Orthographe et définition
L’essentiel : on peut écrire au temps pour moi
ou autant pour moi. La forme traditionnelle semble être « au
temps pour moi », mais la forme avec « autant » est très courante,
si bien qu’on peut aujourd’hui dire que les deux sont
valides. Cette
formule signifie que l’on admet son erreur, on reconnaît sa
responsabilité, et que l’on est prêt à reprendre les choses depuis
leur début. Cette phrase averbale (phrase sans verbe, comme
“Silence !” ou “En joue !” ) est familière : il
faut la réserver au langage oral.
“Je me suis trompé”.
Trois mots simples que nous avons parfois du mal à prononcer. C’est là qu’intervient l’expression “au temps pour moi” (ou “autant pour moi”). Cette formule élégante nous permet de reconnaître nos erreurs avec style et d’admettre nos torts sans perdre la face. Une façon courtoise de faire amende honorable lorsque nous réalisons notre méprise.
Ce qu’il faut retenir
-
Les deux formes sont aujourd’hui acceptées : « au temps » et « autant »
-
Origine militaire probable pour « au temps pour moi » au XIXe siècle
-
Expression familière : à réserver au langage oral et informel
-
Académie française privilégie « au temps pour moi » traditionnellement
-
Usage moderne favorise « autant pour moi » par logique phonétique
Usage et nuances d’emploi
Cette expression révèle une particularité fascinante de notre langue. Elle appartient au registre familier tout en conservant une certaine élégance. Son utilisation témoigne d’un savoir-vivre linguistique : plutôt que de bredouiller des excuses, nous employons une formule consacrée qui marque notre humilité intellectuelle.
Pour vérifier l’orthographe de vos textes et éviter ce type d’hésitations, n’hésitez pas à utiliser notre correcteur d’orthographe que vous pouvez mettre en favoris.
« Au temps pour moi » : origine de l’expression
“Au temps pour moi” est une expression populaire dont l’origine est peu claire. Elle pourrait venir du jargon militaire : la locution “au temps” était utilisée pour commander la reprise d’un mouvement pendant les exercices (notamment l’expression “au temps pour les crosses”, qui ordonnait de recommencer le maniement des armes quand le bruit des crosses qui frappent les paumes n’a pas été synchrone).
Les mains enveloppées dans de larges gants de feutre pour ne pas faire de bruit en marchant, les hommes se suivaient silencieusement un à un, l’arme à la main, l’angoisse au cœur, dans la grande forêt noire que coupent en droite ligne les innombrables lacets de la route nationale d’Ispania-le-Château à Terrier-du-Loir.
– Halte ! commanda brusquement une voix étouffée.– Sacs à terre !
– Formez sceaux !
Puis la voix reprit tout aussitôt :
– Non, au temps pour moi ! sac aux dos ! et le régiment reprit silencieusement sa marche sous bois.
[…]
Le temps est le “moment précis pendant lequel il faut faire certains mouvements qui sont distingués et séparés par des pauses.” (Le Français correct : guide pratique des difficultés). L’italien possède l’équivalent “Al tempo !”. Exemples :
- « Recommencez-moi ce mouvement-là en le décomposant. Au temps ! Au temps ! Je vous dis que ce n’est pas ça ! Nom de nom, La Guillaumette, voulez-vous mettre plus d’écart entre le premier temps et le second ! » (Courteline, Train 8h47)
- « Au temps ! crie Brague. Tu l’as encore raté, ton mouvement ! En voilà une répétition à la mordsmoilejonc ! » (Colette, La Vagabonde)
L’expression pourrait aussi avoir une origine musicale : “le temps” serait le temps du chef d’orchestre que les musiciens doivent suivre. Cette explication n’est cependant qu’hypothétique.
L’origine militaire
Jusqu’au XIXe siècle, dans les cours des casernes françaises, le claquement des bottes sur le pavé rythme les exercices militaires. Un soldat fait un faux pas. “Au temps !” tonne l’officier. Le linguiste Alain Rey nous explique dans son Dictionnaire historique de la langue française comment cette injonction militaire s’est transformée en notre expression quotidienne.
