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La « loi de Brandolini » : qu’est-ce que c’est ?

Publié le 02/07/2020 (m.à.j* le 25/11/2022)
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La « loi  de Brandolini », nommée en anglais Brandolini’s Law ou Bullshit Asymmetry Principle (Principe d’asymétrie des foutaises), est un aphorisme de même nom formulé le 11 janvier 2013 par Alberto Brandolini, informaticien italien, sur Twitter :

The bullshit asimmetry (sic) : the amount of energy needed to refute bullshit is an order of magnitude bigger than to produce it.

Traduction. L’asymétrie de la foutaise : la quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des foutaises (bullshit) est d’un ordre de grandeur supérieur à celui nécessaire pour les produire.

Il précise ensuite avoir été inspiré par la lecture du livre du psychologue américano-israélien Daniel Kahneman, Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée (2011, Thinking, Fast and Slow), alors qu’il regardait un débat télévisé entre Silvio Berlusconi et Marco Travaglio.

La « loi » de Brandolini une « loi de l’internet » comme le point Godwin (en savoir plus).

La « loi de Brandolini » : la puissance des fake news

Selon son aphorisme, dont l’énoncé imite plaisamment celui d’une loi, il est facile de dire n’importe quoi sur un sujet, de colporter des fake news (des infox), mais il est bien plus difficile d’extirper ce que l’on peut nommer des croyances des esprits dans lesquels elles se sont installées comme des vérités. Il y a là une critique de la télévision, où chacun peut affirmer n’importe quoi sur n’importe quel sujet sans travail préalable, avec une motivation autre, parfois, que la diffusion d’informations fondées. Il y a aussi, on peut le supposer, une critique des réseaux sociaux, où la diffusion d’infox est encore plus libre. 

Voir ici : quelle différence entre « infox » et « intox » ?

Enfin, la « loi de Brandolini » critique le pouvoir de ceux capables de diffuser à une large échelle des foutaises (bullshit). Elle critique l’intox. Selon le blogueur David Wilkinson, la diffusion de masse de bullshit peut servir à restreindre l’accès à l’information fondée, masquer une information fondée derrière un flot de faussetés, mettre en doute la légitimité même de ce que la société considère, spontanément, comme l’information légitime et, enfin, par là, mettre en cause la légitimité des médias d’information. 

La puissance de diffusion du bullshit reposerait sur le fait qu’elle ferait appel au « système 1 » de notre pensée (selon la classification de D. Kahneman), sa capacité de traitement « rapide, intuitive et émotionnelle » de l’information. Les foutaises offriraient une réponse toute faite, facile, sans fondement à des questions qui agitent le débat public, alors que la réfutation de ces foutaises solliciterait le « système 2 » de notre pensée, sa capacité lente et réfléchie à traiter l’information.

La vérité de cet aphorisme repose donc sur le constat de la crédulité de la masse des auditeurs qui serait consubstantielle à la façon dont notre cerveau fonctionne. Cette crédulité serait d’autant plus forte lorsque une personne reçoit une infox diffusée par une autre personne, par exemple une vedette ou un éditorialiste, pour laquelle elle a de la sympathie, ou avec laquelle elle partage une idéologie ou des options politiques.

En conséquence, le chercheur, dont l’analyse serait légitimée par son travail spécialisé sur un domaine restreint, devrait, selon le biologiste Phil Williamson dans un billet publié sur le site de la revue Nature, faire l’effort de combattre, sur internet, « les mensonges et les inexactitudes ». Cet effort devrait faire partie intégrante du travail scientifique. Il propose, à la fin de son billet, que la communauté scientifique mondiale conçoive un site internet inspiré de ceux spécialisés dans l’évaluation (citons les exemples d’Allociné en France pour le cinéma, de Tripadvisor pour les lieux touristiques, etc.) pour informer les internautes de la qualité de sites diffusant la production scientifiques. 

Les questions de l’existence d’une communauté scientifique unie, de son accord sur des critères de vérité, et des disciplines dans lesquelles une telle démarche peut être entreprise (les sciences humaines ?), demeurent cependant.

Demeure aussi le problème du statut instable de l’information produite par la recherche scientifique. En effet, l’étude publiée le 22 mai 2020 dans la revue The Lancet sur l’hydroxychloroquine, qui avait conduit l’OMS à suspendre temporairement le recrutement de patients prenant ce médicament dans son essai clinique international, Solidarity, sur le traitement de la Covid-19, et le gouvernement français à abroger la dérogation permettant l’utilisation de cette molécule contre cette maladie, a été finalement retiré à la suite de critiques méthodologiques.

Si ce retrait témoigne de l’engagement de la revue à diffuser une information fondée sur une méthodologie acceptable par les scientifiques, ainsi que de la perméabilité de l’information scientifique à la critique, elle a pu, aux yeux du grand public, discréditer la « prétention » des scientifiques à dire la vérité, et donc miner leur potentiel effort de réfutation.