Ménager la chèvre et le chou : définition & origine [expression]
Ménager la chèvre et le chou signifie : s’efforcer de ne pas froisser des intérêts opposés, essayer de manier un différend entre deux personnes aux intérêts contraires, se conduire dans une affaire de manière à ne blesser aucun parti, chercher à satisfaire tout le monde.
Ménager la chèvre et le chou : origine de l’expression
Ménager est à comprendre au sens du moderne « manager », c’est-à-dire « conduire, s’occuper de, diriger ».
Duneton (La Puce à l’oreille) comme Alain Rey et Sophie Chantreau (Dictionnaire d’expressions et locutions) évoquent une vieille devinette : comment un quidam peut-il faire passer d’une rive à l’autre d’une rivière une chèvre et un chou, c’est-à-dire le dévoreur et le dévoré, voire une chèvre, un chou et un loup, alors que le quidam ne peut emmener sur sa barque qu’un seul animal ou élément à la fois ? La solution :
- Emmener la chèvre de la rive 1 à la rive 2. Le loup n’est pas intéressé par le chou.
- Emmener le loup de la rive 1 à la rive 2.
- Ramener la chèvre de la rive 2 à la rive 1 afin de ne pas la laisser seule avec le loup.
- Emporter le chou de la rive 1 à la rive 2. Il y a ainsi le loup et le chou sur la rive 2.
- Ramener la chèvre de la rive 1 à la rive 2. Le meneur se retrouve ainsi sur la rive 2 avec ses trois accompagnants, qu’il ne laissera pas s’entre-dévorer.
Comme souvent, l’allitération a probablement participé au succès de l’expression, plus que, peut-être, l’appétit des chèvres pour les choux.
L’expression est ancienne. Duneton a relevé « passer la chèvre et le chou » dans le Roman de la Rose (XIII siècle)
[3468] Quant il furent amdui ensamble,
si li fet lors un parlement
de paroles ou il li ment :
por passer les chievres, les chous,
sachiez qu’il n’estoit mie fous.
Il a existé la variante « sauver la chèvre et le chou », sortie d’usage.
L’expression a donné « mi-chèvre mi-chou », c’est-à-dire « qui joue sur plusieurs tableaux », « ambigu », « qui ne choisit pas clairement un parti », « mitigé » :
Résultat mi-chèvre, mi-chou : Fañch Bernard a pu garder son tilde, mais la circulaire de 2014 n’a pas été modifiée. Le problème demeure : en novembre 2019, le parquet de Brest a interdit le tilde pour un deuxième Fañch.
Enfin, le belgicisme chèvrechoutiste signifie « qui veut plaire à tout le monde », « qui tente de réconcilier des opinions contraires » :
Après un silence significatif dans la huitième édition (1932), l’Académie réintroduit par contre dans la neuvième édition (1992), avec ce commentaire chèvrechoutiste : « Elle [= la locution par contre ] ne peut donc être considérée comme fautive, mais l’usage s’est établi de la déconseiller, chaque fois que l’emploi d’un autre adverbe est possible. » Entre l’usage du plus grand nombre et celui des puristes, le cœur de la vieille Dame du quai Conti balance…
Voir ici : que signifie « être entre le zist et le zest » ?
Exemples
Les filles, qui aimaient peut-être toujours leur père, ont voulu ménager la chèvre et le chou, le père et le mari ; elles ont reçu le Goriot quand elles n’avaient personne ; elles ont imaginé des prétextes de tendresse. « Papa, venez, nous serons mieux, parce que nous serons seuls ! etc. »