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Peigner la girafe : définition & origine [expression]

Publié le 01/05/2021 (m.à.j* le 10/02/2023)
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Peigner la girafe signifie : « ne rien faire » ou « faire un travail inutile et fastidieux ».

À lire en cliquant ici : d’où vient l’expression « ce n’est pas piqué des hannetons ! »  ?

Peigner la girafe : origine de l’expression

Peigner le long cou d’un animal peut paraître en effet longuet et sans grand intérêt. Cependant deux hypothèses s’affrontent sur l’origine exacte de cette image.

La première, soutenue par Claude Duneton, fait naître cette expression avec l’arrivée de la girafe Zarafa en France en 1826. Jusqu’alors inconnu des Français, cet animal soulève la passion du public au cours de son voyage de Marseille à Paris qu’il atteint en 1827 pour s’installer au Jardin des plantes. Une anecdote ajoute qu’un gardien du Jardin se serait servi de l’excuse qu’il « peignait la girafe » devant les remontrances de ses supérieurs qui lui reprochaient de ne rien faire. Toutefois, cette hypothèse est repoussée par d’autres auteurs, comme Alain Rey et Sophie Chantreau (Dictionnaire d’expressions et locutions), parce qu’elle n’a pas d’attestation écrite contemporaine. Cette expression évoquerait plutôt à mots couverts la masturbation, avec l’idée, comme avec « branler », que cette pratique équivaut à ne rien faire.

Duneton a néanmoins défendu son hypothèse en arguant que l’absence de cette expression dans les dictionnaires d’argot, et son apparition dans Le Nouveau Larousse illustré de 1898, montre qu’elle était probablement répandue à l’oral dans les milieux bourgeois depuis quelques années, ce qui rapproche sa genèse de la mort de la girafe en 1845. Cette usage bourgeois de l’expression exclurait toute allusion masturbatoire.

Mais « peigner la girafe » figure bien dans un dictionnaire argotique, celui de Georges Delesalle, publié en 1896. En même temps, un emploi ancien de l’expression, dans une histoire drôle de 1886 dans le journal satirique Le Tintamarre, lie l’expression au Jardin des plantes et à l’anecdote du gardien paresseux :

Un employé du Jardin des Plantes passe en correctionnelle :
– Votre profession ?
– Coiffeur, mon président.
– Comment, coiffeur ?…
– Oui, mon président, je peigne la girafe !

Cet emploi est éloigné de l’argot, comme celui de 1892 dans La Semaine vétérinaire, qui parle aussi du Jardin des plantes :

On vous a parlé d’un peigne à peigner la girafe, ce qui laisserait supposer que cet intéressant animal a son coiffeur ; nous sommes sans renseignement là-dessus : il n’y a pas de girafe au Jardin des Plantes.

Le peigne évoqué est peut-être le « peigne à la girafe » mis à la mode par l’arrivée de l’animal en France, mais le lien avec l’expression est loin d’être évident. 

Il faut noter, enfin, avec Duneton, que l’expression utilise l’article défini « la », pour « la girafe », est donc qu’il est peut-être bien question d’une unique girafe, celle du Jardin des plantes, et pas d' »une girafe » quelconque.

À lire en cliquant ici : « sabler » ou « sabrer » le champagne ?

Exemples

Boris Vian, dans Vercoquin et le plancton (1946), a fait une célèbre syllepse à partir de cette expression : 

Emmanuel avait tellement peigné la girafe, ce matin-là, que la pauvre bête en était morte. Des touffes de ses poils tramaient un peu partout, et son cadavre, dont on avait fait passer la tête par la fenêtre, pour pouvoir circuler, gisait sous le bureau d’Adolphe Troude, qu’encombraient déjà quatre tonnes d’engrais divers, logés dans de petits sacs de toile, car cet estimable individu s’adonnait à la culture maraîchère dans son jardin de Clamart.

Il prend l’expression au sens littéral, mais le lecteur peut douter et la comprendre au sens abstrait, ou même y voir de la masturbation. 

 

Sur l’ensemble routier, quatre tonnes de foin s’apprêtent à partir. Ils sont destinés aux cracks de Jean-Michel Bazire, l’un des clients de la Ferme du Verger, une jeune pousse de Saint-Philbert-de-Grandlieu, dans le Sud-Loire, qui s’est lancée dans la purification du fourrage.

Nettoyer le foin ou la paille ? Tiens donc… Le premier réflexe du néophyte incite à sourire et à vanner. Nettoyer le foin comme peigner la girafe ou compter les herbes de la pelouse ? Grave erreur.

Ouest-france.fr