103 Vues
Enregistrer

La bataille de Gettysburg : 1er au 3 juillet 1863

Publié le 25/02/2018 (m.à.j* le 28/11/2020)
0 commentaire

Peu d’épisodes historiques sont aussi fortement ancrés dans la mémoire américaine que la guerre de Sécession, la plus meurtrière de l’histoire des États-Unis (entre 600 000 et 700 000 personnes tuées) et même du continent américain. La bataille de Gettysburg en est un moment-clé.

 

La guerre de Sécession


Les grandes causes de la guerre

Ce conflit a vu s’affronter le gouvernement américain et treize états sécessionnistes du Sud des États-Unis, regroupées au sein de de la Confédération des États-Unis, de 1861 à 1865. La division du pays, un traumatisme national durable, résultait des divergences entre le Nord et le Sud sur la question de l’esclavage. En réalité, au cours des décennies ayant mené à la Guerre, les différences entre les deux régions s’étaient creusées, relativement à l’ « institution particulière » (l’esclavage) mais également aux questions économiques – le Sud agricole et libre-échangiste contre le Nord industriel et protectionniste – et culturelles.

 

Une guerre qui se prolonge

Lorsque le conflit éclate en 1861, la supériorité du gouvernement américain (l’Union) paraît écrasante. Les confédérés ont moins de 10 millions d’habitants dont le tiers d’esclaves contre plus de 20 millions pour leur adversaire. Les grands bastions industriels se situent tous au Nord des États-Unis. Le Sud, lui, n’a qu’une seule des dix plus grandes villes américaines, la Nouvelle-Orléans, occupée par l’Union dès 1862.

Contre toute attente, la Guerre de Sécession se prolonge toutefois, et voit se succéder des affrontements sans cesse plus meurtriers. Si dans l’ouest du pays, la progression des troupes nordistes est inexorable, sur le front Est, les confédérés ont l’avantage jusqu’en 1863. Toutes les tentatives d’invasion de l’État de Virginie par l’armée de l’Union se soldent par des échecs, souvent humiliants face à l’armée de Virginie du Nord du général Robert Edward Lee.

Début 1863, l’armée du Potomac, de l’Union, s’apprête toutefois à nouveau à passer à l’action avec plus de 100 000 hommes dirigés par le général Joseph Hooker.

Voir ici : la Boston Tea Party, 16 décembre 1773

 

La bataille de Chancellorsville et l’invasion de la Pennsylvanie par les Confédérés


bataille de chancellorsville

L’offensive commence à la fin du mois d’avril 1863. Hooker pense avoir de bonnes chances de l’emporter, sa supériorité numérique sur Lee étant écrasante. En effet, le commandant sudiste a détaché un corps d’armée entier, dirigé par son principal lieutenant le général James Longstreet afin d’assiéger Suffolk, une ville occupée par l’Union. L’armée du Potomac se divise en deux pour franchir le Rappahannock en deux points et prendre son adversaire en tenaille. Pourtant, dès le 1er mai, l’attaque nordiste échoue.

 

L’attaque de flanc de Jackson

À l’Est, le général Sedgwick, trop timide, n’ose pas entrer en action contre une force confédérée pourtant très inférieure en nombre servant d’écran à Lee. Celui-ci peut alors concentrer la majeure partie de ses 60 000 hommes contre le principal corps de bataille de Hooker plus à l’Ouest. Le lendemain, le 2 mai, le IIe corps confédéré, dirigé par le général Thomas « Stonewall » Jackson se détache de la force de Lee afin de mener une puissante et audacieuse attaque de flanc contre le IXe corps fédéral qui est rapidement décimé. Hooker est dès lors encerclé sur trois côtés tandis que Sedgwick se montre toujours timoré.

 

La retraite de Hooker

Pour autant, la bataille ne semble pas jouée. Lee n’a pas assez d’hommes pour attaquer Hooker sur trois flancs et doit rapidement recentrer son dispositif. En outre, la nuit du 2 mai, le général Jackson est mortellement blessé par un de ses hommes au cours d’une patrouille, désorganisant l’armée confédérée.

