ensemble des hommes libres de l’Empire.

Les persĂ©cutions sont poursuivies sous ValĂ©rien (253 – 260) qui prend des Ă©dits qui visent expressĂ©ment les chrĂ©tiens (Le Christianisme, des origines Ă  Constantin) : les Ă©vĂȘques doivent reconnaĂźtre les dieux de l’empire, les chrĂ©tiens n’ont pas le droit de se rĂ©unir pour leur culte. En 258, un nouvel Ă©dit ordonne la mise Ă  mort des chrĂ©tiens qui n’avaient pas obtempĂ©rĂ© Ă  l’Ă©dit.

Les chrĂ©tiens connaissent ensuite une pĂ©riode d’accalmie aprĂšs la mort de ValĂ©rien et l’avĂšnement de Gallien (empereur seul de 260 Ă  268) qui prend un Ă©dit de tolĂ©rance en 260, par volontĂ© d’apaisement. L’Église connaĂźt alors, jusqu’Ă  303, une pĂ©riode de grande expansion que l’on nomme couramment la « petite paix de l’Église« .

 

La persécution de Dioclétien  : un échec

En 303 en effet, l’empereur DioclĂ©tien (284 – 305), dans un empire qu’il a rĂ©formĂ© et stabilisĂ© et dont il veut rĂ©tablir le caractĂšre traditionnel, reprend les persĂ©cutions. DĂšs 297, il inaugure une persĂ©cution des manichĂ©ens. Par quatre Ă©dits (selon la tradition), il ordonne la destruction des lieux de culte, l’arrestation du clergĂ©, l’obligation sous peine de mort de sacrifier aux dieux, l’interdiction des rĂ©unions et l’interdiction pour les chrĂ©tiens d’ester en justice. Ces mesures concernent surtout les chrĂ©tiens en Orient, c’est-Ă -dire en Asie mineure, en Syrie et en Égypte, rĂ©gions dans lesquelles ils sont nombreux. Les chrĂ©tiens en Occident, peu nombreux, sont prĂ©servĂ©s, notamment en Gaule, oĂč Constance Chlore les protĂšge.

Cette politique est pourtant un Ă©chec. En effet, comme le rappelle Alain Chauvot (Histoire romaine), cette persĂ©cution n’est pas populaire, mais bureaucratique. Elle est d’origine purement impĂ©riale. L’absence de « mouvement populaire » dans la foulĂ©e de cette politique tĂ©moignerait du dĂ©calage entre pouvoir et sociĂ©tĂ© : les chrĂ©tiens sont insĂ©rĂ©s dans le tissu social.

 

La matrice de « l’Ă©dit de Milan » : l’Ă©dit de Sardique (ou « édit de GalĂšre »)


 

La situation des chrétiens : une anomalie juridique

Les chrĂ©tiens persĂ©cutĂ©s sont alors, au sein de l’Empire romain, une anomalie juridique selon Marie-François Baslez. En effet, cette communautĂ© religieuse est atypique : ses fidĂšles ne suivent ni la religion de leurs pĂšres (ils ne suivent pas la religion nationale de leur peuple, ils ont abandonnĂ© la religion de leurs ancĂȘtres selon la formule de l’Ă©dit de GalĂšre), ni la religion impĂ©riale.

Cette situation est dangereuse : existe au sein de l’Empire un nombre important d’hommes qui se situent malgrĂ© eux hors de la communautĂ© idĂ©ologique de Rome. Ils se donnent Ă  eux-mĂȘmes leur propre loi religieuse, celle du christianisme en formation et ne prient pas leur dieu pour le salut de l’État.

 

Texte de l’Ă©dit de GalĂšre :

Le 30 avril 311, GalĂšre, empereur dominant au sein du systĂšme complexe de la tĂ©trarchie, inaugure, par l’Ă©dit de Sardique, une nouvelle politique religieuse au sein de l’Empire. En effet, il suspend la politique de persĂ©cution de DioclĂ©tien et autorise le culte chrĂ©tien.