L’évolution vers “autant”
La langue est vivante. Elle se transforme au fil du temps. C’est ainsi que “au temps” est devenu “autant” dans la bouche de nombreux Français. La raison ? Une simple logique phonétique – les deux versions se prononcent de façon identique. Et puis, avouons-le, “autant pour moi” a sa propre logique : n’est-ce pas une façon de dire “je suis tout autant responsable” ?
Analyse étymologique approfondie
L’étude des corpus linguistiques révèle une mutation fascinante. Cette transformation d’expression militaire en formule de politesse illustre parfaitement comment le langage s’adapte aux besoins sociaux. Le passage du commandement autoritaire à l’aveu humble témoigne d’une évolution des mentalités.
Dans les textes du XIXe siècle, “au temps” conserve encore sa force impérative. Puis, progressivement, l’expression s’adoucit. Elle devient un moyen élégant de reconnaître ses torts sans perdre la face. Cette euphémisation répond à un besoin social : comment admettre ses erreurs tout en préservant sa dignité ?
Exemples avec « au temps pour moi »
- Quoi ? On écrit notamment avec deux “m” ? Au temps pour moi !
- Cette fille n’est pas Zoé ? Au temps pour moi !
Exemples littéraires :
Qui de quatre-vingt-sept ôte six reste…ne me le dites pas…Faut que j’y arrive…Reste quatre-vingt-huit…Je vas recommencer. Au temps pour moi, j’mai gouré.
Feuilleton de Henri Duvernois dans Le Journal, 1914
“Cessez le feu ! Au temps ! Au temps pour moi !…”
Genevoix, Sous Verdun
“Il avait fait une erreur dans un raisonnement délicat et il avait dit gaiement : “Au temps pour moi.” C’était une expression qu’il tenait de M.Fleurier et qui l’amusait.
Sartre, Le Mur
“Au temps pour moi, dit-il en souriant, j’avais mal interprété vos intentions.” – Marcel Pagnol, La Gloire de mon père “Autant pour moi, je n’avais pas vu que vous étiez déjà là” – Annie Ernaux, La Place “— Ce n’est pas comme ça qu’on procède, lieutenant. — Au temps pour moi, mon commandant.” – Jean-Christophe Rufin, Le Grand Cœur
Exemples dans différents contextes
Contexte professionnel
Contexte familial
La variante « autant pour moi » est-elle correcte ?
Selon l’Académie française, “autant pour moi est courante aujourd’hui, mais rien ne la justifie ». Cette position est suivie par le Le Petit Robert et le Le Bon Usage. Toutefois, l’écrivain Claude Duneton, dans un article du Figaro littéraire du 18 décembre 2003, conteste la graphie « au temps pour moi » pour lui préférer « autant pour moi ». En effet, pour lui, les explications sur l’origine d’« au temps pour moi » sont fausses :
L’ennui c’est qu’il s’agit d’une information complètement fantaisiste, une pure construction de l’esprit, justement.
On ne trouve nulle part cette histoire imaginaire de commandement « Au temps ! », ni à l’armée (qui a pourtant donné « En deux temps trois mouvements ») , ni dans les salles de gym. Et surtout pas chez les chefs d’orchestre : des musiciens qui travaillent reprennent à telle mesure, pas au « temps », c’est saugrenu !
La graphie “autant pour moi”, qui est selon lui une locution elliptique de modestie (“avec un brin d’autodérision ») signifierait « Je ne suis pas meilleur qu’un autre, j’ai autant d’erreurs que vous à mon service : autant pour moi ! ». En outre, il la lie à une ancienne expression, « autant pour le brodeur », relevée dans Curiositez françoises pour supplément aux dictionnaires (1640) d’Antoine Oudin, qui signifie, selon le Littré, qu’on n’ajoute aucune foi à un récit.
Grevisse a émis l’hypothèse que “au temps” pourrait être une dérivation de “autant”. Pour André Thérive, “au temps” pourrait être un substitut pédantesque de “autant” (Querelles de langage). Toutefois, on trouve “au temps pour moi” dès la fin du XIXe siècle, ce qui n’est pas le cas de “autant pour moi” (employé comme formule).
Très grave ; cas de conseil !!! D’ailleurs, au temps pour moi : maladresse !
Enfin,
Bernard Cerquignlini note dans ses Petites chroniques du
français comme on l’aime (2012) que la graphie “au
temps” tend à disparaître au profit de autant (et donc “autant en
emporte le vent ! » ). Il est vrai qu’elle paraît plus
naturelle.