Les jours suivants, celle-ci ne peut que lancer des assauts frontaux contre l’Union qui se soldent par de lourdes pertes dans les deux camps et la situation se stabilise. Toutefois, privé d’un de ses corps, presque anéanti, et alors que l’aile gauche de Sedgwick, qui s’est finalement mise à avancer, est rapidement arrêtée, le général Hooker décide de mettre fin à son offensive et d’entamer une longue retraite vers le Nord à partir du 6 mai contre l’avis de ses généraux.

Il a perdu près de 20 000 hommes contre environ 12 000 sudistes. En proportion de ses forces, ses pertes sont toutefois inférieures à celles de Lee.

 

La bataille de Chancellorsville : victoire à la Pyrrhus ? 

Bien qu’elle soit souvent considérée comme la plus belle victoire du commandant de l’armée de Virginie du Nord du fait de ses manœuvres audacieuses, la bataille de Chancellorsville a en réalité contribué à saigner l’armée confédérée dont les réserves en hommes sont très inférieures à celles de l’armée fédérale. Comme au même moment, sur le front occidental, le général Grant est en train de lancer son offensive contre la ville de Vicksburg dans le Mississipi, menaçant de couper la Confédération en deux, la situation de cette dernière n’est guère brillante.

Toutes ces données justifient la décision de Lee de lancer sa propre offensive à l’Est, en envahissant la Pennsylvanie. La défaite décisive de l’armée du Potomac doit faire peser une lourde menace sur Washington, la capitale fédérale, et convaincre le gouvernement américain de négocier avec la Confédération. Lee décide de réorganiser son armée pour cette offensive. Si le général Longstreet, de retour de Suffolk, conserve le commandement de son premier corps, celui-ci est réduit en nombre, tandis que le corps de Jackson est divisé en deux. Les généraux Ewell et A.P Hill prennent respectivement le commandement des IIe et IIIe corps de l’armée de Virginie du Nord. Celle-ci est complétée par le corps de cavalerie de JEB Stuart.

 

La poursuite à travers la Pennsylvanie et la concentration des forces à Gettysburg


Les deux armées ennemies se replient en suivant des chemins parallèles. Toutefois, Lee, situé plus à l’Ouest, est séparé des troupes de Hooker par des montagnes, tandis que JEB Stuart mène la cavalerie sudiste dans un raid audacieux mais peu utile à l’Est de l’armée du Potomac. En conséquence, le principal corps de bataille confédéré ne dispose que de très peu de renseignements sur son adversaire.

Le IIe corps d’Ewell, fer de lance de l’invasion du Nord, avance jusqu’aux environs d’Harrisburg, la capitale de Pennsylvanie. Excédé par la timidité de Hooker, le président Abraham Lincoln le remplace le 28 juin par le général George G. Meade, l’un de ses commandants de corps.

Apprenant subitement que l’armée de l’Union se rapproche de la sienne, Lee décide de concentrer ses hommes à Cashtown et rappelle le général Ewell et son corps. À ce stade, il ne désire pas engager de bataille. Mais lorsque le 30 juin, des forces du IIe corps sudiste d’A.P Hill se rapprochent de la ville de Gettysburg, elles notent l’arrivée d’une petite force fédérale au sud de celle-ci, une unité de cavalerie dirigée par le général Buford. Le matin du 1er juillet, Hill, qui n’a aucune idée des positions des principaux corps de l’armée du Potomac, décide d’engager ses hommes dans un combat contre Buford.

 

1er juillet, premier jour de la bataille de Gettysburg : les deux armées entrent en contact


bataille de gettysburg carte
En rouge, les Confédérés | En bleu, les Unionistes | Wikimedia Commons

L’assaut de Hill par le Nord-Ouest est suivi par une avancée d’Ewell et de son IIe corps depuis le Nord. Buford, qui ne dispose que d’une division, comprend toutefois la nécessité de retarder l’armée sudiste. Après un combat difficile, il tient suffisamment longtemps pour être renforcé par le Ier Corps de l’Union dirigé par le général Reynolds. Ce dernier, qui tient la gauche du dispositif fédéral, décide d’engager le combat, une décision qui rend inévitable un affrontement majeur entre les deux armées.