Entre toutes les dispositions que nous n’avons cessĂ© de prendre dans l’intĂ©rĂȘt et pour le bien de l’État, nous avions dĂ©cidĂ© antĂ©rieurement de rĂ©former toutes choses selon les lois anciennes et la rĂšgle des Romains, et de veiller Ă  ce que mĂȘme les chrĂ©tiens, qui avaient abandonnĂ© la religion de leurs ancĂȘtres, revinssent Ă  de bons sentiments, puisque, pour de certaines raisons, ces mĂȘmes chrĂ©tiens avaient Ă©tĂ© saisis d’une telle obstination et possĂ©dĂ©s d’une telle folie que, loin de suivre les usages des anciens – usages qui avaient Ă©tĂ© peut-ĂȘtre Ă©tablis par leurs propres aĂŻeux –, ils se faisaient pour eux-mĂȘmes, selon leur grĂ© et leur bon plaisir, les lois qu’ils observaient, et qu’en divers lieux ils attiraient des foules de gens de toutes sortes.

Bref, aprĂšs la publication de notre Ă©dit leur enjoignant de se conformer aux usages des ancĂȘtres, beaucoup ont Ă©tĂ© poursuivis, beaucoup mĂȘme ont Ă©tĂ© frappĂ©s. Mais comme un grand nombre persistent dans leur propos, et que nous nous apercevons que, tout en ne rendant pas aux dieux le culte et le respect qui leur sont dus, ils n’honorent pas le dieu des chrĂ©tiens, considĂ©rant aussi, Ă  la lumiĂšre de notre infinie clĂ©mence, notre constante habitude d’accorder le pardon Ă  tous, nous avons dĂ©cidĂ© qu’il fallait Ă©tendre Ă  leur cas aussi, et sans aucun retard, le bĂ©nĂ©fice de notre indulgence, de sorte qu’à nouveau ils pussent ĂȘtre chrĂ©tiens et rebĂątir leurs lieux de rĂ©union, Ă  condition qu’ils ne se livrent Ă  aucun acte contraire Ă  l’ordre Ă©tabli. Dans un second rĂšglement, nous indiquerons aux gouverneurs ce qu’ils devront observer. En consĂ©quence, et en accord avec l’indulgence que nous leur tĂ©moignons, les chrĂ©tiens devront prier leur dieu pour notre salut, celui de l’Empire, et le leur propre, afin que l’intĂ©gritĂ© de l’État soit rĂ©tablie partout et qu’ils puissent mener une vie paisible dans leurs foyers.

Lactance, De mortibus persecutorum, 34, traduction de J.Moreau, cité par Paul Mattei dans Le Christianisme antique

L’Ă©dit signe une forme d’Ă©chec : l’Empire n’a pas su vaincre l’Église qui a survĂ©cu aux persĂ©cutions. GalĂšre, pragmatique, prend donc un Ă©dit de tolĂ©rance civile, et non pas religieuse, et le termine en proposant une espĂšce d’accord aux chrĂ©tiens : la fin de la persĂ©cution contre leurs priĂšres pour le salut de l’Empire.

GalĂšre meurt peu aprĂšs, le 5 mai 311.

 

« L’Ă©dit de Milan » et l’avĂšnement de Constantin


edit de milan edit de galere

La bataille du pont Milvius, Jules Romain

L’avĂšnement de Constantin

L’Ă©dit de Sardique est pris dans un Empire qui est rĂ©gi depuis 293 par un systĂšme de gouvernement collĂ©gial instituĂ© par DioclĂ©tien dans lequel plusieurs princes rĂšgnent : la tĂ©trarchie. Efficace en ses dĂ©buts, elle se dĂ©lite rapidement, et les rivalitĂ©s Ă©mergent rapidement entre des princes dont le nombre augmente.

