Orthographe et définition
L’essentiel : on peut écrire au temps pour moi ou autant pour moi. La forme traditionnelle semble être « au temps pour moi », mais la forme avec « autant » est très courante, si bien qu’on peut aujourd’hui dire que les deux sont valides. Cette formule signifie que l’on admet son erreur, on reconnaît sa responsabilité, et que l’on est prêt à reprendre les choses depuis leur début. Cette phrase averbale (phrase sans verbe, comme “Silence !” ou “En joue !” ) est familière : il faut la réserver au langage oral.
“Je me suis trompé”. Trois mots simples que nous avons parfois du mal à prononcer. C’est là qu’intervient l’expression “au temps pour moi” (ou “autant pour moi”). Cette formule élégante nous permet de reconnaître nos erreurs avec style et d’admettre nos torts sans perdre la face. Une façon courtoise de faire amende honorable lorsque nous réalisons notre méprise.
« Au temps pour moi » : origine de l’expression
“Au temps pour moi” est une expression populaire dont l’origine est peu claire. Elle pourrait venir du jargon militaire : la locution “au temps” était utilisée pour commander la reprise d’un mouvement pendant les exercices (notamment l’expression “au temps pour les crosses”, qui ordonnait de recommencer le maniement des armes quand le bruit des crosses qui frappent les paumes n’a pas été synchrone).
Les mains enveloppées dans de larges gants de feutre pour ne pas faire de bruit en marchant, les hommes se suivaient silencieusement un à un, l’arme à la main, l’angoisse au cœur, dans la grande forêt noire que coupent en droite ligne les innombrables lacets de la route nationale d’Ispania-le-Château à Terrier-du-Loir.
– Halte ! commanda brusquement une voix étouffée.
– Sacs à terre !
– Formez sceaux !
Puis la voix reprit tout aussitôt :
– Non, au temps pour moi ! sac aux dos ! et le régiment reprit silencieusement sa marche sous bois.
[…]
Le temps est le “moment précis pendant lequel il faut faire certains mouvements qui sont distingués et séparés par des pauses.” (Le Français correct : guide pratique des difficultés). L’italien possède l’équivalent “Al tempo !”. Exemples :
- « Recommencez-moi ce mouvement-là en le décomposant. Au temps ! Au temps ! Je vous dis que ce n’est pas ça ! Nom de nom, La Guillaumette, voulez-vous mettre plus d’écart entre le premier temps et le second ! » (Courteline, Train 8h47)
- « Au temps ! crie Brague. Tu l’as encore raté, ton mouvement ! En voilà une répétition à la mordsmoilejonc ! » (Colette, La Vagabonde)
L’expression pourrait aussi avoir une origine musicale : “le temps” serait le temps du chef d’orchestre que les musiciens doivent suivre. Cette explication n’est cependant qu’hypothétique.
L’origine militaire
Jusqu’au XIXe siècle, dans les cours des casernes françaises, le claquement des bottes sur le pavé rythme les exercices militaires. Un soldat fait un faux pas. “Au temps !” tonne l’officier. Le linguiste Alain Rey nous explique dans son Dictionnaire historique de la langue française comment cette injonction militaire s’est transformée en notre expression quotidienne.
L’évolution vers “autant”
La langue est vivante. Elle se transforme au fil du temps. C’est ainsi que “au temps” est devenu “autant” dans la bouche de nombreux Français. La raison ? Une simple logique phonétique – les deux versions se prononcent de façon identique. Et puis, avouons-le, “autant pour moi” a sa propre logique : n’est-ce pas une façon de dire “je suis tout autant responsable” ?
Exemples avec « au temps pour moi »
- Quoi ? On écrit notamment avec deux “m” ? Au temps pour moi !
- Cette fille n’est pas Zoé ? Au temps pour moi !
Exemples littéraires :
Qui de quatre-vingt-sept ôte six reste…ne me le dites pas…Faut que j’y arrive…Reste quatre-vingt-huit…Je vas recommencer. Au temps pour moi, j’mai gouré.