Il est rapidement tué par un tireur d’élite confédéré mais son corps tient jusqu’en début d’après-midi au Nord-Ouest de Gettysburg. À sa droite, face à Ewell, le XIe corps défend le Nord de la ville, mais les positions de l’Union, mal organisées, ne peuvent tenir longtemps. Ewell et Hill parviennent à les mettre en déroute et à occuper Gettysburg.

 

L’erreur d’Ewell

Heureusement pour l’armée du Potomac, le général Winfield Scott Hancock parvient à rallier les deux corps en fuite et à les faire prendre position sur deux collines situées plus au Sud, à Cemetery Hill et Culp Hill. Son objectif, qui lui a été assigné par Meade en personne, est de les tenir jusqu’à l’arrivée des cinq autres corps d’infanterie et de choisir un lieu favorable pour leur déploiement. Face à lui, Ewell, satisfait du résultat de la journée, ne pense pas possible de prendre d’assaut Cemetery Hill malgré sa supériorité numérique. Cette décision, lourde de conséquence, laisse à l’Union une position stratégique autour de laquelle elle pourra organiser sa défense.

 

Bilan de la première journée 

Le premier jour de la bataille de Gettysburg se solde ainsi par une victoire confédérée, mais incomplète. Les quelques 25 000 hommes engagés du côté du Nord ont pu se replier en bon ordre grâce à l’action du général Hancock et ont occupé de solides positions au Sud de la ville pour la journée suivante. Lee espère toutefois que l’arrivée sur le champ de bataille de son meilleur corps, le Ier, dirigé par Longstreet et qui n’a pas été engagé le premier jour pourra faire la différence avant que l’Union n’ait consolidé ses défenses. En revanche, du fait de l’absence de son corps de cavalerie, le général n’a que des informations très parcellaires sur les forces qu’il doit affronter.

Dans le camp nordiste, Hancock informe le général Meade qu’il dispose de l’avantage du terrain grâce à l’occupation de Cemetery Hill et Culp Hill. Les Ier, XIe et XIIe corps s’y placent sous les ordres respectifs des généraux Newton, Howard et Slocum. Hancock place son IIe corps en position centrale sur Cemetery Ridge mais la ligne qu’il met en place coupe celle constituée par les deux collines citées précédemment.

Cela signifie que l’armée du Potomac n’est pas disposée en ligne mais en crochet, ce qui permet d’utiliser les lignes intérieures pour que les différents corps puissent rapidement se renforcer mutuellement en cas de problème.

En outre, bien que légèrement plus nombreuse que l’armée de Virginie du Nord, elle occupe un terrain plus réduit ce qui permet une plus grande concentration de ses forces. À l’extrême sud, à la gauche d’Hancock, Meade place le IIIe corps du général Daniel Sickles. Le Ve corps, dirigé par George Sykes, n’est pas encore arrivé sur le champ de bataille mais il doit constituer la réserve de l’armée du Potomac. Le VIe corps de Sedgwick est situé encore plus loin du combat.

Voir ici : l’histoire du Mont Rushmore

 

Le 2 juillet, l’Union résiste aux assauts sudistes sur tous les fronts


En rouge, les Confédérés | En bleu, les Unionistes

Le plan de bataille confédéré

Au matin du 2 juillet, le Général Lee convoque ses généraux afin de discuter du plan de bataille. Contrairement au général Longstreet qui estime préférable de tourner l’armée du Nord afin de menacer ses lignes de ravitaillement et de la forcer à attaquer, le général Ewell recommande à son supérieur de tenir Gettysburg, en arguant d’une possible baisse de moral en cas d’abandon de la ville.

Lee tranche en sa faveur. Il estime en effet que la gauche du dispositif nordiste (défendu par Sickles) n’a pas eu le temps de se déployer correctement et pourrait être vulnérable à une attaque du Ier corps de Longstreet. Dans le même temps, A.P Hill et Ewell doivent mener des attaques de diversion contre Cemetery Ridge au centre et Culp Hill à l’extrême-droite de la position de l’Union. Longstreet ne peut qu’obéir mais il ne dispose alors que de deux divisions, dirigées par les généraux Hood et McLaws, la troisième, commandée par George Pickett, n’étant pas encore en position. Il décide dès lors de reporter l’assaut.

