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Étouffe-chrétien : définition & origine de l’expression

Publié le 25/07/2021 (m.à.j* le 30/12/2023)
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De l’étouffe-chrétien signifie : une nourriture étouffante, bourrative, d’une consistance épaisse, dont la digestion est difficile et qui coupe durablement la faim, voire dégoûte de tout autre aliment (le plus souvent à propos des gâteaux). Cette expression peut aussi être employée en apposition. Exemples :

  • (Emploi en apposition) Après un repas gargantuesque, qui n’avait toutefois pas suffi à achever mon appétit, ma tante me servit un dessert étouffe-chrétien, immense monument de crème et de biscuit, devant lequel j’eus tout d’abord un mouvement de recul.
  • Cet étouffe-chrétien, fait de chocolat, de confiture d’orange et de châtaignes, a toujours un grand succès auprès des enfants aux alentours de Noël.

Cette expression est parfois employée à propos de ce qui est lourd, pompeux, trop riche (« ce film offre une spectacle étouffe-chrétien dont les effets spéciaux ont achevé de nous assommer »). Le « chrétien » de l’expression est pris comme synonyme de « personne, individu », avec une connotation peccamineuse.

Étouffe-chrétien : origine de l’expression

Ce terme semble venir du centre de la France. Un Glossaire du centre de la France (1856) le définit comme une « pâtisserie indigeste, [une] galette épaisse et lourde. » Une Revue des traditions populaires de 1895 le relève aussi. Le terme est donc très rare dans les écrits jusqu’à la deuxième moitié du XXe siècle. Il est employé dans une chronique du journaliste Henry Boyer en 1897, mais à propos d’un voyage en Bretagne, où il décrit, peut-être, d’un far :

Le dit maire m’indique un épicier-charron qui héberge, lui aussi, ses amis, on pourra me donner quelques relief du festin. Il est deux heures, j’avalerai n’importe quoi, enfin on me sert une ratatouille infâme au chien de mer, du mouton aux pruneaux et de cet étouffe-chrétien aux œufs à la graisse, dont les bretons se régalent. 

Le Parisien, 8 décembre 1897

Autre emploi encore plus éloigné du centre de la France : 

Au seul restaurant de la ville on nous sert un repas mexicain : des « nuevos rancheros », œufs brouillés au poivre rouge (chili), aux tomates et aux oignons, puis des « enchiladas », faites de « tortillas », gâteaux de pâte de maïs pétris avec les mains sur un petit tabouret ; c’est le pain du Mexicain. Tandis que nous faisons d’énergiques efforts pour ingurgiter cet « étouffe-chrétien », assaisonnée d’une sauce encore plus pimentée […]

Le Globe : Journal géographique. Organe « puis » Bulletin de la Société de géographie de Genève, 1903

Le Dictionnaire historique de la langue française évoque une variante de Sologne, « étouffe-coquin», que l’on trouve toutefois dans une revue de Jules Vallès sur la rue à Paris : 

Deux minutes de feu, pas plus ; et encore nous sommes patients ! on s’arrache les morceaux et nous goûtons : c’est pis que la pâte spongieuse appelée chez nous étouffe-coquin : figurez-vous de la colle sans beurre ni sel mal cuite ou calcinée.  

La Rue : Paris pittoresque et populaire, 4 janvier 1868

À lire ici : pourquoi dit-on « avoir la gueule de bois » ?