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« En suspend » ou « en suspens » ? orthographe

Publié le 07/01/2018 (m.à.j* le 07/03/2023)
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On écrit : « en suspens ». On n’écrit pas « en suspend ». Le terme « suspens » trouve son origine dans le droit canonique. Il permet de désigner un ecclésiastique suspendu de ses fonctions. On disait donc  « un prêtre suspens ». La mesure était elle-même nommée la « suspense » (homophone du suspense, « le sentiment d’attente angoissé », ressenti devant un film par exemple). Ce terme est aujourd’hui utilisé dans la locution adverbiale « en suspens », qui signifie « dans l’incertitude », « dans l’indécision », « dans l’attente », « qui est momentanément interrompu ». C’est le seul cas dans lequel ce terme est usité de nos jours. Cette locution permet aussi de parler d’une chose interrompue. Cette forme vient du latin suspensus (« suspendu », « subordonné à », « incertain, indécis ») participe passé de suspendere (« suspendre, tenir en l’air ») (voir TLFi) employé dans in suspenso («en sursis », « en attente »), duquel « en suspens » est tiré. La locution en question ici n’est donc pas issue directement du verbe « suspendre », mais d’un participe passé de suspendre en latin. De là l’absence de « d » final. Exemples : 

  • Émeline, qui semblait tout à fait troublée par ce qu’il venait de se passer, a laissé sa phrase en suspens. Nous avons insisté pour qu’elle la termine.
  • Le tribunal n’a pas rendu son jugement. L’affaire est toujours en suspens et les parties désespèrent de la voir prendre fin un jour.
  • Ils avaient commencé à nettoyer leur jardin, mais la trop forte chaleur les a contraint à laisser leur travail en suspens.
  • Du moment où le cardinal était entré, Gringoire n’avait cessé de s’agiter pour le salut de son prologue. Il avait d’abord enjoint aux acteurs, restés en suspens, de continuer et de hausser la voix. (Hugo, Notre-Dame de Paris)
  • […] et, au moindre bruit des passions publiques qui pénètrent au milieu des petites jouissances de leur vie privée, ils s’éveillent et s’inquiètent ; pendant longtemps la peur de l’anarchie les tient sans cesse en suspens et toujours prêts à se jeter hors de la liberté au premier désordre. (Tocqueville, De la démocratie en Amérique)
  • (Inès éclate de rire.) Oh ! c’était une simple défaillance corporelle. Je n’en ai pas honte. Seulement tout est resté en suspens pour toujours. (À Estelle) Viens là, toi. Regarde-moi. J’ai besoin que quelqu’un me regarde pendant qu’ils parlent de moi sur terre. J’aime les yeux verts. (Sartre, Huis Clos, 5)

À lire ici  en cliquant ici : quelle différence entre « suspens » et « suspense » ?