 

La désobéissance de Sickles

En face, le général Sickles demande à Meade la permission d’avancer son IIIe corps sur Peach Orchard et Devil’s Den, deux collines situées devant lui et offrant une meilleure position défensive. Le général en chef refuse, estimant à juste titre que cela l’obligerait à défendre un saillant au front beaucoup trop étendu, et dont le flanc serait menacé par une petite colline située au Sud, Little Round Top.

À la stupéfaction générale, Sickles désobéit pourtant et avance son corps de sa propre initiative, l’exposant fortement aux attaques sudistes. Lorsque ceux-ci commencent vers 16 heures, les confédérés pensent que Peach Orchard et Devil’s Den sont inoccupées. McLaws se lance à l’assaut de la première colline et Hood attaque la seconde.

 

Combats sur les collines

Lorsque le Ier corps de l’armée de Virginie du Nord tombe sur les troupes de Sickles, la surprise est totale. Hood demande aussitôt à Longstreet l’autorisation de contourner les forces nordistes afin de les prendre à revers mais son supérieur refuse. De violents combats  s’engagent sur Peach Orchard et Devil’s Den, tandis qu’au même moment, Ewell et Hill lancent leurs propres assauts sur leur section du front.

Le général Meade a bien compris que son aile gauche risquait d’être anéantie et il ordonne à ses réserves de converger vers cette partie du champ de bataille. De fait, le corps de Sickles est saigné à blanc sur Peach Orchard et Devil’s Den tandis que sur son flanc gauche, la division de Hood, se lance à l’assaut de Little Round Top afin de tourner son adversaire. Seule l’intervention d’une brigade du Ve corps de Sykes, dirigée par le colonel Strong Vincent, permet de défendre miraculeusement la colline. Au cours des combats sur Little Round Top, Vincent lui-même est grièvement blessé, tandis que le colonel Joshua Chamberlain se distingue par une charge héroïque qui lui vaudra la médaille d’honneur du Congrès.

Ce succès obtenu de justesse ne peut empêcher l’anéantissement du IIIe corps de Sickles, ce dernier étant par ailleurs grièvement blessé, mais il laisse à Meade suffisamment de temps pour organiser le secours de son aile gauche.

 

L’attaque de Longstreet

En effet, l’offensive d’Ewell contre Culp Hill, lancée peu après l’attaque de Longstreet au Sud, a rapidement piétiné. Si une partie du bas de la colline a pu être occupée par les troupes confédérées, celles-ci se sont ensuite heurtées à une forte défense du XIIe corps de Slocum. Au centre, la division sudiste de Richard Anderson mène une attaque de diversion contre Cemetery Ridge qui ne donne aucun résultat. Conscient que le point de contact décisif se situe bien au Sud, Meade, ne cesse d’y envoyer des renforts, venus du XIIe corps à la droite de son dispositif, du IIe corps au centre et du Ve corps en réserve. 20 000 hommes en tout sont déplacés vers l’aile gauche de l’armée du Potomac afin d’arrêter l’attaque de Longstreet.

Les combats qui se prolongent jusque tard dans la nuit, atteignent des sommets de violence. Le général Hood lui-même est grièvement blessé au bras, dont il perdra l’usage. Lorsque, vers 22h30, les combats cessent, le Ier corps de Longstreet est finalement repoussé, de justesse.

 

Bilan de la deuxième journée

Le 2ème jour se solde ainsi par un échec confédéré. Si Lee estime que l’assaut sur l’aile gauche de Meade a failli réussir, une partie de son armée est démoralisée. Le général Longstreet estime que la bataille de Gettysburg ne peut plus être gagnée, l’Union ayant eu le temps de renforcer ses positions, et que l’armée de Virginie du Nord doit manœuvrer afin de trouver un terrain plus favorable.