Comment s’y retrouver dans cette dualité linguistique ? Voici
quelques suggestions pratiques :
- Pour vos écrits formels, privilégiez “au temps pour moi”
- À l’oral, laissez-vous porter par votre intuition : les deux formes sont acceptées
Et surtout, évitons les querelles orthographiques stériles
Position des institutions linguistiques
L’Académie française maintient sa préférence pour “au temps pour moi”. Cette institution, gardienne de la norme linguistique depuis 1635, considère que l’origine militaire justifie cette graphie. Cependant, elle reconnaît désormais la légitimité de l’usage d'”autant pour moi”.
Cette évolution reflète une approche plus descriptive que prescriptive de la langue. Plutôt que d’imposer une norme rigide, les linguistes modernes observent les pratiques réelles des locuteurs. Le résultat ? Une acceptation progressive des deux formes.
Analyse comparative des deux formes
Critère | “Au temps pour moi” | “Autant pour moi” |
---|---|---|
Origine historique | Documentée dès le XIXe siècle | Apparition plus tardive (XXe siècle) |
Logique étymologique | Référence militaire/musicale | Logique sémantique intuitive |
Usage actuel | Privilégié dans les textes formels | Dominant à l’oral |
Acceptation officielle | Recommandé par l’Académie | Toléré et répandu |
Traductions et équivalents
Notre expression voyage à travers les langues. Voici comment nos
voisins reconnaissent leurs erreurs :
Anglais : “My mistake” / “I stand corrected”
Italien : “Mi correggo” / “Mi scuso”
Espagnol : “Me corrijo” / “Error mío”
Allemand : “Ich korrigiere mich” / “Mein Fehler”
Portugais : “Me corrijo” / “Meu erro”
Russe : “Vinovat” / “Ya oshibsya”
Arabe : “Afwan, akhtaʾtu”
Particularités linguistiques
Chaque langue développe ses propres mécanismes pour exprimer la reconnaissance d’erreur. Le français se distingue par cette formule elliptique qui évite la répétition du verbe “me tromper”. Cette élégance linguistique témoigne d’une certaine sophistication dans l’art de l’excuse.
L’anglais “my mistake” privilégie la simplicité directe. L’allemand “mein Fehler” adopte la même approche. Le français, lui, préfère l’indirection poétique. Cette différence révèle des mentalités culturelles distinctes face à l’erreur et à son aveu.
Évolution de l’usage
Le temps nous raconte une histoire fascinante. Les chercheurs de
l’équipe ATILF-CNRS ont retracé l’évolution de notre expression
:
Dans un premier temps, “au temps pour moi” règne sans partage
jusqu’aux années 1950
Puis vient le temps du changement : “autant pour moi” fait son
apparition entre 1950 et 1980
Aujourd’hui ? Les deux formes coexistent paisiblement, avec une
légère préférence pour “au temps pour moi” dans les textes
officiels
Analyse sociologique de l’usage
L’évolution vers “autant pour moi” révèle un phénomène sociologique fascinant. Cette transformation reflète une démocratisation du langage. L’expression militaire cède place à une formule plus accessible, plus intuitive pour le locuteur moyen.
Cette mutation linguistique illustre également l’influence de l’oralité sur l’écrit. À l’époque des réseaux sociaux et des messages instantanés, l’écrit se rapproche de la parole. “Autant pour moi” s’impose naturellement car il “sonne juste” à l’oreille moderne.
Questions fréquentes sur l’expression
Peut-on utiliser l’expression dans un contexte formel ?
Bien que familière, l’expression trouve sa place dans certains contextes formels. Elle apporte une touche d’humanité qui peut désamorcer les tensions. Toutefois, dans les documents très officiels, préférez des formules plus neutres comme “je me corrige” ou “je rectifie”.
Existe-t-il des variantes régionales ?
Les études dialectologiques ne révèlent pas de variantes régionales significatives. L’expression conserve sa forme dans toute la francophonie, témoignant de son caractère véritablement national.
Comment enseigner cette expression aux non-francophones ?
L’enseignement de cette expression pose des défis particuliers. Sa nature elliptique et son origine controversée compliquent l’explication. La meilleure approche consiste à présenter les deux formes comme également acceptables tout en expliquant le contexte d’usage.