Feuilleton de Henri Duvernois dans Le Journal, 1914
“Cessez le feu ! Au temps ! Au temps pour moi !…”
Genevoix, Sous Verdun
“Il avait fait une erreur dans un raisonnement délicat et il avait dit gaiement : “Au temps pour moi.” C’était une expression qu’il tenait de M.Fleurier et qui l’amusait.
Sartre, Le Mur
“Au temps pour moi, dit-il en souriant, j’avais mal interprété vos intentions.” – Marcel Pagnol, La Gloire de mon père
“Autant pour moi, je n’avais pas vu que vous étiez déjà là” – Annie Ernaux, La Place
“— Ce n’est pas comme ça qu’on procède, lieutenant. — Au temps pour moi, mon commandant.” – Jean-Christophe Rufin, Le Grand Cœur
La variante « autant pour moi » est-elle correcte ?
Selon l’Académie française, “autant pour moi est courante aujourd’hui, mais rien ne la justifie ». Cette position est suivie par le Le Petit Robert et le Le Bon Usage. Toutefois, l’écrivain Claude Duneton, dans un article du Figaro littéraire du 18 décembre 2003, conteste la graphie « au temps pour moi » pour lui préférer « autant pour moi ». En effet, pour lui, les explications sur l’origine d’« au temps pour moi » sont fausses :
L’ennui c’est qu’il s’agit d’une information complètement fantaisiste, une pure construction de l’esprit, justement.
On ne trouve nulle part cette histoire imaginaire de commandement « Au temps ! », ni à l’armée (qui a pourtant donné « En deux temps trois mouvements ») , ni dans les salles de gym. Et surtout pas chez les chefs d’orchestre : des musiciens qui travaillent reprennent à telle mesure, pas au « temps », c’est saugrenu !
La graphie “autant pour moi”, qui est selon lui une locution elliptique de modestie (“avec un brin d’autodérision ») signifierait « Je ne suis pas meilleur qu’un autre, j’ai autant d’erreurs que vous à mon service : autant pour moi ! ». En outre, il la lie à une ancienne expression, « autant pour le brodeur », relevée dans Curiositez françoises pour supplément aux dictionnaires (1640) d’Antoine Oudin, qui signifie, selon le Littré, qu’on n’ajoute aucune foi à un récit.
Grevisse a émis l’hypothèse que “au temps” pourrait être une dérivation de “autant”. Pour André Thérive, “au temps” pourrait être un substitut pédantesque de “autant” (Querelles de langage). Toutefois, on trouve “au temps pour moi” dès la fin du XIXe siècle, ce qui n’est pas le cas de “autant pour moi” (employé comme formule).
Très grave ; cas de conseil !!! D’ailleurs, au temps pour moi : maladresse !
Enfin, Bernard Cerquignlini note dans ses Petites chroniques du français comme on l’aime (2012) que la graphie “au temps” tend à disparaître au profit de autant (et donc “autant en emporte le vent ! » ). Il est vrai qu’elle paraît plus naturelle.
Comment s’y retrouver dans cette dualité linguistique ? Voici quelques suggestions pratiques :
- Pour vos écrits formels, privilégiez “au temps pour moi”
- À l’oral, laissez-vous porter par votre intuition : les deux formes sont acceptées
Et surtout, évitons les querelles orthographiques stériles
Traductions et équivalents
Notre expression voyage à travers les langues. Voici comment nos voisins reconnaissent leurs erreurs :
Anglais : “My mistake” / “I stand corrected”
Italien : “Mi correggo” / “Mi scuso”
Espagnol : “Me corrijo” / “Error mío”
Allemand : “Ich korrigiere mich” / “Mein Fehler”
Portugais : “Me corrijo” / “Meu erro”
Russe : “Vinovat” / “Ya oshibsya”
Arabe : “Afwan, akhtaʾtu”
Évolution de l’usage
Le temps nous raconte une histoire fascinante. Les chercheurs de l’équipe ATILF-CNRS ont retracé l’évolution de notre expression :
Dans un premier temps, “au temps pour moi” règne sans partage
jusqu’aux années 1950
Puis vient le temps du changement : “autant pour moi” fait son
apparition entre 1950 et 1980
Aujourd’hui ? Les deux formes coexistent paisiblement, avec une
légère préférence pour “au temps pour moi” dans les textes
officiels
Sources consultées
* Dictionnaire de l’Académie française, 9e édition
* Rey, Alain. Dictionnaire historique de la langue
française
* Grevisse, Maurice. Le Bon Usage
* Base de données Frantext (ATILF-CNRS)
Les 2 expressions n’ont pas le même sens!