Pourtant, l’adversaire a subi de lourdes pertes. Le IIIe corps fédéral a virtuellement cessé d’exister. Les unités des autres corps qui ont participé à la défense de la gauche de l’armée du Potomac ont aussi subi de lourdes pertes. D’après l’historien Noah Trudeau, celles-ci s’élèvent en effet à environ 10 000 hommes contre 7000 dans les rangs confédérés.

 

Le conseil de guerre de Meade 


Le général Meade est satisfait du résultat du deuxième jour de la bataille. Toutefois, dirigeant l’armée du Potomac depuis moins d’une semaine, il ne peut ignorer l’avis de ses généraux.

La nuit du 2 juillet, il organise ainsi un conseil de guerre avec tous ses chefs de corps et quelques autres généraux de haut rang. Il leur demande de répondre à trois questions :

  1. l’armée du Potomac doit est-elle rester sur le terrain ou se replier vers une autre position, apparemment plus favorable ?
  2. Doit-elle attaquer et camper sur ses positions ?
  3. Si cette dernière option l’emporte, combien de temps, doit-elle attendre ?

Hancock, Howard, Slocum et les autres généraux choisissent de rester à l’unanimité. Il est également décidé de demeurer en position défensive, afin d’attendre un autre assaut de Lee.

En se fondant sur la correspondance de Meade, la plupart des historiens estiment que ce dernier avait déjà décidé de demeurer sur place mais que ce vote lui a permis de gagner la confiance de ses chefs de corps, qu’il ne commandait que depuis quelques jours. Quoiqu’il en soit, la nuit permet aux nordistes de renforcer leurs positions avec de nouvelles unités. Du côté sudiste, la division de Pickett est la seule unité du corps de Longstreet à n’avoir subi aucune perte, tandis que certaines autres, du corps d’A.P Hill sont également en état de se battre. La cavalerie de JEB Stuart est finalement arrivée sur le champ de bataille le soir du 2 juillet, mais sans impact sur les opérations.

 

Le 3 juillet et la charge de Pickett


bataille de Gettysburg
La charge de Pickett, Thure de Thulstrup

Contrairement à Meade, le général Lee prend seul la décision de lancer une attaque contre le centre de l’Union durant le troisième jour de la bataille de Gettysburg. Il s’oppose en cela à Longstreet qui pense, à juste titre, que les divisions engagées dans un tel assaut devront avancer à découvert durant trop longtemps, s’exposant aux tirs nordistes. En outre, Lee pense que Cemetery Ridge a été en large partie vidée de ses forces pour défendre l’aile gauche de l’armée du Potomac là où son lieutenant estime que la majeure partie du IIe corps fédéral y est solidement positionné et que Meade peut facilement y envoyer des réserves en cas de percée sudiste.

Cependant, Longstreet ne peut s’opposer à son général en chef qui lui demande de préparer une offensive menée avec 13 000 hommes des divisions des généraux Pickett (Ier corps), Trimble (IIIe corps) et Pettigrew (IIIe corps). Le général essaie d’abord de transférer la responsabilité de l’assaut sur les épaules d’A.P Hill, dont deux divisions doivent être engagées, mais il finit par céder devant l’insistance de Lee.

 

Un assaut meurtrier

L’attaque doit être précédée d’un barrage d’artillerie et procéder en échelon jusqu’à Cemetery Ridge, position tenue par le général Hancock. Comme l’avait correctement prédit Meade, l’attaque se dirige directement sur les forces commandées par le général Gibbon, au centre du dispositif du IIe corps. Elle débute vers 14 heures après la fin du barrage d’artillerie qui s’est révélé peu précis. Lorsque le général Pickett lui demande l’autorisation de faire avancer sa division, Longstreet, incapable de prononcer un mot, se contente de hocher la tête.

Très rapidement, les forces confédérées subissent de tirs d’enfilade venue de canons fédéraux positionnés sur Cemetery Hill au Nord et Little Round Top au Sud. Leurs rangs sont déjà décimés au moment de déclencher la charge, à portée de fusil du IIe corps. À la gauche de Pickett, les divisions de Pettigrew et Trimble sont arrêtées par des tirs très intenses et ne peuvent même pas atteindre les lignes de l’Union. Trimble lui-même est grièvement blessé.