Sources consultées
* Dictionnaire de l’Académie française, 9e édition * Rey, Alain. Dictionnaire historique de la langue française * Grevisse, Maurice. Le Bon Usage * Base de données Frantext (ATILF-CNRS)
Les 2 expressions n’ont pas le même sens!
– “Je rapporte des sandwiches, qui en veut ?”
– “Oui, au thon pour moi.”
Joli ! J’adore moi-même divaguer sur les mots et leurs sonorités.
Et ce temps tant s’y prête : est-ce tentant ? Oui élargir nos conceptions plutôt que de se faire tant mal au crâne à la réflexion.
Joli !
Je ne vais pas prendre la mouche mais visiblement mon petit jeu de mots n’a impressionné personne. Je ne vais pas non plus pousser des cris de paon, mais il est temps qu’autant d’originalité soit reconnue comme étaonant, surtout venant de la plume d’un Australopithèque originaire de Sydney. Que de taons perdus !
Si si la mouche est prise, avec le vin aigre de la rancoeur qui la rend au coeur.
Ancien.militaire, j’ai enseigné le maniement d’armes pour les mouvements de parade appelé s “ordre serré”. Pour obtenir des mouvements synchronisés nous faisions compter les temps.
Ainsi en réponse au commandement, les soldats comptaient 4-1-2 pour un “présentez, armes !”, 4-1-2-3 pour le “reposez, armes”. Des milliers de gens doivent s’en souvenir !
Quand par exemple le bruit des crosses tapant au sol à la fin du reposez,armes roulait faute de synchro, le chef pour commenter disait “au temps pour les crosses” et faisait refaire. C’était répété partout et fréquemment , et donc devenu un tic verbal pour certains.
Du coup, quand le chef se trompait dans un commandement ou une explication il s’excusait en disant ” au temps pour moi” .
Voulait il dire “autant pour moi” ???? Il leboensait peut-être mais l’expression vient bel et bien de l’exercice militaire.
Comme le pianiste dans le film “Les Choristes”, qui s’excuse de son erreur en disant “Au temps pour moi” que tout le monde imaginait s’écrit “Autant pour moi”, je crois à son origine musicale. Récemment j’ai vu une photo d’un essaim d’abeilles, que je croyais des grosses mouches piqueuses – et j’ai inventé : “Aux taons pour moi !”
Joli !
j’ai lu avec intérêt la distinction des locutions – au temps pour moi et autant pour moi .
je préfère de loin ” autant pour moi” et pensais qu’au temps pour moi était une erreur commune de traduction des romans américains
Bref merci
Remplacer: “- Formez sceaux” par “Formez les faisceaux” !
(faisceaux qui étaient formés en regroupant les fusils par trois)
Non, c’est sceaux.
Vous pouvez lire la source ici
…peut-être mais “formez sceaux”, cela ne veut rien dire
négatif , c’est bien : formez les faisceaux ! je suis ancien militaire et Solande a raison !.
Mais lisez la source !
Vous citez très mal vos sources. Comme il n’y a pas de loupe, on a du mal à trouver le texte dans ce que vous citez de la BLF -Gallica. En effet, c’est dans le feuilleton du journal “L’auto” du 26/011903 “Les dégringroleurs de pantes” (sic) de Guy Pantin d’Emery (illustre inconnu soit dit en passant).
Tous ceux qui ont fait l’armée, savent que l’ordre est bien “Formez les faisceaux” et non “formez sceaux” mais sans doute (je n’arrive pas à lire) qu’il y a l’ellipse de certains mots car ils entendent mal l’ordre et ce qui donne ” formez sceaux” et il y aurait dû avoir des points de suspension.
Bon j’ai retrouvé le texte que vous citez mais c’est laborieux et effectivement, il manque les points de suspension dans la citation du texte que vous faîtes :
gallica.bnf.fr
« Vous citez très mal vos sources » = « je n’ai pas pris le temps de chercher l’outil zoom sur Gallica ».
« Vous citez très mal vos sources » => « tous ceux qui ont fait l’armée, [pourquoi cette virgule ?] », quel fondement solide !
« Vous citez très mal vos sources » : le lien que vous partagez ne mène à rien.
Il ne manque pas de points de suspension.