Cet article vous présente 11 souveraines influentes.
🔷 Theodora († 548 ap. J.-C.)
… de basse extraction, elle devint l’épouse de l’empereur romain Justinien (527 – 565) et fut associée au trône en tant qu’auguste (un titre impérial). Son influence réelle sur la politique impériale est difficile à déterminer, mais elle a probablement été majorée par Procope de Césarée (VIe siècle), le principal historien du règne de Justinien, qui était hostile aux deux. Elle fut favorable au monophysisme. (À lire : Jean-Claude Cheynet, Histoire de Byzance).
🔷 Wu Zetian (624 – 705)
Wu Zetian a été de fait dirigeante de Chine de la dynastie Tang de 665 à 705, d’abord en tant qu’épouse de l’empereuer Gaozong (huanghou) puis mère d’empereur (taihou), comme d’autres femmes, puis en son nom propre à partir de 690 (en tant que huangdi, titre reservé aux hommes), ce qui fut unique dans l’histoire de la Chine. Elle fonda sa propre dynastie, celle des Zhou. Parmi ses réformes, elle a développé l’usage des examens mandarinaux pour le recrutement des hauts fonctionnaires, afin de limiter l’influence des vieilles familles aristocratiques. Elle encouragea en outre le développement du bouddhisme. Elle fut toutefois l’objet d’attaques vives dans l’historiographie chinoise, hostile au pouvoir d’une femme (Damien Chaussende, Histoire de la Chine ancienne et impériale).
🔷 Aliénor d’Aquitaine (1122 – 1204)
… duchesse d’Aquitaine, son mariage avec le roi Louis VII en 1137 permit à la monarchie capétienne d’étendre ses limites à l’Aquitaine et aux fiefs qui en dépendait, Poitiers (dont elle fut comtesse), Limoges, Bordeaux, Angoulême et d’obtenir des droits sur le comté de Toulouse. Mais un conflit éclata entre les époux, Aliénor ne donnant pas de fils (deux filles) et ayant une culture bien différente de celle de Louis VII (plus religieux et austère). Le roi obtint la séparation au concile de Beaugency le 18 mars 1152, par l’annulation de son mariage. Son remariage la même année avec Henri Plantagenêt, devenu le roi d’Angleterre Henri II en 1154, fit balancer un tiers du royaume aux mains anglaises. Bien qu’elle vécut loin de l’Angleterre, à Poitiers, elle engendra Richard Ier « cœur de Lion » (r. 1189 – 1199) et Jean « sans Terre » (r. 1199 – 1216). Elle joua un grand rôle dans la diffusion de l’idéal courtois au XIIe siècle. Sa petite-fille, Blanche de Castille, fut reine de France en tant qu’épouse de Louis VIII. Elle est inhumée à l’abbaye de Fontevraud, avec Henri II, Richard et Isabelle d’Angoulême. (À lire : La France au Moyen Âge de Claude Gauvard).
🔷 Blanche de Castille (1188 – 1252)
🔷 Isabelle Ire de Castille (1431 – 1504)
…son règne donna naissance à l’union politique de son royaume, la Castille, dont elle fut reine à partir de 1474 (ce qui donna lieu à une guerre de succession), avec celui de son époux depuis 1469, Ferdinand (1479 – 1516), qui devint roi d’Aragon en 1479. Les deux époux, les « Rois catholiques » régnaient conjointement sur un grand ensemble, puisque l’Aragon disposait aussi des Baléares, de la Sardaigne, de la Sicile et du royaume de Naples. Cet ensemble fut notamment agrandi par l’achèvement de la « Reconquista » par la prise de Grenade en 1492, ainsi que par les premières expéditions vers l’Amérique (par Christophe Colomb). L’image d’Isabelle « la catholique » est cependant ternie, avec celle de son époux, par l’influence de l’Inquisition, par les persécutions et expulsions des musulmans, protestants, juifs morisques (musulmans convertis) et marranes (juifs convertis par la contrainte au catholicisme mais restés fidèles à leur religion). Leur petits-fils, Charles Quint (1500 – 1558), régna seul sur l’ensemble de leurs territoires (ainsi que les héritages Habsbourg).
🔷 Élisabeth Ire (1533 – 1603)
… le règne de quarante-quatre ans d’Élisabeth, de 1558 à 1603, marqua assez les mémoires pour que l’on parle aujourd’hui d’ère élisabéthaine. Elle se caractérise par l’arrivée tardive de la Renaissance en Grande-Bretagne, par un épanouissement particulier du théâtre (Christopher Marlowe, Ben Jonson et surtout, William Shakespeare) et par la consolidation du schisme de l’église d’Angleterre par l’Acte de suprématie de 1559, après la tentative de retour au catholicisme pendant le règne de sa demi-sœur Marie Ire (1553 – 1558). Son règne fut aussi marqué par un long conflit avec l’Espagne de Philippe II (1556 – 1598) puis Philippe III, dont l’épisode le plus célèbre fut l’incapacité de l’Invincible Armada de débarquer en Angleterre. Ce relatif succès compensa des échecs continentaux aux Pays-Bas. Élisabeth Ire est aussi une reine singulière par la façon dont elle a marqué les mémoires par son image, la légende l’ayant érigée en « reine vierge », car jamais mariée. Son héritier fut le roi d’Écosse Jacques VI (r. 1567 – 1625), qui régna donc en union personnelle en tant que Jacques Ier sur les royaumes d’Angleterre et d’Irlande, ce qui posa les pierres fondatrices du Royaume-Uni.