Le 28 octobre 312, Constantin, un de ces princes de la tĂ©trarchie, proche du christianisme, obtient une victoire inespĂ©rĂ©e Ă  la bataille du pont Milvius contre un autre prince, Maxence, qui rĂšgne Ă  Rome. Constantin, qui rĂ©gnait dĂ©jĂ  sur la Gaule, l’Espagne et la Bretagne, devient maĂźtre de l’Italie et de l’Afrique.

Il devient l’un des trois maĂźtres de l’Empire romain, avec Licinius, qui rĂšgne sur un territoire qui s’Ă©tend de la Dalmatie Ă  la Thrace, et Maximin DaĂŻa, qui rĂšgne sur l’Égypte, la Syrie et sur l’Asie mineure dont il s’Ă©tait emparĂ©. Ce dernier continue les persĂ©cutions contre les chrĂ©tiens malgrĂ© l’Ă©dit : ils sont expulsĂ©s des citĂ©s et leurs rĂ©unions sont interdites dans les cimetiĂšres (Ă  dĂ©faut d’autres lieux de culte). L’Ă©vĂȘque Pierre d’Alexandrie est exĂ©cutĂ©.

Constantin, choisi comme premier Auguste par le SĂ©nat (c’est-Ă -dire qu’il a la prĂ©sĂ©ance sur les autres princes), est en position de force. Il rencontre Licinius, auquel il s’allie, en 313 Ă  Milan. À cette occasion, les deux hommes auraient proclamĂ© l’Ă©dit de Milan, dont rien n’atteste l’existence. En effet, l’Ă©dit de GalĂšre avait dĂ©jĂ  rĂ©glĂ© la question politique des chrĂ©tiens. On a cependant conservĂ© deux rescrits de Lucinius ordonnant la fin des persĂ©cutions, l’un au gouverneur de Bithynie, affichĂ© Ă  NicomĂ©die en juin 313 et conservĂ© par Lactance, et l’autre au gouverneur de Palestine et conservĂ© par EusĂšbe.

 

Texte et commentaire du prétendu « édit de Milan »

Moi, Constantin Auguste, ainsi que moi, Licinius Auguste, rĂ©unis heureusement Ă  Milan, pour discuter de tous les problĂšmes relatifs Ă  la sĂ©curitĂ© et au bien public, nous avons cru devoir rĂ©gler en tout premier lieu, entre autres dispositions de nature Ă  assurer, selon nous, le bien de la majoritĂ©, celles sur lesquelles repose le respect de la divinitĂ©, c’est-Ă -dire donner aux chrĂ©tiens comme Ă  tous, la libertĂ© et la possibilitĂ© de suivre la religion de leur choix, afin que tout ce qu’il y a de divin au cĂ©leste sĂ©jour puisse ĂȘtre bienveillant et propice, Ă  nous-mĂȘmes et Ă  tous ceux qui se trouvent sous notre autoritĂ©. C’est pourquoi nous avons cru, dans un dessein salutaire et trĂšs droit, devoir prendre la dĂ©cision de ne refuser cette possibilitĂ© Ă  quiconque, qu’il ait attachĂ© son Ăąme Ă  la religion des chrĂ©tiens ou Ă  celle qu’il croit lui convenir le mieux, afin que la divinitĂ© suprĂȘme, Ă  qui nous rendons un hommage spontanĂ©, puisse nous tĂ©moigner en toutes choses sa faveur et sa bienveillance coutumiĂšres. Il convient donc que Ton Excellence sache que nous avons dĂ©cidĂ©, supprimant complĂštement les restrictions contenues dans les Ă©crits envoyĂ©s antĂ©rieurement Ă  tes bureaux concernant le nom des chrĂ©tiens, d’abolir les stipulations qui nous paraissaient tout Ă  fait malencontreuses et Ă©trangĂšres Ă  notre mansuĂ©tude, et de permettre dorĂ©navant Ă  tous ceux qui ont la dĂ©termination d’observer la religion des chrĂ©tiens, de le faire librement et complĂštement, sans ĂȘtre inquiĂ©tĂ©s ni molestĂ©s.

