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Terre à terre : définition & origine [expression]

Publié le 30/08/2021
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Terre à terre signifie : prosaïque, qui ne se soucie pas des considérations intellectuelles, qui ne s’intéresse qu’aux réalités matérielles quotidiennes.

 

Terre à terre : origine de l’expression


Cette expression existe de longue date. Il faut la comprendre comme la description d’un mouvement (de la terre à la terre). Mais elle est d’abord employée au sens « sans s’éloigner des côtes », « sans aller en mer » pour des bateaux :

… en envoyer d’autres tous fraiz sur des fregattes & barques de pescheurs, lesquels allassent terre à terre costoiant la plage hors de le veue de l’ennemy…

Les mémoires de Martin du Bellay, 1569

Et à propos des animaux qui se déplacent sans s’élever beaucoup :

Je réponds secondement de l’hirondelle, que n’ayant pas les pieds assez forts pour aller terre à terre, en la recherche des grains qu’elle pourrait manger …

1671

C’était aussi une façon de faire marcher le cheval.

Dans ses Curiostiez françaises (1640), Oudin (1595 – 1653) relève « danser terre à terre » (sans s’élever haut). 

L’emploi métaphorique de cette expression au sens de « prosaïque » renvoie au fait que l’esprit de la personne en question n’est pas métaphysique, il ne se déplace « dans le ciel des idées ». On trouve un emploi dans ce sens chez Molière (1622 – 1673) :

Le Ciel, dont nous voyons que l’ordre est tout-puissant,
Pour différents emplois nous fabrique en naissant ;
Et tout esprit n’est pas composé d’une étoffe
Qui se trouve taillée à faire un philosophe.
Si le vôtre est né propre aux élévations
Où montent des savants les spéculations,
Le mien est fait, ma sœur, pour aller terre à terre,
Et dans les petits soins son faible se resserre.

Les Femmes savantes, I, 1, Henriette

 

À lire en cliquant ici : pourquoi dit-on « tailler des croupières » ?

 

Exemples


Ce qui donne sa couleur unique et profonde au tableau, c’est que ces gens sont rassemblés pour débattre les intérêts matériels les plus terre à terre, en même temps que les plus folles aspirations religieuses.

Barrès, La Colline inspirée

 

 

Villiers expliqua, mais clairement, cette fois, que c’était justement pour défendre l’idéal qu’il avait créé ce caractère de femme, hantée de si hautes aspirations, et mariée à l’homme « le plus terre à terre », le plus incapable de la comprendre, et qui la torturait sans le savoir.

Judith Gautier, Le Troisième rang du collier