🔷 Christine de Suède (1626 – 1689) :
… fille du roi de Suède Gustave II Adolphe (r. 1611 – 1632) qui ne survit pas à la bataille de Lützen, elle devint « roi » (et non reine) de Suède, d’abord sous la régence du grand chancelier Axel Oxenstierna (à ce poste depuis 1612), puis en son nom propre en 1644. Elle reste célèbre pour son goût pour les écrits et les arts, qui la poussa à tenter venir les figures intellectuelles de l’Europe à Stockholm pour en faire une « Athènes du Nord » (elle parvint à recruter Descartes comme précepteur en 1649, qui y mourut un an plus tard), pour sa liberté de mœurs (refus du mariage) et pour avoir abdiqué en 1654 en faveur de son cousin Charles X Gustave (r. 1654 – 1660), peut-être par aversion personnelle pour son rôle et ses servitudes. Elle mena par la suite une vie itinérante, et se convertit de manière spectaculaire au catholicisme le 3 novembre 1655 à Innsbruck. Rome fut le point de fixation principal de sa deuxième vie, et son corps repose dans la crypte de la basilique Saint-Pierre.
🔷 Marie-Thérèse d’Autriche (1717 – 1780)
… moins célèbre que sa fille, Marie-Antoinette, reine de France (1774 – 1791 – 1792), Marie-Thérèse, la seule souveraine Habsbourg, a mené une œuvre réformatrice considérable à la tête des possessions territoriales des Habsbourg en Europe centrale, aux Pays-Bas et en Italie. Fille de Charles VI, elle lui succéda en 1740, à vingt-trois ans, à la tête des pays héréditaires d’Autriche, du royaume de Bohême, du royaume de Hongrie, de Milan et Mantoue et de la Belgique actuelle (ainsi que d’autres territoires de petite taille). La Pragmatique Sanction de 1713 qui lui avait permis de recueillir cet héritage ne s’appliquait cependant pas au trône du Saint-Empire, sur lequel les Habsbourg étaient placés depuis 1438, mais qui était réservé aux hommes. Le duc de Bavière fut élu empereur en 1742, mais il mourut trois ans plus tard, ce qui permitt à Marie-Thérèse de faire élire empereur son époux François-Étienne de Lorraine, Grand-duc de Toscane, qui était aussi co-régent de ses États. La Pragmatique Sanction fournit le prétexte à des puissances concurrentes pour contester la position de Marie-Thérèse, ce qui entraîna le déclenchement d’une guerre européenne, la guerre de Succession d’Autriche (1740 – 1748), à l’issue de laquelle la souveraine consolida sa position malgré la perte de la riche et populeuse région de Silésie au profit du roi de Prusse. Son souci fut par la suite d’unifier l’ensemble hétéroclite qu’elle dirigeait et d’éviter les partitions. Contrairement à la tradition de ses États, elle prit un ministre principal, Friedrich von Haugwitz (puis Kaunitz), qui instaura en 1748 un directoire réunissant les chancelleries d’Autriche et de Bohême aux conseils de guerre, de justice et de commerce, avec plus ou moins de succès. Son gouvernement parvint sur le plan économique a atteindre l’équilibre au début des années 1770, ce dont témoigne la création de manufactures et l’émission à partir de 1741 du thaler d’argent (la piastre), employé dans le monde jusqu’au XXe siècle ou copié. Il mena des réformes fiscales (cadastre parcellaire) et commerciales (union douanière entre l’Autriche et la Bohême). La réforme fut aussi juridique, avec la mise en place d’un Cour suprême de justice pour l’Autriche et le Bohême en 1751, l’institution d’un célèbre code pénal en 1768 (la Constitutio Criminalis Theresiana), l’allégement de la censure, la création de nouvelles écoles et de chaires, la création de bourses pour former et uniformiser les élites locales, etc. Toujours dans le même effort d’intégration, 200 portraits d’États furent disséminés dans les pays, et la titulature complète de la souveraine était inscrite à la tête de chaque édit. Marie-Thérèse agrandit aussi ses États lors du premier partage de la Pologne (1772, acquisition de la Galicie). Son fils Joseph II, le premier Habsbourg-Lorraine, fut fait corégent en 1765 à la mort de son père, puis hérita des États en 1780 à la mort de sa mère. Il est considéré comme un « despote éclairé ». (À lire : Christine Lebeau, Marie-Thérèse, une mémoire européenne).
🔷 Catherine II de Russie (1729 – 1796)
… est l’une des plus célèbres souveraines de l’histoire. Née allemande et luthérienne dans une petite cour de Poméranie, elle devint impératrice de Russie à partir de 1762 à la faveur d’un coup d’État organisé contre son époux, l’éphémère Pierre III. Son long règne de trente-quatre ans fut celui de nombreuses réformes et de grands troubles (la révolte de paysans russes, avec pour figure de proue Pougatchev, matée en 1775), mais surtout celui d’une grande dilatation de l’Empire (de 518 000 km²), qui acquit une grande partie de l’Est de la République des Deux-Nations (Pologne-Lithuanie) à l’occasion de trois partages du pays avec la Prusse et l’Autriche en 1772, 1793 et 1795, mais aussi des territoires sur l’Empire ottoman ce qui lui donna un accès à la Mer noire (le traité de Koutchouk-Kaïnardji en 1774, annexion du Khanat de Crimmée en 1783, traité d’Iași en 1792). Cette expansion fut doublée par la création de nombreuses villes : Odessa, Dnipro, Kherson, Sebastopol, etc. Bien qu’elle ait entretenu une correspondance avec certains tenants de Lumières (Voltaire, Diderot, d’Alembert), Catherine II ne fut pas une souveraine des Lumières, mais la dirigeante d’un ensemble disparate de territoires dont une grande part était encore régie par une configuration sociale traditionnelle (maintien du servage) . Catherine II a aussi marqué les mémoires par ses amants, Grigori Orlov et Grigori Potemkine. Son règne fut suivi par celui de son fils en 1796.
Il manque néanmoins Victoria