Nous avons cru devoir porter à la connaissance de Ta Sollicitude ces décisions dans toute leur étendue, pour que tu saches bien que nous avons accordé auxdits chrétiens la permission pleine et entiÚre de pratiquer leur religion.

Ton DĂ©vouement, se rendant exactement compte que nous leur accordons ce droit, sait que la mĂȘme possibilitĂ© d’observer leur religion et leur culte est concĂ©dĂ©e aux autres citoyens, ouvertement et librement, ainsi qu’il convient Ă  notre Ă©poque de paix, afin que chacun ait la libre facultĂ© de pratiquer le culte de son choix. Ce qui a dictĂ© notre action, c’est la volontĂ© de ne point paraĂźtre avoir apportĂ© la moindre restriction Ă  aucun culte ni Ă  aucune religion.

De plus, en ce qui concerne la communautĂ© des chrĂ©tiens, voici ce que nous avons cru devoir dĂ©cider : les locaux oĂč les chrĂ©tiens avaient auparavant l’habitude de se rĂ©unir, et au sujet desquels les lettres prĂ©cĂ©demment adressĂ©es Ă  tes bureaux contenaient aussi des instructions particuliĂšres, doivent leur ĂȘtre rendus sans paiement et sans aucune exigence d’indemnisation, toute duperie et toute Ă©quivoque Ă©tant hors de question, par ceux qui sont rĂ©putĂ©s les avoir achetĂ©s antĂ©rieurement, soit Ă  notre trĂ©sor, soit par n’importe quel autre intermĂ©diaire. De mĂȘme, ceux qui les ont reçus en donation doivent aussi les rendre au plus tĂŽt auxdits chrĂ©tiens. De plus, si les acquĂ©reurs de ces bĂątiments ou les bĂ©nĂ©ficiaires de donation rĂ©clament quelque dĂ©dommagement de notre bienveillance, qu’ils s’adressent au vicaire, afin que par notre mansuĂ©tude, il soit Ă©galement pourvu Ă  ce qui les concerne.

Tous ces locaux devront ĂȘtre rendus par ton intermĂ©diaire, immĂ©diatement et sans retard, Ă  la communautĂ© des chrĂ©tiens. Et puisqu’il est constant que les chrĂ©tiens possĂ©daient non seulement les locaux oĂč ils se rĂ©unissaient habituellement, mais d’autres encore, appartenant en droit Ă  leur communautĂ©, c’est-Ă -dire Ă  des Ă©glises et non Ă  des individus, tu feras rendre auxdits chrĂ©tiens, c’est-Ă -dire Ă  leur communautĂ© et Ă  leurs Ă©glises, toutes ces propriĂ©tĂ©s aux conditions reprises ci-dessus, sans Ă©quivoque ni contestation d’aucune sorte, sous la seule rĂ©serve, Ă©noncĂ©e plus haut, que ceux qui leur auront fait cette restitution gratuitement, comme nous l’avons dit, peuvent attendre de notre bienveillance une indemnitĂ©. En tout cela, tu devras prĂȘter Ă  la susdite communautĂ© des chrĂ©tiens ton appui le plus efficace, afin que notre ordre soit exĂ©cutĂ© le plus tĂŽt possible, et afin aussi qu’en cette matiĂšre il soit pourvu par notre mansuĂ©tude Ă  la tranquillitĂ© publique. Ce n’est qu’ainsi que l’on verra, comme nous l’avons formulĂ© plus haut, la faveur divine, dont nous avons éprouvĂ© les effets dans des circonstances si graves, continuer Ă  assurer le succĂšs de nos entreprises, gage de la prospĂ©ritĂ© publique.

Afin d’autre part que la mise en forme de notre gĂ©nĂ©reuse ordonnance puisse ĂȘtre portĂ©e Ă  la connaissance de tous, il conviendra que tu fasses faire une proclamation pour la promulguer, que tu la fasses afficher partout et que tu la portes Ă  la connaissance de tous, de façon que nul ne puisse ignorer la dĂ©cision prise par notre bienveillance.