– “Je rapporte des sandwiches, qui en veut ?”
– “Oui, au thon pour moi.”
Joli ! J’adore moi-même divaguer sur les mots et leurs sonorités.
Et ce temps tant s’y prête : est-ce tentant ? Oui élargir nos conceptions plutôt que de se faire tant mal au crâne à la réflexion.
Joli !
Je ne vais pas prendre la mouche mais visiblement mon petit jeu de mots n’a impressionné personne. Je ne vais pas non plus pousser des cris de paon, mais il est temps qu’autant d’originalité soit reconnue comme étaonant, surtout venant de la plume d’un Australopithèque originaire de Sydney. Que de taons perdus !
Si si la mouche est prise, avec le vin aigre de la rancoeur qui la rend au coeur.
Ancien.militaire, j’ai enseigné le maniement d’armes pour les mouvements de parade appelé s “ordre serré”. Pour obtenir des mouvements synchronisés nous faisions compter les temps.
Ainsi en réponse au commandement, les soldats comptaient 4-1-2 pour un “présentez, armes !”, 4-1-2-3 pour le “reposez, armes”. Des milliers de gens doivent s’en souvenir !
Quand par exemple le bruit des crosses tapant au sol à la fin du reposez,armes roulait faute de synchro, le chef pour commenter disait “au temps pour les crosses” et faisait refaire. C’était répété partout et fréquemment , et donc devenu un tic verbal pour certains.
Du coup, quand le chef se trompait dans un commandement ou une explication il s’excusait en disant ” au temps pour moi” .
Voulait il dire “autant pour moi” ???? Il leboensait peut-être mais l’expression vient bel et bien de l’exercice militaire.
Comme le pianiste dans le film “Les Choristes”, qui s’excuse de son erreur en disant “Au temps pour moi” que tout le monde imaginait s’écrit “Autant pour moi”, je crois à son origine musicale. Récemment j’ai vu une photo d’un essaim d’abeilles, que je croyais des grosses mouches piqueuses – et j’ai inventé : “Aux taons pour moi !”
Joli !
j’ai lu avec intérêt la distinction des locutions – au temps pour moi et autant pour moi .
je préfère de loin ” autant pour moi” et pensais qu’au temps pour moi était une erreur commune de traduction des romans américains
Bref merci
Remplacer: “- Formez sceaux” par “Formez les faisceaux” !
(faisceaux qui étaient formés en regroupant les fusils par trois)
Non, c’est sceaux.
Vous pouvez lire la source ici
…peut-être mais “formez sceaux”, cela ne veut rien dire
négatif , c’est bien : formez les faisceaux ! je suis ancien militaire et Solande a raison !.
Mais lisez la source !
Vous citez très mal vos sources. Comme il n’y a pas de loupe, on a du mal à trouver le texte dans ce que vous citez de la BLF -Gallica. En effet, c’est dans le feuilleton du journal “L’auto” du 26/011903 “Les dégringroleurs de pantes” (sic) de Guy Pantin d’Emery (illustre inconnu soit dit en passant).
Tous ceux qui ont fait l’armée, savent que l’ordre est bien “Formez les faisceaux” et non “formez sceaux” mais sans doute (je n’arrive pas à lire) qu’il y a l’ellipse de certains mots car ils entendent mal l’ordre et ce qui donne ” formez sceaux” et il y aurait dû avoir des points de suspension.
Bon j’ai retrouvé le texte que vous citez mais c’est laborieux et effectivement, il manque les points de suspension dans la citation du texte que vous faîtes :
gallica.bnf.fr
« Vous citez très mal vos sources » = « je n’ai pas pris le temps de chercher l’outil zoom sur Gallica ».
« Vous citez très mal vos sources » => « tous ceux qui ont fait l’armée, [pourquoi cette virgule ?] », quel fondement solide !
« Vous citez très mal vos sources » : le lien que vous partagez ne mène à rien.
Il ne manque pas de points de suspension.