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« Abjurer » et « adjurer » : quelle différence ?

Publié le 06/10/2021 (m.à.j* le 09/09/2022)
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Abjurer et adjurer sont des paronymes, à la graphie proche. Ceci s’explique par leur étymologie commune : tous deux ont été formés à partir du latin jurare, « prêter serment », « jurer ».

 

Abjurer : définition

Du latin abjurare (« nier qqc. avec serment » selon TLFi), où ab- est le préfixe qui indique l’éloignement, la séparation. C’est donc s’éloigner, se séparer de ce que l’on a juré de respecter, de suivre, de croire. Ce terme signifie : renier un engagement ou renoncer solennellement à une foi, à sa religion.

  • […] le Gouverneur les ayant appris, fit une exacte recherche des Chrestiens qui ne voulaient point abjurer leur Religion, & les fit tous mourir le dernier jour de Ianvier ; (François Caron, Relations de divers voyages curieux, 1696)
  • Aussi, pour attirer la clémence des dieux, Dèce ordonne-t-il une supplication générale : tous les citoyens de l’Empire doivent offrir un acte religieux en l’honneur des dieux. Des certificats seront délivrés. Le but de la mesure : faire abjurer les chrétiens qui refusent de se soumettre et réintégrer l’Église, ce corps étranger perçu comme subversif et rendu responsable de tous les maux… (Benédicte Sère, Les 100 dates de l’histoire de l’Église)

Par extension, abjurer signifie : changer d’opinion, de convictions, d’idées, ou tout simplement « renoncer ».

  • Arthur, qui nous avait sacrifié une année de son existence, ne put se résoudre à abjurer l’amour de sa patrie et le désir de contribuer à son élévation… (Sand, Mauprat)
  • L’article était vieux de quelques jours, et Marat avait eu le temps d’en écrire un autre, celui que j’ai cité, où il annonçait « une nouvelle marche » et abjurait toute violence. (Jaurès, Histoire socialiste de la Révolution française)

Le nom dérivé « abjuration » est notamment employé à propos de renoncements célèbres, comme celui de Galilée (1564 – 1642) à sa théorie de l’héliocentrisme, ou celui de Henri IV (1589 – 1610) au protestantisme en 1593.

À lire ici : « décéder » et « mourir », quelle différence ?

 

Adjurer : définition

Du latin adjurare (« promettre (avec serment) » selon TLFi), où ad- est le préfixe qui indique le rapprochement, la proximité. C’est donc, littéralement, se rapprocher de ce que l’on a juré de respecter, de suivre, de croire. Ce terme signifie : demander avec insistance à quelqu’un, ou supplier quelqu’un, au nom de Dieu, de faire quelque chose, souvent pour des motifs religieux. Le terme avait aussi le sens de « promettre par serment » (voir le Dictionnaire du moyen français).

Tu sçais que j’étais Catholique, tu m’as induitte à changer de Religion, pour en prendre une diverse à celle de mes peres ; Or je t’adjure par le Dieu vivant, de me dire maintenant laquelle est la meilleure …

Florimond de Raemond, L’Histoire de la naissance, progrez et decadence de l’heresie de ce siècle, 1610

Par extension, et plus couramment, c’est prier instamment, supplier, sommer, conjurer quelqu’un de faire quelque chose.

  • On trouva sur lui une lettre de Colomba qui l’adjurait de déclarer s’il était ou non coupable du meurtre qu’on lui imputait. (Mérimée, Colomba)
  • Cet enfant sera votre consolation. C’est en son nom que je vous implore, que je vous adjure de pardonner l’erreur de M. Julien. (Maupassant, Une vie)

Le nom dérivé « adjuration » a signifié, selon Dictionnaire historique de la langue française, « exorcisme », puis « action de faire promettre par serment ». Dans la littérature, ce terme est employé comme synonyme de « prière instante ». Il est rare.

Et si les menaces et les adjurations ne lui sont pas jetées en pleine figure, il en perçoit au moins les échos.

Barrès, L’âme française et la guerre