Lactance, De mortibus persecutorum 48, traduction de J.Moreau, cité par Paul Mattei dans Le Christianisme antique

Ce texte met Ă  jour plusieurs transformations religieuses dans la Rome du dĂ©but du IVe siĂšcle. En effet, « l’Ă©dit de Milan » est d’abord, si l’on suit le mot de Pierre Maraval, « monothĂ©isant« , mais d’un monothĂ©isme neutre. Il fait rĂ©fĂ©rence Ă  la « divinitĂ© suprĂȘme« , ce qui n’est pas une rĂ©fĂ©rence au monothĂ©isme chrĂ©tien. En outre, la religion des chrĂ©tiens, qui Ă©tait jusque lĂ  considĂ©rĂ©e comme « folie » (terme que l’on retrouve dans l’Ă©dit de GalĂšre) ou superstition, est considĂ©rĂ©e pour la premiĂšre fois comme une vĂ©ritable religion.

Enfin, selon Marie-François Baslez, la religion n’est plus seulement une question de droit collectif (les dieux d’une nation sous l’empire de Rome) mais aussi un droit de la personne : le Romain peut librement « attacher son Ăąme » et pratiquer le culte de son choix.

 

AprĂšs l’Ă©dit de Milan


edit de milan constantin

Constantin, mosaĂŻque, basilique Sainte-Sophie de Constantinople

L’unification de l’Empire par Constantin

Maximin DaĂŻa est battu par les armĂ©es de Licinius le 30 avril 313 Ă  la bataille d’Andrinople. Il meurt peu de temps aprĂšs, mettant fin aux persĂ©cutions dans ses territoires.

Licinius reprend en 320 les persĂ©cutions contre les chrĂ©tiens, fidĂšles rĂ©putĂ©s proche de Constantin, son rival. Il choisit donc de privilĂ©gier la religion traditionnelle de Rome. L’administration est Ă©purĂ©e, les rĂ©unions d’Ă©vĂȘques sont interdites ainsi que les rĂ©unions rassemblant hommes et femmes ensemble.

Cet Ă©pisode prend fin lorsque Constantin vainc Licinius le 3 juillet 324, rĂ©tablissant ainsi l’unitĂ© de l’Empire.

 

La politique religieuse de Constantin, favorable Ă  l’Église

Constantin mĂšne alors une politique favorable Ă  l’Église, faisant construire de nombreux lieux de culte pour les chrĂ©tiens, notamment Ă  Constantinople, la nouvelle capitale, mais aussi Ă  Rome, Ă  l’image du palais du Latran, pour l’Ă©vĂȘque de Rome. Il lance les chantiers, par exemple, de l’ancienne basilique Saint-Pierre mais aussi le premier Ă©difice de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs.

D’autres Ă©lĂ©ments viennent indiquer la montĂ©e en puissance des chrĂ©tiens : Lactance devient le prĂ©cepteur d’un des fils de Constantin ; des chrĂ©tiens occupent des postes de la haute fonction publique romaine ; en 321, le dimanche devient un jour fĂ©riĂ© lĂ©gal ; etc. Surtout, Constantin collabore activement avec l’Église, convoquant deux conciles, celui d’Arles 314 et celui de NicĂ©e en 325, tranchant respectivement les questions du donatisme et de l’arianisme qui provoquaient des conflits internes Ă  l’Église, menace pour l’unitĂ© de l’Empire.

La christianisation de l’Empire est progressive. Il faut attendre le rĂšgne de Gratien (367 – 383) pour voir un empereur renoncer au titre paĂŻen de pontifex maximus, le plus haut responsable du culte civil romain, et l’Ă©dit de Thessalonique du 28 fĂ©vrier 380, pris par ThĂ©odose, pour voir le christianisme devenir religion d’État et seule religion licite.

Adrian

https://www.laculturegenerale.com

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.