La division de Pickett progresse davantage, mais perd rapidement son premier chef de brigade, le général Garnett. La brigade du général Kemper finit par être immobilisée et son commandant blessé. En définitive, seules quelques centaines de sudistes de la troisième brigade de Pickett commandée par Lewis Armistead, parviennent à entrer en contact avec l’ennemi. Armistead demande à ses hommes de retourner certains des canons capturés contre les nordistes, mais il n’a pas de munition pour les faire fonctionner.

Au même moment, de nouvelles troupes de l’Union arrivent et colmatent rapidement la brèche malgré la blessure du général Hancock, mis hors de combat. En quelques minutes, les éléments restants de la brigade d’Armistead sont anéantis et le général lui-même est mortellement blessé. L’assaut d’infanterie a duré moins d’une heure et coûté aux confédérés environ 6500 hommes dont plus de 1000 tués, les pertes de l’Union ne s’élevant qu’à 1500 hommes.

 

L’assaut d’Ewell

La charge de Pickett n’a pas été le seul engagement du troisième jour de la bataille de Gettysburg. Durant une large partie de la journée, les troupes d’Ewell ont aussi tenté de reprendre le contrôle de Culp Hill à l’extrémité nord-est du champ de bataille, à nouveau sans succès. C’est toutefois son échec qui brise définitivement les espoirs de victoire du Sud, non seulement à Gettysburg, mais en Pennsylvanie.

 

Les suites de la bataille

En trois jours, le général Lee a perdu entre 23 000 et 30 000 hommes sur environ 70 000. Il n’a plus aucune force disponible pour tenter une nouvelle offensive et se voit contraint de se replier. Immédiatement après l’échec de la charge de Pickett, Trimble et Pettigrew, le général Longstreet s’est avancé avec son État-major pour rallier les hommes et les préparer à une contre-attaque de l’Union. Celle-ci ne viendra jamais.

En effet, le général Meade a lui aussi perdu plus de 20 000 hommes au cours de la bataille et son armée est dangereusement affaiblie. Trois de ses chefs de corps, Reynolds, Sickles et Hancock, ont été mis hors de combat. Cela explique l’apparent manque de mordant du général au cours de la poursuite de l’armée de Lee dans les jours suivants.

Si les Confédérés peuvent se replier en bon ordre, ils ne pourront plus lancer d’offensive majeure dans le Nord. Dans le même temps, à l’Ouest, le général Grant a pris Vicksburg tandis que le général nordiste William Rosecrans, à la tête de l’armée du Cumberland, a envahi la majeure partie du Tennessee suite à la campagne de Tullahoma.

La guerre semble définitivement basculer du côté de l’Union.

 

Le discours de Gettysburg : 19 novembre 1863


discours de gettysburg
La flèche rouge pointe Abraham Lincoln

Le président Abraham Lincoln se montre rapidement déçu de l’absence d’exploitation de la victoire de Gettysburg. Il estime en effet que l’armée fédérale a manqué une occasion unique d’anéantir la principale force confédérée. Pour autant, et malgré les lourdes pertes, la bataille s’est soldée par une victoire sans appel de l’Union.

Le 19 novembre 1863, Lincoln se rend à Gettysburg afin de commémorer ce succès. Il y prononce un discours mémorable (The Gettysburg Address), l’un des plus célèbres de l’histoire des États-Unis, sur le républicanisme américain et la nécessité de lutter jusqu’au bout afin de défendre les libertés garanties par la Constitution américaine. Lincoln rend également hommage aux soldats tués au cours de la Guerre de Sécession.

Le président américain a compris l’importance majeure de la bataille de Gettysburg, la plus meurtrière de tout le conflit. Il faudra pourtant encore près de deux ans de combat pour mettre fin à la rébellion du Sud.

 

Les controverses historiques sur la bataille de Gettysburg


Au Nord, la victoire de Gettysburg est d’abord saluée comme un triomphe majeur contre l’armée du général Lee qui avait acquis une réputation d’invincibilité. Pour autant, les lourdes pertes et la relative mollesse de la poursuite de Meade attirent bientôt les critiques.

