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Franchir le Rubicon : définition & origine [expression]

Publié le 13/06/2021 (m.à.j* le 30/08/2022)
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Passer ou franchir le Rubicon signifie : oser faire quelque chose d’ambitieux, s’engager dans une entreprise périlleuse, prendre une décision difficile et lourde de conséquences, braver un interdit. Exemples

  • Après de longues hésitations, il franchit le Rubicon décida d’investir toutes ses économies dans cet appartement.
  • La décision était attendue de tous, et elle vint mardi : une des plus grandes figures de l’opposition franchit le Rubicon en quittant son parti pour rejoindre celui de la majorité au pouvoir.
  • Jusqu’alors il n’avait même pas complètement secoué le charme des fraîches et suaves idées qui enveloppent comme d’un feuillage la jeunesse des enfants élevés en province. Il avait continuellement hésité à franchir le Rubicon parisien. (Balzac, Le Père Goriot)

 

Franchir le Rubicon : origine de l’expression

Cette expression fait référence à l’épisode déclencheur de la guerre civile entre Jules César (100 – 44 av. J.-C.) et Pompée (106 – 48 av. J.-C.), soutenu par une faction aristocratique romaine, les optimates. Les optimates voulurent profiter de la fin du proconsulat de César pour l’arrêter et lui intenter un procès. César représentait un danger déstabilisateur pour les élites traditionnelles de la République romaine. Depuis la guerre des Gaules et sa victoire à Alesia en 52 av. J.-C., César était au sommet de sa gloire militaire.

Ses adversaires au Sénat le destituèrent de ses commandements le 1er décembre 50. Le 7 janvier 49 av. J.-C., Pompée reçut les pleins pouvoirs. Devenu ennemi public et menacé par son rival, César franchit, le 11 ou 12 janvier, avec une légion, le Rubicon, petit fleuve (aujourd’hui en Émilie-Romagne) qui marquait la séparation entre la province de Gaule cisalpine et l’Italie, alors que la loi romaine l’interdisait sans l’accord du Sénat. Cette transgression déclencha une guerre civile, mais lui permit de prendre de vitesse ses adversaires romains. Pompée, sans armée, dut fuir. La décision de César se révéla finalement payante puisqu’il sortit vainqueur du conflit en 45, et prit le contrôle de la République, avant d’être assassiné en 44. Selon Suétone, c’est un signe des dieux qui décida César de franchir le Rubicon :

Enfin, au point du jour, ayant trouvé un guide, il suivit à pied des sentiers étroits jusqu’au Rubicon, limite de sa province, et où l’attendaient ses cohortes. Il s’y arrêta quelques instants, et, réfléchissant aux conséquences de son entreprise : « Il est encore temps de retourner sur nos pas, dit-il à ceux qui l’entouraient ; une fois ce petit pont franchi, c’est le fer qui décidera tout. »

XXXII. Un prodige le détermine à passer ce fleuve

Il hésitait ; un prodige le détermina. Un homme d’une taille et d’une beauté remarquables apparut tout à coup, assis à peu de distance et jouant du chalumeau. Des bergers et de très nombreux soldats des postes voisins, parmi lesquels il y avait des trompettes, accoururent pour l’entendre. Il saisit l’instrument d’un de ces derniers, s’élança vers le fleuve, et, tirant d’énergiques accents de cette trompette guerrière, il se dirigea vers l’autre rive. « Allons, dit alors César, allons où nous appellent les signes des dieux et l’injustice de nos ennemis: le sort en est jeté! »

Ainsi, l’anecdote de l’épisode du franchissement du Rubicon a donné naissance à une autre expression célèbre : le sort en est jeté, alea jacta est. Il est à noter que le plan d’opération du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte du 2 décembre 1851, alors qu’il était président de la République, se nommait « Rubicon ».

Sur le sujet, lire César de Christophe Badel (direction), La République romaine et son empire. De 509 av. à 31 av. J.-C de Michel Humm (direction).

Voir ici : pourquoi César a-t-il dit « veni, vidi, vici » ?