 

Meade critiqué et salué

Elles sont menées par certains officiers eux-mêmes, en particulier le général Sickles, dont les décisions désastreuses ont mené le IIIe corps de l’armée fédérale à sa perte. Le général, qui a perdu une jambe au cours des combats, n’aura de cesse de souligner son rôle lors de la bataille, tout en accusant son supérieur Meade de manque de courage. Selon lui, le général en chef de l’armée du Potomac aurait souhaité se replier du champ de bataille mais en aurait été empêché par ses subordonnés.

À l’inverse, des héros de la victoire tels que Hancock, Gibbon ou le gouverneur Warren estiment que Meade a commandé son armée d’une main de maître, bien qu’il ait été nommé à sa tête moins d’une semaine auparavant. Si Meade, restera commandant en chef de l’armée du Potomac jusqu’à la fin de la guerre, à partir de 1864, il opérera sous la supervision directe du général Grant, nommé général en chef des forces armées américaines.

 

Lee et Longstreet critiqués

Gettysburg a encore davantage prêté à controverse dans le camp confédéré. Après la bataille, le général Lee a pleinement assumé la responsabilité de ce grave échec. Pour autant, afin de l’exonérer de tout blâme, de nombreux vétérans confédérés, en particulier le général Jubal Early (qui commandait une division du corps d’Ewell), pointeront les erreurs de ses subordonnés. JEB Stuart aurait ainsi privé son armée de reconnaissance en menant un raid inutile vers le Nord, A.P Hill aurait commis l’erreur d’engager le combat le premier jour malgré les ordres de Lee tandis que Richard Ewell a privé les sudistes d’une position avantageuse en n’attaquant pas Cemetery Hill ce même jour.

Toutefois, c’est la performance du général Longstreet qui a le plus été critiqué. Selon les tenants de la « lost cause », le commandant du Ier corps de l’armée de Virginie du Nord aurait désobéit à Lee en n’attaquant qu’à 16 heures le 2 juillet, laissant le temps à ses ennemis de renforcer leurs positions. Le général aurait également manqué de mordant une fois l’assaut lancé, et le lendemain lors de la charge de Pickett.

Ces critiques doivent se comprendre dans le contexte particulier de la reconstruction après la guerre de Sécession. Longstreet, un ami de longue date du général Grant, décide rapidement d’intégrer le parti républicain et se voit investi de hautes responsabilités par le gouvernement fédéral au grand dam de nombreux anciens officiers confédérés n’ayant jamais pleinement accepté la défaite. En outre, au cours des trois jours de la bataille, Longstreet s’est fréquemment opposé au général Lee sur la stratégie à adopter et la conduite des opérations. Il aurait ainsi préféré lancer un grand mouvement tournant afin de se positionner entre l’armée du Potomac et Washington et forcer les forces de l’Union à passer à l’offensive. Longstreet a également averti son supérieur du danger de l’assaut de Pickett le 3 juillet.

 

Lee, principal responsable de la défaite à Gettysburg

En définitive, si ses subordonnés ont pu commettre des erreurs, Lee demeure le principal responsable de la défaite de Gettysburg dans le camp confédéré. Doté d’un Etat-major sous-dimensionné, au contraire de Longstreet et de Jackson avant sa mort, le commandant en chef confédéré était contraint de laisser une large part d’initiative à ses chefs de corps. Ce mode de fonctionnement a pu être problématique en juillet 1863 alors que deux généraux de division, Ewell et Hill, venaient d’être nommés à ce rang. Lee ne semble par ailleurs pas s’être opposé à ce que Longstreet retarde son assaut, au deuxième jour de la bataille de Gettysburg. La décision de lancer la désastreuse charge de Pickett fut également prise par le général en chef lui-même contre l’avis de son principal lieutenant.

 

Bibliographie sur la bataille de Gettysburg

Jeffrey Hall, The stand of the US army at Gettysburg

Mark AdKin, The Gettysburg Companion

Michael Shaara, The Killer Angels

Vincent Bernard, Robert Lee

James McPherson, La Guerre de Sécession, 1861-1865